Ryoko Sekiguchi ou l’art de décrire une ville, Beyrouth, avec ses papilles

Pour Sekiguchi, la cuisine «est un concentré des goûts d’une époque, et une mémoire intime ou familiale»; c’est «l’archive des cinq sens d’une époque». Photo Felipe Ribon
Pour Sekiguchi, la cuisine «est un concentré des goûts d’une époque, et une mémoire intime ou familiale»; c’est «l’archive des cinq sens d’une époque». Photo Felipe Ribon
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Publié le Mardi 21 septembre 2021

Ryoko Sekiguchi ou l’art de décrire une ville, Beyrouth, avec ses papilles

  • Le seul titre du livre de Sekiguchi intrigue par sa singularité; son mystère est levé par Sekiguchi elle-même
  • Sekiguchi dessine pour le lecteur son Beyrouth à elle, sans se soucier d’une quête quelconque de vérité

PARIS: Comment décrire une ville avec les papilles? Comment définir l’âme d’un lieu grâce à ses sens – le goût, le toucher, l’odorat, la vue et l’ouïe?

C’est ce que nous apprend l’écrivain d’origine japonaise Ryoko Sekiguchi à travers le portrait de Beyrouth qu’elle esquisse dans son dernier ouvrage, paru chez P.O.L: 961 heures à Beyrouth (et 321 plats qui les accompagnent).

Le seul titre du livre intrigue par sa singularité; son mystère est levé par Sekiguchi elle-même: «J’ai effectué un séjour de neuf cent soixante et une heures au Liban», explique-t-elle à Arab News en français. Et elle y a dégusté trois cent vingt et un plats.

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Sekiguchi dessine pour le lecteur son Beyrouth à elle, sans se soucier d’une quête quelconque de vérité. PATRICK BAZ / AFP

Au-delà de son titre, ce récit réserve à ses lecteurs une multitude de surprises grâce à la manière si particulière qu’a Sekiguchi d’évoquer Beyrouth. L’angle choisi – présenter une ville et sa population en parlant de sa cuisine locale –est, en effet, loin d’être banal.

Mais, pour Sekiguchi, la cuisine «est un concentré des goûts d’une époque, et une mémoire intime ou familiale»; c’est «l’archive des cinq sens d’une époque».

Le livre de Sekigushi possède une «grammaire gustative» et une culture culinaire dont les ingrédients «constituent le vocabulaire», donnant naissance à des «plats-phrases» et à des «repas-textes»

Arlette Khouri

Sekiguchi dessine pour le lecteur son Beyrouth à elle, sans se soucier d’une quête quelconque de vérité: c’est son ressenti qu’elle choisit de livrer, en toute subjectivité.

Son livre est empreint d’une immense liberté qui l’amène à opérer constamment à des allers et retours, invitant la cuisine dans la littérature, et inversement.

Elle assure que son ouvrage possède une «grammaire gustative» et une culture culinaire dont les ingrédients «constituent le vocabulaire», donnant naissance à des «plats-phrases» et à des «repas-textes».

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L’ouvrage témoigne surtout d’une grande délicatesse; l’auteure y dresse le portrait d’une ville dont elle voudrait «saisir le cœur» – mais, comme c’est impossible, elle souhaite au moins «toucher sa peau». JOSEPH EID / AFP

L’ouvrage témoigne surtout d’une grande délicatesse; l’auteure y dresse le portrait d’une ville dont elle voudrait «saisir le cœur» – mais, comme c’est impossible, elle souhaite au moins «toucher sa peau».

Pour y parvenir, quoi de plus avisé que d’arpenter les rues de cette ville à toute heure du jour et de la nuit afin de capter les nuances d’un crépuscule et d’une aube qui n’appartiennent qu’à Beyrouth?

C’est avec sa propre sensibilité que Sekiguchi saisit tout cela; aussi décide-t-elle, par exemple, qu’un endroit est agréable en observant la cadence des pas des flâneurs.

Ryoko Sekiguchi n’hésite pas à rapprocher Beyrouth de Tokyo. Dans ces deux villes, le manque d’espaces publics lui semble flagrant.

Arlette Khouri

À Souk El Tayeb, un marché hebdomadaire de Beyrouth qui propose des produits locaux et frais, elle voit en effet que «les pas sont posés heureux». Elle y observe le bonheur des passants: «Ils prennent le temps de regarder les produits» et d’échanger avec les vendeurs.

Plus loin, avec beaucoup de tact et de pudeur, elle parle d’une «ville pleine de contradictions» pour décrire le désordre des rues et des constructions, notamment les bennes à ordures disposées dans chaque rue et leur lot d’odeurs nauséabondes.

Elle découvre le quartier Sodeco, non loin du centre-ville de la capitale libanaise, par le biais de l’odeur des plats que dégage le restaurant Marrouche, puis se trouve attirée vers le quartier Hamra qui, avec sa couleur dominante d’ocre rouge, lui évoque l’Alhambra.

Les Libanais ressemblent aux Japonais…

Elle n’hésite pas à rapprocher Beyrouth de Tokyo. Dans ces deux villes, ainsi, le manque d’espaces publics lui semble flagrant. Elle associe de nombreux aspects de la capitale japonaise à d’autres villes dans lesquelles elle a séjourné, comme New York ou encore certaines villes d’Iran, d’Afghanistan…

Elle est formelle: aussi surprenant que cela puisse paraître, les Libanais et les Japonais ont de nombreux points communs. Elle en dresse d’ailleurs une liste.

Selon elle, le Liban et le Japon se ressemblent en raison de l’indifférence de l’État en matière d’urbanisme, mais aussi par un non-dit généralisé qui concerne les épisodes douloureux de leur histoire – un véritable «déni de l’histoire», pour l’écrivaine.

Ces deux pays lui semblent en outre être caractérisés par l’irrespect du gouvernement vis-à-vis de son peuple et par une corruption «en libre-service».

Par ailleurs, chacune de leurs populations lui apparaît comme «un peuple-providence»: les gens se débrouillent de leur mieux et vivent l’instant présent sans trop se soucier des éventuels drames qui les attendent le lendemain.

Sekiguchi tente par moments de «retrouver le goût de la guerre, ses bruits, ses odeurs», et avoue comprendre les Libanais qui évitent d’en parler entre eux afin de ne pas «raviver les blessures» ou de ne pas «fâcher l’autre».

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Sekiguchi tente par moments de «retrouver le goût de la guerre, ses bruits, ses odeurs». JOSEPH EID / AFP

Son livre se présente comme une de ces suites de digressions harmonieuses dont elle a le secret. Son lecteur passe ainsi d’une réflexion profonde et poignante à la recette du kebbé, qu’elle qualifie de «ciment de la cuisine nationale», ou à l’évocation d’un taboulé qu’elle décrit comme une «explosion gustative».

Durant l’entretien qu’elle a accordé à Arab News en français, Sekiguchi confie: «[Je ne sais pas] si, après mon séjour je connais mieux le Liban; mais peut-être que je connais un peu mieux les Libanais».

Elle décrit ces derniers comme «émouvants, directs et, en même temps, complexes».

Il est inutile de lui demander sa définition de Beyrouth, car elle le fait dès la première phrase de son livre: «Quand je pense à la ville de Beyrouth, elle est toujours inondée de lumière» – une lumière qui lui vient du cœur.

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En réalité, Beyrouth se trouve en ce moment malheureusement enveloppée de noirceur et d’obscurité. PATRICK BAZ / AFP

En réalité, Beyrouth se trouve en ce moment malheureusement enveloppée de noirceur et d’obscurité.

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La mannequin franco-algérienne Loli Bahia célèbre la vision mode de Pharrell Williams

La dernière fois que Bahia a défilé pour Louis Vuitton, c'était en octobre, pour présenter la collection printemps-été. (Getty Images)
La dernière fois que Bahia a défilé pour Louis Vuitton, c'était en octobre, pour présenter la collection printemps-été. (Getty Images)
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  • La mannequin franco-algérienne assiste à un défilé de mode masculine à Paris
  • Pharrell Williams s'associe au créateur de mode japonais Nigo

DUBAI : La mannequin franco-algérienne Loli Bahia continue de renforcer ses liens avec Louis Vuitton, quelques mois après avoir défilé pour la marque, en affichant son soutien à Pharrell Williams, son directeur de la création pour la mode masculine.

Cette semaine, Loli Bahia a assisté au défilé de mode masculine automne/hiver 2025-2026 lors de la Semaine de la mode de Paris, qui aura lieu jusqu'au 26 janvier.

Pharrell Williams a organisé l'événement dans une cour arrière du musée du Louvre, à la nuit tombée, et a planté le décor d'une collection automne-hiver vibrante qui a réimaginé le streetwear.

Les mannequins ont défilé sur le podium au rythme d'une musique de marche, arborant des tenues audacieuses : des costumes en laine épaisse, des blousons bombardiers courts, des bermudas en cuir, ainsi que des manteaux aux nuances pastel et automnales, sans oublier des versions psychédéliques des motifs emblématiques du logo de la marque.

Des sacs aux couleurs vives, des breloques en forme de pinces de homard, des ornements en perles, des bijoux imposants et des poches utilitaires en cuir suédé venaient parfaire les looks, ajoutant une touche d'originalité et de fonctionnalité à l'ensemble de la collection.

Bahia a partagé les moments forts du défilé sur son compte Instagram, offrant à ses followers un aperçu de la mode et de l'énergie de la soirée.

Pour cette collection, Williams, également reconnu pour sa carrière musicale, a collaboré avec son fidèle partenaire de longue date, le créateur de mode japonais Nigo, actuellement directeur créatif de la maison Kenzo, autre marque du groupe LVMH.

Les deux hommes, figures incontournables de la culture urbaine depuis des décennies, ont cofondé le label Billionaire Boys Club en 2003. Leur influence déterminante dans l'ascension du streetwear découle de leur fusion unique entre musique et mode, propulsant ainsi le mouvement à un niveau mondial.

Au premier rang, Bernard Arnault, PDG de LVMH, était assis entre sa femme, Hélène Mercier, et Victor Wembanyama, joueur de basket-ball de la NBA, que l'on voyait taper du pied au rythme de la musique.
Les stars hollywoodiennes Adrien Brody et Bradley Cooper, les stars de la K-pop J-Hope et Jackson Wang, ainsi que les légendes du rap Travis Scott, J Balvin et Future ont également assisté au spectacle.

La dernière fois que Bahia a défilé pour Louis Vuitton, c'était en octobre, pour présenter la collection printemps-été.

Elle a défilé vêtue d'une combinaison noire à la coupe décontractée et ajustée, avec un profond décolleté en V laissant apparaître un haut métallique et irisé. Le tissu brillant du haut, visible sur les manches et la poitrine, contrastait avec la texture mate de la combinaison.

Au-delà des défilés, Bahia est également apparue dans les campagnes de Louis Vuitton, notamment celle du printemps-été 2024 publiée en février 2024.

Dans le clip promotionnel, elle a sublimé les créations de la marque en associant un sac Dauphine orange vif en cuir souple à une robe blazer surdimensionnée, ornée de multiples boutons. L'ensemble était complété par des bas blancs et des talons. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


6 marques de bijoux à découvrir en 2025

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Qu'il s'agisse de créations minimalistes, d'influences culturelles ou de pièces personnalisables, ces six marques de bijoux du Moyen-Orient offrent une gamme variée de styles et de savoir-faire à découvrir cette année.

APOA

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Cette marque saoudienne, «imprégnée de l'ADN saoudien», s'inspire de la culture, de l'architecture, de la nature et des voyages. Elle a remporté le prix de la catégorie bijoux lors de l'édition 2024 des Fashion Trust Arabia Awards.

Ofa

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Fondée par l'influenceuse et entrepreneuse saoudienne Hala Abdullah, Ofa propose des bijoux contemporains au design minimaliste, notamment des pièces polyvalentes telles que des boucles d'oreilles, des colliers et des bagues à porter au quotidien.

Malath Gallery Designs

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Cette marque originaire de Bahreïn, connue pour ses créations d'art vestimentaire, se distingue par ses motifs textuels inspirés des motifs islamiques, des versets du Coran et de la poésie.

Tharwa l'atelier

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Tharwa l'atelier est une marque libanaise de haute joaillerie qui propose des pièces en or et en diamant alliant un savoir-faire intemporel à un design moderne.

Myne the Label

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Cofondée par l'influenceuse libanaise Maya Ahmed, la marque propose des bijoux et des accessoires corporels conçus avec des pierres précieuses, des cristaux bruts et des signes du zodiaque.

Fabula Jewels

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Cette marque basée à Dubaï est spécialisée dans la haute bijouterie personnalisable et propose des modèles complexes tels que des colliers à nom, des bagues de naissance et des pièces empilables.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Andrew Garfield : « We Live in Time » est l'histoire de tout le monde

Andrew Garfield est à l'affiche de "We Live in Time". (Getty Images)
Andrew Garfield est à l'affiche de "We Live in Time". (Getty Images)
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  • Le dernier film d'Andrew Garfield, « We Live in Time » de John Crowley, actuellement à l'affiche dans les salles du Moyen-Orient, est un véritable casse-tête qui ne manquera pas de vous captiver dès la première scène
  • Le voyage de découverte de soi qui s'en est suivi a contribué à l'amélioration de son art d'acteur

DUBAI : Il n'est plus un secret que le dernier film d'Andrew Garfield, « We Live in Time » de John Crowley, actuellement à l'affiche dans les salles du Moyen-Orient, est un véritable casse-tête qui ne manquera pas de vous captiver dès la première scène.

Commençant par le diagnostic de cancer d'Almut (Florence Pugh), l'histoire la suit dans le temps pour raconter sa relation avec Tobias (Garfield), de leur première rencontre après un accident de la route à la naissance de leur fille dans une station-service, et plus encore.

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Grace Delaney, Andrew Garfield et Florence Pugh dans « We Live in Time » (Photo fournie).

"Je pense que l'intérêt de ce film est qu'il s'agit de l'histoire de tout le monde", a déclaré Andrew Garfield à Arab News. "Je pense qu'après un certain temps, tout être humain, s'il a de la chance, fait l'expérience d'une perte terrible. Je sais que c'est une façon étrange de formuler les choses, mais je considère que c'est un privilège d'aimer profondément et donc de perdre terriblement, de perdre l'autre, qu'il s'agisse d'un partenaire, d'une mère, d'un père ou d'un ami.

Alors qu'au cours des dernières années, Garfield a fait des pauses pour tenter de mieux se connaître, le scénario de Justine Wright l'a encouragé à revenir sur le plateau de tournage.

"J'étais dans un endroit très paisible et contemplatif de ma vie, je réfléchissais à tout et j'avais envie d'être créatif, mais pas nécessairement de me retrouver sur un plateau de tournage. Mais en lisant le scénario, je me suis dit que ce serait un processus créatif très naturel", a-t-il déclaré.
"Il y a eu un certain lâcher-prise, mais cette fois-ci d'un autre genre. Il s'agit d'un lâcher-prise après avoir trop réfléchi. J'ai eu l'impression d'un lâcher-prise très naturel, de ne pas travailler trop dur, de laisser le moment se définir par lui-même, de me laisser remplir et de croire que le moment était suffisant", a déclaré Garfield, qui a perdu sa mère des suites d'un cancer en 2019.

Le voyage de découverte de soi qui s'en est suivi a contribué à l'amélioration de son art d'acteur.

"C'est l'un des privilèges d'être un acteur, je pense, d'être un artiste, mais surtout d'être un acteur, c'est que, selon les rôles que vous jouez, vous accédez et trouvez et habitez des parties de vous-même que vous ne saviez pas être là et des capacités que vous ne saviez pas avoir. L'obscurité et la lumière, l'expressivité, l'expansion, la destruction et l'ombre. Alors, oui, je suis définitivement attiré par une connaissance de moi-même aussi complète que possible", a déclaré Garfield.

"Et oui, je cherche à être le plus possible en relation authentique avec moi-même, et donc avec les autres, avec le monde, et puis avec mon travail. Et parfois, c'est vraiment, vraiment douloureux, parce qu'il y a des aspects de moi-même que j'aimerais ne pas avoir, comme nous tous. Mais le danger est, je pense, que si nous essayons d'exiler ces parties de nous-mêmes, nous finissons par être dans le déni de ce dont nous sommes capables, et nous finissons alors par faire vraiment des dégâts et par élire les mauvaises personnes à la tête des pays. 

"Donc, oui, il me semble important de trouver toutes ces différentes parties, de les posséder et de les accueillir ; et donc d'être capable de les gouverner et de ne pas être gouverné par elles, parce qu'elles ne sont que des pulsions inconscientes."

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com