PARIS: Ils pestent contre cette France qui « perd ses valeurs », « se gauchise » et se « féminise » : au côté de « Papacito », une petite cohorte d'influenceurs à l'audience grandissante propage sur YouTube des idées de droite radicale, assises sur un discours viriliste, antirépublicain et provocant.
Si « Papacito » est sorti de l'ombre après sa vidéo simulant l'exécution d'un militant LFI, qui a poussé le parquet de Paris à ouvrir une enquête pour « provocation » au meurtre, les « Raptor », « Valek » ou « Bruno le Salé » forment la partie émergée de l'iceberg.
« Ils sont une dizaine à compter au-delà de 10 000 à 20 000 abonnés sur leur chaîne et à franchir le cap des 100 000 VU (visiteurs uniques, NDLR), ce qui est dans le haut du panier pour YouTube », esquisse Romain Fargier, qui prépare une thèse consacrée aux influenceurs politiques sur YouTube.
Le chercheur estime leur « fanbase » (suiveurs) à « plusieurs centaines de milliers de personnes, un million si on prend une fourchette haute ». Un chiffre en augmentation depuis l’élection présidentielle de 2017, à partir de laquelle « le phénomène a commencé à prendre une ampleur de plus en plus importante ».
Qu'ils soient libertaires, royalistes, pour un Etat fort ou en faveur de l'autodétermination, tous se retrouvent autour d'un socle commun idéologique, qui abhorre les élites, la gauche, les « bobos » et la mondialisation, regrette la perte supposée des valeurs et l'immigration de masse.
Surtout, ces gros bras adeptes de musculation, dont certains monnaient leurs conseils en la matière (Raptor) ou font la promotion de compléments alimentaires (Valek), portent fièrement en bandoulière un virilisme misogyne.
« La société se gauchise, donc elle se féminise », lance ainsi Papacito (123 000 abonnés sur YouTube).
« Comme aujourd’hui les gens réagissent comme des femmes, dès qu'il y a le moindre ‘coup de pression’ ça part dans (...) des proportions qui ressemblent à des disputes de femmes », insiste-t-il, « on va vers des temps tellement durs qu'il n'y aura plus de temps pour les timorés ».
Selon « Raptor » (708 000 abonnés), pour qui la parité « est une arnaque », « la virilité c'est la volonté d'exister, être maître de son destin et être responsable, un truc qui manque cruellement aux peuples ».
Format divertissant
« Valek » (357 000 abonnés), de son côté, fulmine contre « la déconstruction de la masculinité », se propose de donner « quelques milligrammes de testostérone ».
Les propos sont outrageux et enveloppés d'une forme divertissante (vidéos courtes au montage dynamique ponctuées de blagues et mèmes) afin de séduire les jeunes et d'accroître leur audience.
A des fins notamment financières, selon le chercheur Romain Fargier : « la plupart sont des micro-entrepreneurs qui se servent de YouTube comme d'une vitrine. Être provoquant permet de se faire connaître et de vendre des produits à côté. »
« Papacito » est ainsi auteur de bandes dessinées, alors que « Raptor » dispense des conseils de coaching.
Les motivations sont également idéologiques. « Raptor » les détaillait dans un entretien à Valeurs actuelles en juillet 2018 : « mon objectif a toujours été de créer du contenu à la fois divertissant et qui soulève quelques problématiques et enjeux actuels par l'humour, l'exagération et la provocation (...) d’aider les jeunes Français à s'intéresser à leur condition, leur proposer de réfléchir autrement qu'à travers l'idéologie dominante ‘cosmopolitiquement’ correcte ».
« Plus que de passer à l'action, leur but est davantage d'inséminer petit à petit leurs idées dans la société » pour les rendre, à force de répétition, de plus en plus acceptables, explique Romain Fargier.
« La bataille de l'Internet, on est train de la gagner, peut-être la bataille électorale », prophétisait « Papacito » dans un entretien à Valeurs actuelles le 9 juin dernier.
De plus en plus interrogés par le journal ultraconservateur ou Sud Radio, « Papacito » et les autres influenceurs commencent en tout cas « à faire une incursion dans les médias ‘mainstream’, ce qui était inimaginable il y a quelques années », relève Romain Fargier.