BEYROUTH : Le président libanais Michel Aoun a approuvé un prêt exceptionnel de 300 milliards de livres (197 millions de dollars), payable à l’Électricité du Liban (EDL), afin que la société puisse importer du carburant avant l'épuisement de ses stocks, selon un communiqué officiel.
Son approbation survient quelques jours avant un black-out à travers le territoire.
Les heures de rationnement en électricité ont atteint leurs niveaux les plus bas lundi matin dans un nombre de régions. L'approvisionnement dans certains secteurs ne dépasse plus les trente minutes par jour, et la grogne populaire s’est accentuée après que les propriétaires de générateurs aient augmenté leurs tarifs de service, une facture mensuelle salée qui dépasse les 700 000 livres par mois, alors que le salaire minimum se chiffre à 675 000 LBP.
Le président de la Confédération générale des travailleurs libanais au Liban (CGTL), Béchara Asmar, assure que moins de 5,51% de la population profitent de «la bénédiction de l'électricité, le carburant, les communications et de la nourriture dans ses châteaux». Ceux-là, d’après lui, ne se soucient guère des décès quotidiens aux portes des hôpitaux, de l'oppression ou de la colère» qui accablent le reste du peuple.
Asmar met en garde contre une «grande explosion», car nul se serait épargné, quel que soit son statut social ou son poste.
Le 28 mai, le ministre des Finances du gouvernement intérimaire, Ghazi Wazni, a demandé à la Banque du Liban (BDL) d’octroyer quatre crédits d'une valeur de 62 millions de dollars, destinés aux centrales électriques. La BDL avait demandé l'approbation du gouvernement avant de s’exécuter.
Lundi après-midi, Aoun a accordé une «approbation exceptionnelle», afin qu'EDL puisse se procurer du carburant.
«La rationalisation des subventions ne va pas inclure pour le moment le carburant, ni le diesel consacré aux générateurs», souffle une source du ministère des Finances à Arab News. L’exception touche pour le moment «l'essence, ainsi que les médicaments contre les maladies incurables et le blé, afin de maintenir la vie à travers les artères de l'État».
La source a également déclaré que le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, a «réduit les réserves de 15 milliards de dollars à 14 milliards de dollars afin de pouvoir dépenser».
Le ministre des Télécoms, Talal Hawat, qui se veut rassurant, affirme que le Liban ne va pas revenir à l’ère des «pigeons voyageurs». D’après lui, les télécommunications ne seraient pas coupées tant que la BDL peut débloquer les fonds nécessaires à l’achat de carburant.
Un achat indispensable, faute de quoi le service Internet serait «interrompu», quoique Hawat assure que le ministère de l'Énergie fournit «la quantité nécessaire au fonctionnement des réseaux terrestres et cellulaires dans leur intégralité». Il précise cependant que les besoins ont triplé, soit de 25 000 tonnes à 70 000 tonnes par jour, en raison des pannes de courant.
Les « générateurs d’urgences, censés être utilisés pendant huit heures, sont allumés entre 20 et 21 heures par jour», mais ceux-là aussi subissent des pannes. Le «budget d'exploitation et d'entretien du réseau terrestre rafle 48 milliards de livres du budget approuvé par le gouvernement précédent, un montant aujourd’hui insuffisant face au taux de change élevé du dollar», rappelle-t-il.
Le ministre dit s’activer pour «bonifier le montant de 30 milliards de livres afin de s’acquitter des obligations jusqu'à la fin de l'année et effectuer des travaux d’entretien», seul moyen d’éviter une «réduction des services».
Le président du syndicat des propriétaires de générateurs privés, Abdo Saadé, a annoncé que les propriétaires de générateurs vont adopter à leur tour un programme de rationnement. Ils seront donc éteints entre quatre à cinq heures par jour.
Saadé motive la décision par le «rationnement sévère» imposé par l'EDL, en plus de la pénurie de diesel.
Saadé confie que la perception des frais de service est un exercice de plus en plus difficile, car un grand nombre de personnes sont incapables de payer leurs factures. Il nie d’ailleurs que les propriétaires de générateurs fonctionnent en «mafia».
«Lorsque la classe dirigeante a géré le secteur de l’électricité pendant des dizaines d'années, elle a pillé les 47 milliards de dollars qui lui étaient alloués au lieu de l'améliorer. Qui est la mafia dans ce cas?», demande-t-il.
La pénurie de diesel et d'essence est le fruit du monopole, de la contrebande vers la Syrie, et de l'émergence d'un marché noir pour le carburant.
L’essence se vend à 100 000 livres le bidon.
Incapable de faire le plein, un homme incendié sa voiture dans la ville d'Al-Qaa, à la Bekaa, selon l'Agence nationale de presse.
Alors que les gens faisaient la queue devant les stations-service pour obtenir vingt litres lundi, le chef de l'armée a annoncé que des patrouilles à la Bekaa et au nord ont arrêté sept Libanais et un Syrien au cours des trois derniers jours.
Les suspects auraient tenté de faire passer 42 750 litres de diesel et 3 850 litres d'essence vers la Syrie, en plus d'une tonne de ciment.
Les matériaux étaient répartis sur trois camions, cinq voitures, deux camionnettes et un bus.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com