BEYROUTH: Après une édition 2020 organisée en ligne en raison de la pandémie de Covid-19, on assiste au retour en grande pompe de la 3e édition du Gabès Cinéma Fen, ce festival organisée du 18 au 26 juin 2021 dans la ville de Gabès, en Tunisie. Loin des formes commerciales classiques de ce genre de manifestations, cet événement associe films d’auteur, arts videos, visuels et picturaux, installations artistiques, ateliers, projections en plein air, master class, rencontres, débats, cinéma avant-gardiste et réalité virtuelle.
Au-delà de cette programmation alternative, le festival est avant tout un espace de rencontres et d’échanges autour de l’image, un véritable lieu de découverte et de réflexion où se croisent et s’enrichissent les regards. «À Gabès Cinéma Fen, nous pensons qu’il faut casser les frontières qui existent entre les différentes disciplines artistiques de l’image. À notre époque, l’image a pris une grande place dans nos quotidiens, elle est partie prenante de notre vie. C’est donc une bonne chose que de la réfléchir à travers toutes ces disciplines artistiques», explique Fatma Chérif, directrice du festival, à Arab News en français.
Pas moins de soixante-dix films sont projetés aux quatre coins de la ville, dans des lieux spécialement équipés et aérés: la salle de l’Agora, le Complexe culturel de Gabès et le Centre des étudiants de la ville de Gabès, entre autres.
«C’est très important pour nous d’être à Gabès, qui est une région où le secteur de la culture n’est pas forcément très présent; à titre d’exemple, le public de Gabès a peu suivi les récents développements de la capitale: la question de la décentralisation, qui nous importe tant, l’idée d’aller vers les gens, la volonté d’emmener l’art dans la rue sont totalement absentes. Or, on ne peut pas vivre sans échanges humains, puisqu’on vit constamment dans l’altérité. C’est donc quelque chose d’important pour nous. L’art est le reflet de cette vérité: si nous le vidons de son humanité, il perd son sens. Et c’est pour cette raison qu’il était très important d’organiser cette édition en présentiel et qu’elle se tienne précisément à Gabès», confie le directrice du festival.
«Il est important de permettre aux habitants et aux jeunes de la ville de participer à un événement si riche, qui se tient alors que le contexte sanitaire reste difficile, et de se rencontrer autour des arts et du savoir», ajoute-t-elle.
Un cinéma qui invite à la réflexion et interroge notre rôle d’être humain
Vingt-neuf films sont en compétition officielle. Parmi la sélection, on trouve les meilleures et les plus récentes productions arabes, réparties en deux catégories – courts et longs métrages – sans que documentaire et fiction soient distingués.
Ces films évoquent des problématiques idéologiques et reflètent une réalité âpre, douce-amère ou en devenir. Ils invitent le spectateur à réfléchir et à s’interroger sur son rôle d’être humain, notamment dans un contexte de pandémie «qui nous a fait vivre une situation totalement contradictoire», rappelle Fatma Chérif. «Un véritable défi humain. Nous avons besoin de l’autre, et, en même temps, le coronavirus est venu nous expliquer que nous sommes un danger pour les autres», souligne-t-elle.
Aussi la directrice du festival insiste-t-elle sur le message que véhicule un événement qui se distingue résolument des festivals de cinéma traditionnels. «Lorsque l’on voit tous les enjeux d’aujourd’hui, la concurrence effrénée […] qui se révèle d’un festival à l’autre… On se compare à l’autre, ce qui n’est guère constructif. Je perçois cette concurrence comme une façon de se dire en permanence: “Je dois être mieux que l’autre.” Au festival de Gabes, mon message est le suivant: “Assumons ce que nous sommes et soyons nous-mêmes.”» Choisissons les films parce qu’ils nous plaisent vraiment et non parce qu’ils sont projetés en première. Je crois qu’il y a des belles choses qui peuvent en sortir. C’est le plus important», conclut la directrice de l’édition 2021.
Des sections diversifiées
Témoignant également du souci d’aborder la question des défis écologiques – Gabès subit de plein fouet les conséquences de la pollution chimique –, le festival collabore avec plusieurs associations environnementales et propose une section, baptisée «Ciné-Terre», qui se concentre sur le cinéma à portée écologique. Les projections ont lieu en plein air, dans une oasis, et les invités débattent, sur le plan local comme international, du devenir de notre planète face à la menace du réchauffement climatique.
Quant à la section Art vidéo, l'une des plus importantes du festival, elle s’enrichit cette année - outre les rencontres et masterclass - d’une nouvelle exposition, K Off, dédiée aux artistes émergents. Cette exposition commissionnée par la curatrice Salma Kossemtini, vient s’ajouter à El Kazma, une sélection d’oeuvres d’artistes internationaux proposée par l'artiste Laurent Montaron, comme un film, une variation sur un thème: l’immatériel. Les œuvres d’El Kazma relient différents lieux de la ville: La Corniche de Gabès, l’Agora et le palais du festival.
Le programme des projections inclut aussi d’autres sections: « Art et pensée», qui se veut un espace de réflexion entre invités et festivaliers, avec l’instauration d’un atelier critique autour du 7e art, «Promesse», qui récompense les nouveaux talents, ou encore la section destinée au jeune public, intitulée «Cinéma pour enfants».
En outre, le festival propose des galeries itinérantes: cafés et lieux insolites abritent ainsi des expositions de photographies, de peintures, d’installations visuelles et vidéo.