ALGER: Détenu sans procès depuis 72 jours, le journaliste algérien Rabah Karèche va rester en prison après la décision mardi du tribunal de Tamanrasset (sud du pays) de renvoyer son dossier devant un juge d'instruction, selon un comité de soutien aux prisonniers d'opinion.
« L'instruction devra se poursuivre. Autrement dit, Rabah Karèche reste en détention provisoire », a indiqué le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) sur sa page Facebook.
La chambre d'accusation de la cour de Tamanrasset a en effet accepté un appel du procureur contre un renvoi de l'affaire devant le tribunal.
Rabah Karèche, correspondant à Tamanrasset du quotidien francophone Liberté, est notamment accusé de « diffusion volontaire de fausses informations susceptibles d'attenter à l'ordre public », selon le CNLD.
Il lui est également reproché la « création d'un compte électronique consacré à la diffusion d'informations susceptibles de provoquer la ségrégation et la haine dans la société » et d'avoir porté « atteinte à la sûreté et l'unité nationale ».
Karèche a été inculpé et écroué le 19 avril après avoir publié le compte rendu d'un mouvement de protestation des Touaregs, minorité berbère locale.
Journaliste expérimenté et respecté établi de longue date à Tamanrasset, il avait rapporté que les habitants historiques de cette région dénonçaient « l'expropriation de leurs terres au profit » des wilayas (préfectures) de Djanet et d'Illizi, nouvellement créées.
Les populations touarègues de l'extrême sud de l'Algérie dénoncent régulièrement leur marginalisation économique et sociale au sein d'un Etat très centralisé.
La détention prolongée de Rabah Karèche a choqué ses collègues en Algérie et au-delà. Elle a aussi suscité la colère des avocats après que le président Abdelmadjid Tebboune a qualifié le journaliste de Liberté de « pyromane » dans une interview à l'hebdomadaire français Le Point.
Ses avocats ont dénoncé « une violation de la présomption d'innocence » et une « tentative d'influencer la justice ».
Une réforme du code pénal adoptée l'année dernière criminalise désormais la diffusion des « fake news » qui portent « atteinte à l'ordre public ».
Leurs auteurs sont passibles d’un à trois ans de prison, voire le double en cas de récidive, selon ce nouveau texte critiqué par les défenseurs de la liberté de la presse.
L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par RSF, sans changement comparé à 2020. Mais le pays a perdu 27 places depuis 2015.