TUNIS: Malgré la signature d’une série d’accords de coopération, pour près de 80 millions d’euros, lors de la visite du Premier ministre français, Jean Castex, en Tunisie, les 2et 3 juin, déception et frustration prédominent chez les responsables tunisiens et français.
À première vue, la visite en Tunisie de Jean Castex durant laquelle il a coprésidé avec son homologue tunisien, Hichem Mechichi, la troisième édition du Haut conseil de coopération (HCC), a tenu ses promesses. Officiellement, le bilan est «globalement positif» pour les deux parties. Officieusement, c’est loin d’être le cas.
Certes, six accords – dont trois conventions de crédit pour un total de 81 millions d’euros – ont été signés lors de la réunion du HCC. En outre, la France a fait don à la Tunisie de matériel médical pour près de 3 millions d’euros (3 unités de production d’oxygène médical pour les hôpitaux de Sfax, Sidi Bouzid et Tataouine et d’autres produits, 7 millions de masques de type FFP2, 38 400 tests antigéniques, 18 respirateurs Osiris 3 avec leurs consommables et 1 million de gants) pour l’aider dans son combat contre la pandémie de Covid-19.
Toutefois, on est loin d’un accord sur ce que chaque partie considère comme essentiel pour elle: une aide financière consistante pour la Tunisie afin de faire face aux difficultés auxquelles elle est confrontée dans ce domaine et sur le plan économique et social, ainsi qu’un contrôle plus strict de l’immigration clandestine pour la France.
D’ailleurs, la mésentente était perceptible durant et après la visite du Premier ministre français. Durant, d’abord… Alors que Jean Castex a souligné la nécessité et l’urgence d’un contrôle plus rigoureux par les autorités tunisiennes des flux migratoires au départ de la Tunisie, son homologue tunisien a complètement zappé le sujet lors du point de presse du 3 juin.
Puis après… La déclaration conjointe à l’issue du Haut conseil de coopération tuniso-français n’a pas évoqué ce dossier. Déclaration que la présidence du gouvernement tunisien a «omis», contrairement au gouvernement français, de publier sur sa page Facebook et son site web.
Est-ce pour manifester sa déception? Difficile de l’affirmer ou de l’infirmer.
Aussi, au lendemain de la visite du Premier ministre français, on ressent de la frustration des deux côtés. Les Tunisiens, qui ne cachent pas leur déception, se consolent en disant: «Nous n’avons rien obtenu, mais nous n’avons rien perdu.»
L’État tunisien a besoin de près de 20 milliards de dinars (1 dinar tunisien = 0,30 euro) pour boucler son budget 2021 et rembourser cet été deux emprunts contractés en 2014 et 2016 d’un montant total de 1 milliard de dollars (1 dollar = 0,84 euro). Il s’attend donc – même si les responsables tunisiens ne le clament pas officiellement – à un «geste» important de la part de ses partenaires, dont la France, peut-être pas sous la forme d’une annulation de sa dette, comme en a bénéficié le Soudan en mai 2021 pour 5 milliards d’euros, ni d’un rééchelonnement, mais de dons.
La partie française, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, la Tunisie peut s’en sortir par ses propres moyens, en mettant en œuvre les réformes structurelles promises depuis longtemps mais pas engagées pour la plupart à ce jour. Ne figurant pas parmi les 19 pays les plus pauvres du monde, elle a peu de chances de bénéficier de dons ou d’annulation de dette. Et le rééchelonnement? Lors d’une rencontre mardi 22 juin avec la presse tunisienne, l’ambassadeur de France en Tunisie, André Parant, a précisé que la Tunisie ne l’a pas demandé à ce jour. Le diplomate français a fortement déconseillé d’y avoir recours parce que «cela pourrait envoyer un mauvais signal aux marché financiers».
Enfin, la partie française s’étonne que «les voix réclamant une plus grande aide de la France soient les mêmes à critiquer ce qu’elles considèrent comme une ingérence dans les affaires de la Tunisie».
Bref, Tunisiens et Français ont du chemin à faire avant de parvenir à accorder leurs violons.