ANKARA : Les tensions se sont accrues en Méditerranée orientale depuis la signature fin novembre 2019 d'un accord controversé de délimitation des frontières maritimes entre la Libye et la Turquie, qui a annoncé jeudi la prolongation de ses recherches gazières en Méditerranée orientale.
La découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers dans cette région a aiguisé l'appétit des pays riverains et attisé les contentieux entre la Turquie et la Grèce.
Accord maritime et sécuritaire
Le 27 novembre 2019, le président turc Recep Tayyip Erdogan et le chef du Gouvernement libyen d'union nationale (GNA) Fayez al-Sarraj concluent à Istanbul un accord de délimitation de leurs espaces maritimes, qui permet à Ankara de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale, ainsi qu'un accord de "coopération militaire et sécuritaire".
Ce dernier permettra à Ankara de renforcer son soutien armé au GNA, dont le siège est à Tripoli, face aux forces de Khalifa Haftar, l'homme fort de l'Est libyen.
Mais c'est surtout l'accord sur la délimitation des frontières maritimes qui suscite une levée de boucliers.
Le 8 janvier 2020, Chypre, l'Égypte, la France et la Grèce soulignent que cet accord qui "porte atteinte aux droits souverains des États tiers, n'est pas conforme au droit de la mer" et que "ne peut en découler aucune conséquence juridique".
Ces pays condamnent les forages réalisés par Ankara au large de Chypre.
La Turquie, dont l'armée occupe le tiers nord de cette île, a en effet envoyé ces derniers mois trois navires de forage au large de Chypre malgré des avertissements de l'Union européenne. Et en décembre, elle a installé un premier drone armé à Chypre-Nord.
Navire français visé
Le 17 juin, Paris dénonce le comportement "extrêmement agressif" de la Turquie contre une frégate française engagée dans une mission de l'Otan en Méditerranée au cours d'une tentative de contrôle d'un cargo soupçonné de transporter des armes vers la Libye. Ankara rejette ces accusations.
Le 1er juillet, la France se retire provisoirement de l'opération de sécurité maritime de l'Otan.
Accord entre Le Caire et Athènes
Le 6 août, l'Egypte et la Grèce signent un accord délimitant leurs frontières maritimes.
L'accord autorise ces deux pays à "aller de l'avant en tirant chacun le maximum d'avantages des ressources disponibles dans la zone économique exclusive (ZEE), notamment des réserves de pétrole et de gaz", explique le ministre égyptien des Affaires étrangères.
"Cet accord constitue une violation (de l'intégrité territoriale) du plateau continental et des droits de la Turquie et de la Libye", rétorque son homologue turc.
Déploiement
Le 10 août, Ankara déploie un navire de recherche sismique dans une zone revendiquée par la Grèce, suscitant la colère d'Athènes et la préoccupation de l'UE.
Paris affirme trois jours plus tard avoir "temporairement" dépêché deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la Marine nationale en Méditerranée orientale.
Collision
Le 19, une source militaire grecque annonce qu'une frégate turque et un bâtiment grec sont entrés en collision la semaine précédente en Méditerranée orientale. Un quotidien grec reproduit la photo d'une frégate turque endommagée.
M. Erdogan qualifie de "piraterie" les activités des pays opposés à la Turquie en Méditerranée.
Le 21, il annonce qu'Ankara va accélérer ses recherches avec le déploiement en fin d'année du navire de forage Kanuni.
Manœuvres
Le 25, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, effectue à Athènes et Ankara une mission de médiation.
Le 26, Paris avertit Ankara que cette région ne peut pas constituer "un terrain de jeu" pour des "ambitions" nationales.
La Turquie ne fera "aucune concession" dans la défense de ses intérêts gaziers, déclare M. Erdogan.
Le ministère grec de la Défense affirme que "Chypre, la Grèce, la France et l'Italie se sont mises d'accord pour déployer une présence commune en Méditerranée orientale dans le cadre de l'Initiative quadripartite de coopération".
Ankara annonce que des navires de guerre turcs ont fait des manœuvres avec un destroyer américain.
Ankara prolonge ses recherches
Le 27, la Turquie annonce la prolongation -et donc l'extension- de la mission de son navire sismique Oruç Reis jusqu'au 1er septembre et l'organisation prochaine d'"exercices de tir" dans une zone située au nord-est de Chypre.
Le ministre turc de la Défense accuse la France de contribuer à l'escalade en envoyant des avions de guerre à Chypre.
Les manœuvres militaires "doivent cesser" pour permettre le dialogue, affirme Heiko Maas au cours d'une réunion des 27 de l'UE à Berlin.