La suspension de Twitter prive les Nigérians de leur principal outil de contestation

Le ministre nigérian de l'Information et de la Culture, Lai Mohammed, s'exprime lors d'une interview sur la suspension de Twitter à Abuja, le 9 juin 2021. (Photo, AFP)
Le ministre nigérian de l'Information et de la Culture, Lai Mohammed, s'exprime lors d'une interview sur la suspension de Twitter à Abuja, le 9 juin 2021. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 10 juin 2021

La suspension de Twitter prive les Nigérians de leur principal outil de contestation

  • Plus de 120 millions de Nigérians ont aujourd'hui accès à internet, et près de 20% d'entre eux, soit 40 millions de personnes, disent avoir un compte Twitter
  • «Le Nigeria est retourné à la dictature», a estimé sans ambages Kola Tubosun, écrivain nigérian, dans un éditorial du magazine international Foreign Policy

LAGOS: La suspension de Twitter, puis l'ordre du gouvernement aux médias audiovisuels de supprimer leur compte dans un geste "patriotique", a profondément consterné le Nigeria, pays jeune, très connecté, où ce réseau social est un important outil de contestation sociale.

Plus de 120 millions de Nigérians ont aujourd'hui accès à internet, et près 20% d'entre eux, soit 40 millions de personnes, disent avoir un compte Twitter, selon le cabinet d'étude statistique basé à Lagos, NOI Polls.

Ce chiffre extrêmement élevé - la France par exemple ne compte que 8 millions d'abonnés - s'explique notamment "par sa population nombreuse et jeune, mais aussi par le poids de sa diaspora, aux États-Unis notamment, ou par la notoriété mondiale des stars nigérianes" du cinéma ou de la musique afropop, analyse pour l'AFP Manon Fouriscot, cofondatrice d'Afriques Connectées.

Mais les études révèlent également que Twitter, contrairement à d'autres réseaux sociaux, est en grande majorité utilisé au Nigeria pour "donner une voix aux sans-voix", ou encore "interpeller le gouvernement sur ce qui ne va pas", selon NOI Polls.

"Twitter est, au Nigeria et de plus en plus sur le continent, un moyen pour les sociétés civiles de s'exprimer, de se mobiliser, d'alerter l'opinion publique internationale", souligne Manon Fouriscot, experte de l'usage des réseaux sociaux en Afrique.

En octobre dernier, le mouvement #EndSARS contre les violences de l'unité de police SARS, qui s'était transformé en mouvement de la jeunesse contre le pouvoir en place, avait d'abord explosé sur Twitter avant de descendre dans la rue. 

Porté par des icônes de l'afropop aux millions d'abonnés, et ensuite relayé par des influenceurs internationaux, #EndSARS fut pendant deux jours le mot-dièse le plus partagé au monde. Les manifestations qui ont suivi ont été les plus importantes de l'histoire moderne du Nigeria, faisant craindre une déstabilisation du pouvoir avant d'être matées dans le sang.

«Retour à la dictature»

"Ces dernières années, le gouvernement nigérian a renforcé le contrôle des médias en ligne", note Kian Vesteinsson, chercheur à Freedom House, organisation de surveillance des droits de l'Homme.

"Les journalistes nigérians et les groupes de presse assurent avoir été la cible de surveillance numérique et victimes de cyberattaques en lien avec des forces de sécurité", assure le chercheur. 

Mais en suspendant totalement Twitter pour une durée indéterminée, les autorités, qui assurent que la plateforme voulait déstabiliser le pays en laissant s'exprimer les indépendantistes biafrais et en effaçant des tweets du président Buhari, ont franchi un nouveau cap.

Mardi, elles ont reçu les "félicitations" de l'ancien président américain Donald Trump, lui-même interdit de Twitter et de Facebook.  

"Davantage de PAYS devraient interdire Twitter et Facebook pour ne pas permettre un discours libre et ouvert", a-t-il déclaré dans un communiqué sur son site internet. 

"Qui sont-ils pour dicter le bien et le mal s'ils sont eux-mêmes le mal ? Peut-être aurais-je dû le faire (suspendre le réseau social, ndlr) lorsque j'étais président." 

La veille, l'organe national de régulation audiovisuelle (NBC) du Nigeria avait également demandé à toutes les radios et télévisions du pays de supprimer leur compte Twitter, et prévenu que toute utilisation du réseau social serait considérée comme "antipatriotique".

L'utilisation d'un VPN (réseau privé virtuel) qui permet d'accéder à Twitter en contournant le blocage, sera également considérée comme une infraction, a prévenu le ministre de l'Information, bien qu'aucune loi en ce sens n'ait été votée au Parlement.

Selon les organisations de défense des droits humains, cette disposition enfreint les principes de libertés fondamentales instituées par la Constitution de 1999, date de la fin des régimes militaires.

"Le bâillonnement de Twitter est surtout un moyen de bâillonner les médias", assure le responsable web d'une importante chaîne de télévision. "Nous devons réagir, car si nous ne réagissons pas à ça, ils peuvent encore aller plus loin."

Un groupe de médias, DAAR Communications, a annoncé avoir porté plainte pour atteinte à ses intérêts économiques. Certains médias, comme Arise TV, continuaient d'utiliser Twitter pour partager les informations du jour, depuis leurs bureaux en Angleterre ou aux Etats-Unis pour contourner la directive.

"Le Nigeria est retourné à la dictature", a estimé sans ambages Kola Tubosun, écrivain nigérian, dans un éditorial du magazine international Foreign Policy. "On a le sentiment d'être en 1984, gouverné par un régime militaire", écrit-il en référence à l'année où Muhammadu Buhari, à l'époque général, a pris la tête du pays la première fois, après un coup d'État.

Mais la jeunesse 2.0 se réorganise déjà sur les réseaux sociaux sous le mot-dièse #KeepItOn ("continuez") et tente d'organiser un mouvement populaire le 12 juin.

Lundi soir, sur la plateforme ClubHouse, nouveau réseau social de discussion à la mode, des milliers d'internautes se sont réunis pour répondre à des questions telles que "Comment faire barrage à la dictature?" ou "Il y a 23 ans mourait (l'ancien chef de la dictature militaire des années 1990, Sani) Abacha. Qu'avons-nous appris depuis cette époque?" Et débattaient... sans VPN. 


Londres: manifestation propalestinienne à la veille de la trêve à Gaza

Des manifestants et des contre-manifestants se rassemblent à Whitehall, dans le centre de Londres, lors d'une manifestation nationale pour la Palestine, le 18 janvier 2025. (Photo BENJAMIN CREMEL / AFP)
Des manifestants et des contre-manifestants se rassemblent à Whitehall, dans le centre de Londres, lors d'une manifestation nationale pour la Palestine, le 18 janvier 2025. (Photo BENJAMIN CREMEL / AFP)
Short Url
  • des milliers de manifestants propalestiniens se sont rassemblés dans le centre de Londres samedi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, espérant plus qu'un « répit temporaire ».
  • Les participants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez d'armer Israël » ou « Gaza, arrêtez le massacre ». Certains ont chanté : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libérée. »

LONDRES : Il faut continuer à « mettre la pression » : des milliers de manifestants propalestiniens se sont rassemblés dans le centre de Londres samedi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve conclue entre Israël et le Hamas, espérant plus qu'un « répit temporaire ».

« Nous voulons être optimistes » concernant ce cessez-le-feu, et « nous devons être dans la rue pour nous assurer qu'il tienne », affirme à l'AFP Sophie Mason, une Londonienne de 50 ans, habituée des manifestations propalestiniennes dans la capitale britannique.

La trêve, qui doit débuter dimanche matin, prévoit la libération d'otages israéliens aux mains du Hamas et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, un retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza, ainsi qu'une augmentation de l'aide humanitaire.

La marche prévue s'est transformée en un rassemblement statique sur Whitehall, la grande avenue du quartier des ministères, la police ayant rejeté le parcours proposé par le mouvement Palestine Solidarity Campaign, car il passait trop près d'une synagogue.

La police, présente en masse, a annoncé sur X avoir arrêté en fin d'après-midi « entre 20 et 30 manifestants » qui étaient sortis du périmètre autorisé, après avoir déjà procédé à sept autres arrestations un peu plus tôt.

Les participants ont brandi des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Arrêtez d'armer Israël » ou « Gaza, arrêtez le massacre ». Certains ont chanté : « De la rivière à la mer, la Palestine sera libérée. »

« Nous devons mettre la pression pour que ce cessez-le-feu soit respecté et que l'aide internationale arrive à Gaza », affirme Ben, syndicaliste de 36 ans, qui a refusé de donner son nom de famille.

Anisah Qausher, étudiante venue avec sa mère, estime quant à elle que le cessez-le-feu « arrive tard et il est insuffisant ». Si elle espère qu'il « apportera un répit temporaire », elle estime qu'il va falloir « faire beaucoup plus », évoquant le défi de la reconstruction de Gaza.

Selon elle, l'entrée de davantage d'aide humanitaire est « une victoire », mais « cela ne devrait pas être quelque chose soumis à autorisation ». C'est un droit », ajoute-t-elle.

Une manifestation rassemblant une centaine de personnes brandissant des drapeaux israéliens se tenait non loin de là.

L'attaque du 7 octobre a fait 1 210 morts côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 94 sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes selon l'armée.

Au moins 46 899 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans l'offensive israélienne à Gaza, selon les données du ministère de la Santé du Hamas jugées fiables par l'ONU.

Selon l'ONU, la guerre a provoqué un niveau de destructions « sans précédent dans l'histoire récente » dans le territoire palestinien assiégé.


En Espagne, une trentaine de personnes ont été blessées, dont plusieurs sont dans un état grave, dans un accident de télésiège

Drapeau de l'Espagne (Photo iStock)
Drapeau de l'Espagne (Photo iStock)
Short Url
  • « Nous sommes en train de parler de 30 à 35 blessés, graves, très graves ou moins graves », a déclaré Miguel Ángel Clavero, directeur des services d'urgence de la région d'Aragon, où se situe la station d'Astún, sur la télévision publique TVE.
  • Tous les skieurs qui étaient restés suspendus dans leur télésiège ont pu être secourus », a-t-il ajouté.

MADRID : Dans une station de ski des Pyrénées, près de la frontière française, dans le nord-est de l'Espagne, un accident de télésiège a fait samedi plus d'une trentaine de blessés, dont plusieurs gravement, ont indiqué les autorités locales.

« Nous sommes en train de parler de 30 à 35 blessés, graves, très graves ou moins graves », a déclaré Miguel Ángel Clavero, directeur des services d'urgence de la région d'Aragon, où se situe la station d'Astún, sur la télévision publique TVE.

« Visiblement, il y a eu un problème au niveau de la poulie de l'un des télésièges, ce qui a entraîné une perte de tension du câble et la chute de certains télésièges », a-t-il expliqué.

Le président régional Jorge Azcón a précisé pour sa part que les trois personnes les plus gravement atteintes avaient été transférées à l'hôpital, l'une d'entre elles, une femme, en hélicoptère.

Les médias locaux ont évoqué un total de neuf blessés très graves, information que M. Azcón n'a pas confirmée.

Tous les skieurs qui étaient restés suspendus dans leur télésiège ont pu être secourus », a-t-il ajouté.

« Nous avons soudainement entendu un bruit et nous sommes tombés au sol, dans le télésiège. Nous avons rebondi cinq fois, en haut, en bas, et nous avons mal au dos et pris des coups, mais il y a des gens qui sont tombés des télésièges », a raconté María Moreno, l'une des victimes, sur la télévision publique.

« Nous avons eu très peur », a-t-elle ajouté.

Un jeune témoin des faits a déclaré sur TVE avoir vu un câble du mécanisme du télésiège sauter. « Les télésièges se sont mis à rebondir soudainement et les gens ont volé », a-t-il décrit.

Cinq hélicoptères et une quinzaine d'ambulances ont été mobilisés pour évacuer les blessés vers des hôpitaux proches de la station, où a été installé un hôpital de campagne, selon les services de secours.

Dans un message publié sur X, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a déclaré être « choqué par les informations sur l'accident survenu dans la station d'Astún » et a indiqué avoir « offert tout le soutien » du gouvernement central aux autorités locales.


Iran : deux juges de la Cour suprême assassinés dans leur bureau selon les médias

Des membres de la police se tiennent devant le bâtiment judiciaire après l'assassinat des juges de la Cour suprême Mohammad Moghiseh et Ali Razini à Téhéran, Iran, le 18 janvier. (Reuters)
Des membres de la police se tiennent devant le bâtiment judiciaire après l'assassinat des juges de la Cour suprême Mohammad Moghiseh et Ali Razini à Téhéran, Iran, le 18 janvier. (Reuters)
Short Url
  • les juges Ali Razini et Mohammad Moghisseh, ont été tués dans l'enceinte de la Cour suprême, dans le sud de la capitale iranienne, a précisé Mizan Online.
  • e président iranien, Massoud Pezeshkian, a exhorté les forces de l'ordre à « identifier dans les plus brefs délais les commanditaires et les auteurs » du crime.

TEHERAN : Deux juges de la Cour suprême iranienne ont été assassinés samedi dans leur bureau à Téhéran par un homme armé qui s'est ensuite suicidé, a annoncé l'agence officielle de l'Autorité judiciaire, Mizan Online.

Les chefs de la branche 39 et 53 de la Cour suprême, les juges Ali Razini et Mohammad Moghisseh, ont été tués dans l'enceinte de la Cour suprême, dans le sud de la capitale iranienne, a précisé Mizan Online.

Le porte-parole du pouvoir judiciaire, Asghar Jahangir, a déclaré à la télévision que l'assaillant était « entré dans le bureau des deux juges armé d'un pistolet » et les avait tués.

Les motivations de l'auteur des faits n'ont pas été communiquées, mais Mizan Online a précisé qu'il « n'avait pas de dossier devant la Cour suprême ».

L'affaire, très rare en Iran, « fait désormais l'objet d'une enquête », a ajouté Mizan, qualifiant les faits d'acte « terroriste ».

Selon un communiqué publié sur le site de la présidence, le président iranien, Massoud Pezeshkian, a exhorté les forces de l'ordre à « identifier dans les plus brefs délais les commanditaires et les auteurs » du crime.

« Il ne fait aucun doute que le brillant chemin de ces juges, qui ont consacré leur vie à lutter contre les crimes contre la sécurité nationale, se poursuivra avec force », a-t-il ajouté.

Les deux juges tués samedi étaient des hodjatoleslam, un rang intermédiaire dans le clergé chiite, et avaient présidé les audiences d'importants procès ces dernières années.

Mohammad Moghisseh, âgé de 68 ans, a eu une longue carrière au sein de la justice depuis l'instauration de la République islamique en 1979.

Il a été sanctionné en 2019 par les États-Unis pour avoir supervisé « un nombre incalculable de procès inéquitables ».

De son côté, Ali Razini, 71 ans, a occupé des postes importants au sein du système judiciaire comme politique de l'Iran.

En 1998, alors qu'il était à la tête du pouvoir judiciaire de la capitale Téhéran, il avait été la cible d'une autre tentative d'assassinat, selon Mizan.

En 2005, le juge du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Massoud (Hassan) Moghadas, avait été assassiné en pleine rue dans la capitale.

En avril 2023, un ayatollah membre de l'Assemblée des experts, le collège chargé de nommer, superviser et éventuellement démettre le guide suprême, a été tué par balles dans le nord de l'Iran.