DUBAÏ: Il existe un jardin où le temps s’arrête. C'est là que trois portails représentés par des plantes, scrutent le passé, le présent et l'avenir de notre monde. Il s'agit du jardin imaginaire de l'artiste saoudien Abdelmohsen Albinali, une œuvre d'art créée au cours d'une résidence de trois mois dans le premier espace d'art Masaha à Riyad. Anciennement connu sous le nom de «King Faisal bin Fahad Arts Gallery», ce dernier a longtemps été vénéré comme l'un des espaces les plus importants de Riyad pour l’art contemporain. Selon Abdelmohsen Albinali, les trois plantes sont un moyen de discuter de la relation de l'humanité avec le monde naturel à travers des événements historiques, des perceptions culturelles actuelles de l'environnement et une compréhension de l'avenir relevant de la science-fiction.
«Ces abris verts, dans leur conception même et les marques qu'ils portent des soins et de la culture humaines, constituent indéniablement des refuges réparateurs, nourrissants et nécessaires où la poésie, l'art, les désirs, l'amour et la culture viennent s'épanouir et les secrets se reposent éternellement», déclare l'artiste à Arab News.
Abdelmohsen Albani est l'un des neuf artistes saoudiens présentant leur travail dans «Blurring Lines: Art & the Creative Industries», une exposition présentant le travail d'artistes ayant une pratique interdisciplinaire avec un accent particulier sur le croisement entre les arts visuels et d'autres industries créatives comme le design, le cinéma, la musique, la mode et la nourriture. L'exposition explore la façon dont les artistes, les créatifs et les secteurs non liés aux arts, notamment la santé, peuvent collaborer de manière créative.
Le Misk Art Institute a conçu la résidence Masaha comme un moyen pour les artistes de poursuivre de nouveaux projets et idées avec l'aide de mentors dédiés soutenant les artistes via des visites de studios, d’ateliers, de séminaires, d’opportunités de réseautage, de recherches et de master class ainsi que de sessions critique régulières. Les deux mentors invités pour cette résidence furent Inti Guerrero, ancien commissaire à la Tate Modern, directeur artistique de Bellas Artes Projects et commissaire de la Biennale internationale EVA 2018, et Maya el-Khalil, l'une des plus éminentes commissaires indépendantes de la région qui défend l'art saoudien.
La résidence Masaha a été créée par le Misk Art Institute, une nouvelle organisation culturelle centrée sur les artistes, fondée en 2017 et opérant sous les auspices de la Misk Foundation, initiée par le prince héritier, Mohammed ben Salmane. Elle est entièrement financée et couvre les frais de déplacement, d'hébergement, de production et abrite 10 studios spécialement construits. Elle est ouverte aux artistes régionaux, nationaux et internationaux dans le seul but de créer un art qui s'engage auprès des communautés locales afin de contribuer à de nouvelles pratiques et expériences artistiques mondiales.
«Nous pensons que les résidences artistiques sont importantes car elles élargissent l'expérience d'un artiste et inspirent les échanges culturels», déclare à Arab News Reem al-Sultan, PDG de Misk Art Institute. «Les résidences encouragent les artistes à sortir de leur zone de confort et à repousser leurs limites. En outre, les résidences influencent et élargissent le réseau de l'artiste dans son domaine, lui offrant ainsi des opportunités de visibilité. Ce qui rend la résidence Masaha unique, c'est que nous proposons des sessions de mentorat et de critique qui aident les artistes à réfléchir et à améliorer leurs compétences.»
Sélectionnés à la suite d'un appel à candidatures, les neuf artistes ont été invités à développer de nouvelles œuvres avec le soutien de spécialistes créatifs issus de diverses industries au cours d'un programme intensif d'activités en studio.
De nombreux artistes se sont inspirés de la culture et du symbolisme saoudiens traditionnels, fusionnant ces références avec la technologie numérique et les pratiques artistiques contemporaines.
À titre d’exemple, Huda al-Aithan a créé Numinous Najd, une œuvre composée d'un luminaire suspendu imprimé en 3D, d'un éclairage fait à la main, d'une sculpture en argile et d'impressions numériques. Les pièces empruntent des éléments fonctionnels à l'architecture najdi et les réinterprètent dans une installation d'éclairage contemporaine.
En concevant des formes ludiques et contemporaines qui empruntent à l'essence de l'architecture najdi, Huda al-Aithan cherche à participer à la préservation de son patrimoine local.
Le luminaire et la sculpture servent d'études sur les formes architecturales et la lumière. «L'installation crée une conversation entre le passé et le futur en termes de matérialité et d'essence», explique l'artiste qui a également créé des impressions numériques futuristes dans lesquelles elle place le luminaire comme une pièce d'architecture en soi.
Dans un clin d'œil à sa culture saoudienne natale et à sa foi islamique, le travail de Sara Khalid s'inspire des récits traditionnels en langue arabe et des méthodologies islamiques dans l'art et la technologie. Son œuvre Oral Platforms, la troisième version de HyperLink, vise à combler le fossé entre les domaines distincts de l’inclusion culturelle et du statu quo. Elle explore, de la même façon que ses contemporains en résidence, l’importance de la forte tradition orale de l'Arabie saoudite et l’esthétique qui l’entoure. Dans chaque nouvelle version de l'œuvre, Sara Khalid vise à favoriser de nouvelles perspectives sur la nature de la langue et de la culture arabe et islamique. Elle préserve des éléments du riche passé de l'Arabie saoudite tout en innovant, ainsi que la résidence et l'exposition le démontrent par des moyens interdisciplinaires.
Les prochains «résidents» seront accueillis en automne 2021; parmi eux, neuf artistes et un écrivain qui travailleront tous autour du thème «Maison – Être et appartenir».
«Blurring Lines: Art & the Creative Industries» se produira au Masaha Art Space jusqu’au 30 juin.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com