RAMALLAH: Un militant palestinien des droits humains et critique de l'Autorité palestinienne est décédé jeudi quelques heures après son arrestation par les forces de sécurité palestiniennes en Cisjordanie occupée, suscitant l'indignation et des manifestations dans ce territoire.
Nizar Banat, 43 ans, était connu pour ses vidéos postées sur Facebook critiquant l'Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas, qu'il accuse de corruption.
Jeudi à l'aube, il a été arrêté au domicile de son oncle dans la ville de Dura, près de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, a indiqué sa famille.
Pendant sa détention, "son état de santé s'est détérioré et il a été immédiatement transféré vers l'hôpital gouvernemental de Hébron où les médecins l'ont examiné et où (...) il a été déclaré mort", a indiqué Jibrin al-Bakri, le gouverneur de Hébron, sans autre précision sur les motifs de son arrestation et sur les causes de son décès.
La famille du militant a accusé les forces de sécurité palestiniennes de l'avoir "frappé à la tête avec des bâtons et des bouts de fer" et de l'avoir "assassiné", dans une déclaration faite au site d'actualités palestinien Quds.
"A 03H30 du matin, quelque 25 personnes ont pénétré dans la maison dans laquelle nous étions", a raconté à l'AFP son cousin, Hussein Banat.
Le militant a d'abord été frappé avec un objet pointu à la tête alors qu'il dormait, puis plusieurs hommes l'ont battu, a affirmé Hussein Banat.
Les forces de sécurité "ont pointé leurs armes vers nous et nous ont empêché de bouger et de parler", a-t-il ajouté. Elles avaient déjà mené un raid au domicile de Nizar Banat en mai.
Sollicitées par l'AFP, les forces de sécurité palestiniennes n'ont pas souhaité commenter.
Le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a annoncé l'ouverture d'une enquête.
« Jour noir »
"C'est un jour noir pour l'histoire du peuple palestinien", a estimé Farid al-Atrach, de la Commission indépendante des droits humains. "Ce qui est arrivé à Nizar est triste et douloureux."
Nizar Banat était candidat aux législatives palestiniennes qui devaient se tenir en mai dernier avant d'être reportées sine die par Mahmoud Abbas.
Peu de temps après l'annonce de sa mort, des Palestiniens sont descendus dans les rues de Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne, ainsi qu'à Hébron, brandissant des portraits du militant.
"Abbas, pars!", "le peuple veut la chute du régime", "les arrestations ne nous font pas peur", ont scandé des centaines de manifestants.
Alors qu'ils se dirigeaient vers la Mouqataa, le palais présidentiel à Ramallah, ils ont essuyé des tirs de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes des forces de sécurité palestiniennes, a constaté un journaliste de l'AFP sur place.
"On en a assez de ce régime corrompu", a affirmé Sameh Abou Awwad, un protestataire. "Nizar Banat n'hésitait pas à dire la vérité, quoi qu'il en coûte. Nous sommes tous Nizar Banat."
Le mouvement islamiste palestinien Hamas, rival du parti Fatah de M. Abbas et au pouvoir dans l'enclave palestinienne de Gaza, a affirmé dans un communiqué tenir le président palestinien "pleinement responsable de toutes les conséquences" de la mort du militant.
"Une enquête complète, indépendante et transparente doit être menée immédiatement", a affirmé pour sa part la représentation européenne auprès des Palestiniens, se disant "choquée et attristée" par la mort de M. Banat.
Quelque 84% des Palestiniens estiment que l'Autorité palestinienne est corrompue, selon un sondage publié mi-juin par le Centre de recherche palestinien sur la politique et les sondages (PCPSR) basé à Ramallah.
Mardi, un militant palestinien des droits humains basé à Hébron, Issa Amro, a affirmé sur Twitter avoir été brièvement détenu après une publication sur Facebook critiquant les détentions politiques.
L'Autorité palestinienne exerce des pouvoirs limités sur environ 40% de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par l'armée israélienne depuis 1967. Israël, qui en contrôle tous les accès, administre le reste de ce territoire ainsi que des colonies qui y sont implantées.