La saga Médecins sans frontières, cinquante ans d'urgences, de révoltes et de rêves

Dans cette photo d'archives prise le 19 janvier 2006, un agent de Médecins Sans Frontières (Médecins Sans Frontières) s'occupe de certains patients, à Dubie, au Katanga. LIONEL HEALING / AFP
Dans cette photo d'archives prise le 19 janvier 2006, un agent de Médecins Sans Frontières (Médecins Sans Frontières) s'occupe de certains patients, à Dubie, au Katanga. LIONEL HEALING / AFP
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Publié le Lundi 07 juin 2021

La saga Médecins sans frontières, cinquante ans d'urgences, de révoltes et de rêves

  • Ils avaient 30 ans, des rêves plein la tête et l'ambition de soigner le monde
  • Leur épopée s'écrit depuis au gré des tremblements de terre, des famines, des épidémies ou des conflits qui défigurent la planète

PARIS: Ils avaient 30 ans, des rêves plein la tête et l'ambition de soigner le monde. Dans le tourbillon qui suit le mouvement étudiant de mai 1968 en France, une petite bande de médecins tout juste sortis de leur fac découvre les horreurs de la guerre civile au Biafra.

"Ce fut un choc", raconte Bernard Kouchner. "Les blessés arrivaient le soir dans notre hôpital quand s'arrêtaient les bombardements. On opérait à la chaîne la nuit, en faisant le tri entre ceux que l'on pouvait sauver et ceux qui allaient mourir. Je n'ai jamais oublié..."

MSF
Dans cette photo d'archive prise le 2 décembre 1981, le Dr Bernard Kouchner, co-fondateur de l'organisation humanitaire française Médecins sans frontières, MSF, s'entretient avec un patient dans un hôpital de MSF à N'Djamena, au Tchad. DOMINIQUE FAGET / AFP

Médecins sans frontières (MSF) naît en 1971 de cette épreuve et de la volonté d'une poignée de jeunes idéalistes comme lui, qui décident de se porter au secours des populations vulnérables partout sur la planète. Ils inventent l'urgence humanitaire.

Leur épopée s'écrit depuis au gré des tremblements de terre, des famines, des épidémies ou des conflits qui défigurent la planète.

Cinquante ans de missions et de révoltes, récompensés d'un prix Nobel en 1999 et scandés de ruptures et de polémiques qui font aujourd'hui de MSF une institution aussi inclassable qu'incontournable. Et une fantastique aventure humaine.

"D'un rêve, nous avons fait une épopée", s'émerveille encore à 83 ans Xavier Emmanuelli, un des grands anciens de l'ONG. "J'ai vu se transformer un tout petit groupe de types qui se la pétaient un peu mais géniaux en quelque chose de reconnu dans le monde entier."

Chaos biafrais

Le rêve a débuté par un cauchemar.

En 1968, les combats font rage au Biafra entre les rebelles sécessionnistes de cette province nigériane et l'armée gouvernementale. Les bombes tuent les civils, le blocus des autorités les affame.

A Paris, quelques médecins ont répondu à un appel à l'aide du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Parmi eux Bernard Kouchner, ancien chef de l'Union des étudiants communistes, et Max Récamier, un catholique tiers-mondiste.

Sur place, ils sont plongés dans l'enfer des combats et d'une famine qui tue hommes, femmes et enfants par centaines de milliers.

"Les enfants mouraient en masse parce que l'armée bloquait tout ravitaillement", se souvient le Dr Kouchner, 81 ans. "Dénoncer cette situation était de notre devoir de médecins."

msf
Dans cette photo d'archives prise le 1er décembre 1981, des médecins français de MSF s'occupent d'un enfant dans leur hôpital de N'Djamena.
DOMINIQUE FAGET / AFP

Avec son confrère Récamier, l'ancien ministre décide de déchirer le contrat de silence signé avec le CICR et d'exposer la réalité du conflit. "Biafra: deux médecins témoignent", titre le quotidien français le Monde en novembre 1968. La presse internationale se mobilise et les images d'enfants noirs mourant de faim envahissent les petits écrans.

Soigner et témoigner: l'humanitaire moderne est né.

"Bricoler"

MSF est créée trois ans plus tard, en décembre 1971. "On a trouvé le nom un soir de création où on fumait et on picolait", se souvient Xavier Emmanuelli, alors médecin dans la marine marchande. "J'ai dit +il faut absolument Médecins dedans+. Et puis on a ajouté sans frontières. Parce qu'on était des saute-frontières."

Les débuts de l'association sont difficiles.

Faute de moyens, la jeune ONG sert d'abord de réservoir de bonnes volontés. Une campagne de pub en 1977 installe son nom. "On a grandi avec les médias et la télévision", résume Xavier Emmanuelli. Mais sur le terrain, les premières missions riment avec galères.

Lorsqu'il débarque plein d'enthousiasme en 1975 en Thaïlande dans les camps des victimes du régime cambodgien des Khmers rouges, le jeune Dr Claude Malhuret déchante vite.

"C'était terrible. On n'avait rien". Il lui faut se débrouiller pour tout. Pour récupérer du matériel, pour installer le camp, pour avoir des médicaments, même pour manger.

"Quand je suis rentré à Paris, j'ai vidé mon sac. Je les ai traités d'assassins, nous envoyer en mission comme ça, sans rien...", raconte le sénateur de 71 ans. "C'était excessif, mais ça a secoué tout le monde. On ne pouvait pas continuer à bricoler." 

"Schisme"

Le torchon brûle au sommet de MSF depuis un peu de temps déjà. Les "Biafrais" souhaitent rester une petite équipe de copains sur le mode "commando" et s'accrochent aux "nouveaux", déterminés à grandir.

Le "bateau pour le Vietnam", en 1979, va les fâcher à vie. Alors président de MSF, Bernard Kouchner mobilise le tout-Paris intellectuel - les philosophes Raymond Aron et Jean-Paul Sartre en tête - pour affréter un bateau chargé de récupérer en mer de Chine les réfugiés qui fuient la dictature communiste de Hanoï.

Les "nouveaux" de MSF s'agacent de cet activisme mondain et, lors d'une AG, le mettent en minorité. Bernard Kouchner claque la porte et s'en va créer Médecins du monde (MDM).

Quatre décennies après, les cicatrices du "schisme" saignent toujours.

"Une triste querelle de pouvoir", fulmine encore l'ex-ministre des Affaires étrangères (2007-2010). "Je leur en ai beaucoup voulu." 

"Il avait tous les culots et surtout envie de devenir quelqu'un", le griffe Xavier Emmanuelli, ex-secrétaire d'Etat à l'action humanitaire. "Il nous a servi, au début. Le petit prince des médias. Mais MSF façon Kouchner, c'était devenu du baratin."

"Eux, les anciens, partaient sur place pour sonner l'alerte en espérant que les autres allaient suivre", note aussi Rony Brauman, à l'époque jeune médecin tendance "Mao" de l'ONG. "Nous, la jeune génération, nous voulions une action sérieuse, des moyens et des résultats."

MSF entre alors dans l'ère de la professionnalisation.

"Pour grandir, il nous fallait de l'argent. Je suis parti aux Etats-Unis apprendre le +fundraising+", se souvient Claude Malhuret. "Comme on était les premiers à le faire en France, on a raflé la mise."

"French Doctors"

Riche de l'indépendance que lui offre ce financement privé, MSF n'hésite plus à témoigner.

"Leur modèle s'est développé contre le principe de respect de la souveraineté des Etats défendu par le CICR", analyse l'avocat Philippe Ryfman, spécialiste de l'humanitaire, "ils prennent la parole pour mobiliser l'opinion publique et dénoncer les exactions".

Au nom des droits de l'Homme, les "gauchos" repentis de MSF dénoncent les exactions des régimes communistes au Cambodge.

Leurs missions clandestines auprès des populations d'Afghanistan et des rebelles en guerre contre l'occupant soviétique font une réputation mondiale aux "French Doctors".

"Nous étions les seuls à voir les effets de la guerre", plaide Juliette Fournot, la grande ordonnatrice des missions afghanes de l'ONG jusqu'en 1989. Tous les jours ils amputent les enfants, soignent les agriculteurs brûlés au napalm. "Témoigner a été très important, aujourd'hui encore, les Afghans se souviennent de nous."

En 1985, c'est en Ethiopie que l'ONG jette un pavé dans la mare. "Nos centres de distribution alimentaire étaient devenus un piège", se rappelle le Dr Brigitte Vasset, "ils servaient aux autorités à fixer les réfugiés pour les transférer de force vers le sud et dépeupler les zones rebelles".

Fallait-il se taire ou parler ? Devant la presse, Rony Brauman décide de dénoncer le gouvernement d'Addis Abeba. MSF est expulsée.

"L'aide était devenue un instrument entre les mains d'un régime criminel dont nous ne voulions pas être complices", justifie-t-il aujourd'hui. "Mais dire que l'argent qu'on envoyait aux affamés servait à les tuer (...) nous a valu énormément de critiques."

Droit d'ingérence

Au risque de paraître arrogant, MSF continue à faire entendre sa voix et à pointer du doigt toutes les récupérations de l'humanitaire.

Après la première guerre du Golfe, les Kurdes d'Irak sont écrasés par le régime de Saddam Hussein. MSF leur vient en aide et crie au massacre. En 1991, le Conseil de sécurité de l'ONU autorise une opération militaire occidentale pour venir en aide aux déplacés et les protéger de leur gouvernement. Une première.

Alors secrétaire d'Etat, Bernard Kouchner salue les débuts d'un "droit d'ingérence humanitaire". MSF se distingue en critiquant le mélange des genres entre humanitaires et militaires.

La controverse se prolonge un an plus tard en Somalie, en proie à la guerre civile et la famine. Sous mandat de l'ONU, les troupes américaines et les Casques bleus débarquent à Mogadiscio pour assurer la sécurité des distributions alimentaires.

Bernard Kouchner y participe, sac de riz sur l'épaule. Rony Brauman le raille et souligne alors le "piège" d'une opération où des soldats "tuent sous la bannière de l'humanitaire".

Parfois pourtant, MSF en appelle aux armes. En 1992 pour mettre fin aux exactions des miliciens serbes de Bosnie. Et deux ans plus tard, pour faire cesser le génocide des Tutsi au Rwanda.

Quand il arrive à Kigali en avril 1994, Jean-Hervé Bradol est vite débordé par l'ampleur des massacres.

"J'accompagnais les convois de la Croix-Rouge rwandaise qui ramenaient les blessés (...) Les Tutsi étaient achevés aux barrages des miliciens. On arrivait à négocier pour faire passer des femmes et des enfants, à condition de partir très tôt le matin quand les miliciens étaient encore endormis et défoncés."

"Tout s'est joué très vite à Kigali", poursuit-il. "On a fini par acheter un espace publicitaire dans le Monde pour dire qu'on n'arrête pas un génocide avec des médecins et qu'il faut une intervention militaire internationale. On n'avait jamais fait ça."

La dénonciation de la situation dans les camps de réfugiés rwandais au Zaïre voisin puis des exactions des nouveaux maîtres de Kigali vaudront jusqu'en 1997 à MSF les critiques de l'ONU et d'autres ONG.

Prix Nobel

La consécration vient avec le prix Nobel de la Paix, en 1999, qui récompense "une ONG (qui) tend la main à travers les frontières, les conflits et le chaos politique". Son prix sert à financer une campagne d'accès aux traitements des maladies tropicales ou du sida, un de ses nouveaux champs d'action.

MSF
Dans cette photo d'archives prise le 10 décembre 1999, Marie-Eve Raguenaud pose après avoir reçu la médaille du prix Nobel de la paix pour l'organisation humanitaire MSF. THOMAS COEX / AFP

Aujourd'hui, la petite association est devenu un géant. Sous le chapeau de MSF-International, les 25 sections nationales emploient 61.000 personnes, dont 41.000 déployées sur le terrain d'une centaine d'opérations dans près de 75 pays. 

Avec un budget annuel mondial de 1,6 milliard d'euros - à 99% issu de dons privés - MSF agit sur tous les fronts.

De la lutte contre le virus Ebola en Afrique à l'aide aux déplacés par la guerre civile au Yémen, en passant par le sauvetage des migrants en Méditerranée et la lutte contre le sida en Malaisie.

"Bien qu'organisation privée, MSF est devenu le numéro 1 incontesté de l'urgence médicale dans le monde", constate Philippe Ryfman.

La parole de l'ONG détonne encore. Comme en 2004, où MSF refuse de se joindre à une campagne internationale qui dénonce, selon elle de façon outrancière, le "génocide" des populations de la province soudanaise du Darfour déplacées par la guerre civile.

Ou en 2005, quand elle suspend rapidement sa collecte de dons pour les rescapés du tsunami qui a lessivé l'Asie du Sud-Est, estimant que l'urgence est passée.

"Ils ont réagi en urgentistes. Mais il y avait encore plein de choses à faire sur place, le grand public ne les a pas compris", écorche Benoît Miribel, ex-directeur d'Action contre la faim (ACF).

Crise de croissance

La croissance de l'ONG suscite pourtant des inquiétudes, jusque dans ses propres rangs.

"On est devenu une grosse machine bureaucratique, avec des départements de soutien qui mettent la pression sur les gens de terrain pour avoir des rapports et des tableaux Excel", regrette le président de la section France, Mego Terzian.

Le Franco-Libanais ne cache pas regretter la rusticité de ses premières missions. "On savait ce qu'on avait plus ou moins dans le budget et on se débrouillait. Aujourd'hui, la moindre demande de cash doit être signée dans le monde entier..."

La mondialisation du mouvement, justement, pèse aussi. "Je ne me reconnais pas dans le côté international de MSF", grommelle Rony Brauman, analyste et toujours membre de l'ONG à presque 71 ans. Nostalgique du "côté village d'Astérix" de sa section France, il regrette "son poids qui diminue".

"MSF France n'est plus entièrement maître de ses décisions", abonde Brigitte Vasset, "mais c'est un mal nécessaire car ça nous a donné des moyens énormes".

"MSF a beaucoup innové mais elle s'est institutionnalisée et vit un peu repliée sur elle-même", épingle Jean-Christophe Rufin, qui en fut un vice-président.

La flamme MSF

"Grâce à ses fonds propres, l'ONG sort du lot quand les autres sont devenues des bureaux de reporting pour l'Union européenne qui les finance", analyse l'écrivain-médecin. Mais "l'époque a changé. Les priorités aussi. L'humanitaire est dominé aujourd'hui par les urgences intérieures, le terrorisme, les migrants, la pauvreté..."

Alors, quel avenir pour MSF, qui tient du 10 au 13 juin l'assemblée générale de ses 50 ans ? A l'heure de cet anniversaire, les pratiques humanitaires changent.

La demande d'aide continue à croître mais les accès aux populations continuent à se négocier de haute lutte avec les autorités et la sécurité des personnels devient primordiale à l'heure du terrorisme jihadiste.

"De plus en plus de pays sont capables d'organiser des secours de grande ampleur en cas de catastrophe naturelle", note Mego Terzian. "MSF restera-t-il utile ? Peut-être va-t-on évoluer en une fondation qui soutiendra des organisations autochtones…"

MSF
Une travailleuse médicale de Médecins Sans Frontières (MSF) International regarde dans une unité de soins intensifs (USI) de l'hôpital public de Dura dans le village de Dura, à l'ouest d'Hébron en Cisjordanie occupée, le 16 mars 2021.
HAZEM BADER / AFP

Sur le terrain en tout cas, la flamme des vocations brûle toujours.

Son internat à peine bouclé, Fanny Taudière, 29 ans, a débarqué en mars dans le sud de Madagascar en proie à une famine dantesque.

"Ici, je me sens utile", confie la jeune médecin depuis son camp d'Amboasary. "Ça donne un sens, une intensité à la vie. Il y a des rencontres incroyables, une aventure chaque jour, même si certains jours rien n'est simple."

Rejoindre MSF s'est imposée pour elle comme une évidence. "Ils vont là où les autres ne vont pas, ils restent quand tout le monde part. Et puis ils sont libres de leurs actes et de leurs paroles."

Cinquante ans après, un seul constat réunit les frères ennemis de Médecins sans frontières: celui de sa réussite.

"C'était une belle invention et elle n'a pas trop mal marché", plastronne Bernard Kouchner. "MSF a un peu esquinté sa poésie mais continue à faire rêver", le rejoint Xavier Emmanuelli, "c'est le plus important".


À Mayotte, après le cyclone Chido, fruits et légumes désertent les assiettes

Cette photographie montre un bâtiment détruit après le passage du cyclone Chido sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 14 décembre 2024 dans la capitale Mamoudzou. (AFP)
Cette photographie montre un bâtiment détruit après le passage du cyclone Chido sur le territoire français de Mayotte dans l'océan Indien, le 14 décembre 2024 dans la capitale Mamoudzou. (AFP)
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  • Le modèle agricole dominant est le "jardin mahorais", une forme de polyculture qui assure une certaine autonomie alimentaire à cet archipel de l'océan Indien

Mtsangamouji, France: Bananes et maniocs à terre, c'est le garde-manger d'Abdou Abdillah qui s'est envolé le 14 décembre. Le cyclone Chido a ravagé sa petite parcelle située à Mtsangamouji, dans l'archipel français de Mayotte, ne lui laissant que des débris d'arbres et de plantes à déblayer.

"C'était pour nourrir mes enfants, ma mère", regrette le cultivateur de 58 ans en tronçonnant un cocotier tombé il y a un mois. Depuis Chido, les légumes et les fruits ont quitté son assiette. A la place, "on mange du riz et des frites", déplore-t-il.

La situation l'inquiète d'autant plus que le ramadan approche. Son début est prévu vers la fin du mois de février et il ne sait toujours pas ce que sa famille aura pour le foutari, le repas de rupture du jeûne.

Ousseni Aboubacar, qui cultive la parcelle voisine, partage la même inquiétude car la nourriture n'aura pas repoussé d'ici là. "Si nous avons de la pluie, il faudra attendre sept, huit mois", prévoit l'habitant de 54 ans.

Le modèle agricole dominant est le "jardin mahorais", une forme de polyculture qui assure une certaine autonomie alimentaire à cet archipel de l'océan Indien. Essentiellement vivrière, cette agriculture disséminée sur des milliers de petites parcelles familiales a été dévastée par le cyclone, qui a aussi ravagé de nombreuses habitations.

Sur une pente au bord d'un bidonville, Issouf Combo, 72 ans, porte des coups de chombo (machette) au sol. "Je replante du maïs", indique-t-il tout en mettant deux graines dans un trou.

Là où il y avait auparavant du manioc et des bananes, il n'y a plus que de la terre rouge semée de débris. Cette parcelle était la principale source de fruits et légumes de cet habitant de Mangajou.

Depuis Chido, Issouf Combo et sa famille font leurs courses au marché "mais ça coûte cher", précise son petit-fils de 17 ans, Nassem Madi.

- Prix en hausse -

Car sur les étals des marchés, les prix ont augmenté. Celui de Nini Irene, à Chirongui (sud), affiche le kilo d'oignons ou de clémentines à cinq euros, le kilo de pommes ou de poires à quatre: c'est un euro de plus qu'avant le cyclone.

La vendeuse de 27 ans, qui achète ses fruits et légumes à "des Africains" les faisant venir de l'extérieur de l'archipel, explique la hausse par la rareté nouvelle des cultures.

"On nous a donné des sacs de 20 kilos d'oignons. Avant Chido, c'était à 35 euros, et maintenant à 70 euros", explique-t-elle. Dans ses bacs, plus rien ne vient de Mayotte. Elle voit seulement de temps en temps des brèdes mafanes et des concombres locaux sur les stands de ses voisins.

Venu acheter des oignons, Archidine Velou arrive encore à trouver ce qu'il lui faut, sauf les bananes. "Nos aliments de base, c'est le manioc et les bananes, ça va être compliqué", dit l'homme de 32 ans en évoquant l'approche du ramadan, qui revient sur toutes les lèvres.

Un peu plus loin, Rouchoudata Boina s'inquiète surtout de ne plus trouver de brèdes mafanes, une plante très populaire dans la région.

Celles qui avaient survécu à Chido ont été éprouvées par la tempête tropicale Dikeledi, la semaine dernière, dit-elle. "Comment je vais faire avec mes enfants ?", questionne cette mère d'une fratrie de cinq dont l'alimentation, faute d'argent, se base désormais sur les féculents: pâtes le matin, pain l'après-midi, riz le soir.

Prévoyant la pénurie, la préfecture de Mayotte a pris le 23 décembre un arrêté assouplissant les règles d'importation de végétaux.

"Il y a un besoin important d'approvisionner Mayotte en produits frais", justifie auprès de l'AFP Patrick Garcia, chef du service alimentation à la Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF). L'arrêté a engendré le renouvellement automatique pour six mois des permis d'importation de fruits et légumes.


Après la non-censure du PS, le gouvernement confiant pour le budget

Le Premier ministre français François Bayrou prononce un discours lors du débat précédant le vote de défiance à l'égard de son gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 16 janvier 2025. (AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou prononce un discours lors du débat précédant le vote de défiance à l'égard de son gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 16 janvier 2025. (AFP)
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  • Grâce aux concessions accordées aux socialistes sur des points-clés des textes financiers, le gouvernement estime désormais qu'il survivra à l'épreuve du budget
  • "Grâce à la décision d'hier, nous aurons un budget", a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Éric Lombard

PARIS: Trêve hivernale pour François Bayrou ? Grâce aux concessions accordées aux socialistes sur des points-clés des textes financiers, le gouvernement estime désormais qu'il survivra à l'épreuve du budget. Mais le PS réfute tout accord et martèle que la censure reste sur la table.

"Grâce à la décision d'hier, nous aurons un budget", a estimé jeudi le ministre de l'Economie et des Finances Éric Lombard sur BFMTV-RMC, au lendemain du vote contre la censure du gouvernement d'une grande majorité du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

Cette décision longuement mûrie par le PS "est basée sur des engagements que le Premier ministre a pris, qui calent les éléments les plus importants du budget", a analysé le ministre. "Donc sur le budget, je pense, mais c'est au Parti socialiste d'exprimer son point de vue, que nous avons un accord", a détaillé Éric Lombard.

Bercy trop confiant ? La réponse n'a pas tardé: "Non, il n'y a évidemment aucun accord avec les socialistes sur le budget", a martelé sur X le chef des députés PS Boris Vallaud.

"Notre décision d'hier est une mise à l'épreuve de la négociation et consolide nos premières avancées. Le chemin est encore long jusqu'au budget, la censure est toujours sur la table", a-t-il ajouté.

La veille, dans l'hémicycle, le patron du PS Olivier Faure, qui a pris un risque en assumant la mue réformiste d'un parti allié avec La France insoumise depuis 2022, avait déjà prévenu que son parti restait "dans l'opposition", prêt à dégainer une motion de censure si les engagements n'étaient pas tenus.

Dans une interview à Libération, le secrétaire général du PS Pierre Jouvet a précisé la ligne: "Le chemin est encore long jusqu’au budget" et le gouvernement sera "à chaque instant sous surveillance".

- "Relancer l'économie" -

En plus de la non-suppression de 4.000 postes dans l'Éducation, et de l'abandon du passage à trois jours de carence pour les fonctionnaires, les socialistes ont obtenu une négociation des partenaires sociaux sur la très controversée réforme des retraites de 2023.

Dans un cadre financier restreint, ils ont même arraché à la dernière minute l'engagement que le Parlement ait le dernier mot, même si l'accord trouvé entre les partenaires sociaux n'était que "partiel".

"Le fait qu'il y ait un budget qui soit en plus un budget où il n'y a pas de nouveaux impôts, va rassurer les entrepreneurs, va rassurer les chefs d'entreprise, va rassurer les artisans", d'autant plus que la BCE prévoit de poursuivre la baisse des taux, a souligné Eric Lombard.

Issu des rangs de la gauche, ce haut fonctionnaire est un ami personnel d'Olivier Faure. Et s'il a rencontré l'ensemble des groupes de gauche, sauf les Insoumis qui ont refusé, c'est bien avec les socialistes qu'il a été en contact permanent depuis dix jours.

Mais "si la copie finale n’est pas à la hauteur de nos attentes, qu’elle ne consacre pas plus de justice sociale, fiscale et écologique, affaiblit nos services publics (...) alors nous voterons contre ce budget sans état d’âme", a prévenu Pierre Jouvet.

- Examen au Sénat -

Dans le camp du Premier ministre, on se frotte tout de même les mains.

"Ça va apporter énormément aux socialistes dans leurs circonscriptions parce qu'ils ont quand même obtenu des trucs pour la gauche", veut croire un proche de François Bayrou.

Ne pas voter la censure donne "un signal très clair", assure un ministre et évite de laisser le gouvernement "de facto en tête à tête avec le RN".

Reste à savoir si l'examen du budget au Parlement ne fera pas hésiter un peu plus le PS.

En effet, la reprise du projet de loi de finances au Sénat depuis mercredi a fait grincer plus d'une voix à gauche. Le gouvernement, en quête d'économies, multiplie les coupes budgétaires de dernière minute, comme sur le budget des Sports, de la Culture ou sur l'aide publique au développement. Autant de coups de rabot rejetés par les sénateurs socialistes...

Sans compter que le gouvernement envisage, après l'examen au Sénat, de convoquer une commission mixte paritaire réunissant des élus des deux chambres pour forger un texte de compromis. Donc, en omettant la case Assemblée.


Faux Brad Pitt: une enquête pour escroquerie ouverte en France

Une enquête a été ouverte sur l'île de La Réunion pour tenter d'identifier les auteurs d'une escroquerie qui a permis de soutirer 830.000 euros à une Française convaincue d'aider financièrement l'acteur américain Brad Pitt, a-t-on appris vendredi de source policière. (AFP)
Une enquête a été ouverte sur l'île de La Réunion pour tenter d'identifier les auteurs d'une escroquerie qui a permis de soutirer 830.000 euros à une Française convaincue d'aider financièrement l'acteur américain Brad Pitt, a-t-on appris vendredi de source policière. (AFP)
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  • A ce stade, aucun suspect n'est identifié et les policiers de la brigade financière, chargée de l'enquête, cherchent à localiser les comptes ayant reçu les virements de cette femme qui a porté plainte à La Réunion, département français de l'océan Indien
  • Dans l'émission Sept à huit diffusée dimanche sur la chaîne privée TF1, une femme, prénommée Anne et âgée d'une cinquantaine d'années, a raconté avoir versé 830.000 euros à des escrocs se faisant passer pour la star américaine

SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION: Une enquête a été ouverte sur l'île de La Réunion pour tenter d'identifier les auteurs d'une escroquerie qui a permis de soutirer 830.000 euros à une Française convaincue d'aider financièrement l'acteur américain Brad Pitt, a-t-on appris vendredi de source policière.

A ce stade, aucun suspect n'est identifié et les policiers de la brigade financière, chargée de l'enquête, cherchent à localiser les comptes ayant reçu les virements de cette femme qui a porté plainte à La Réunion, département français de l'océan Indien.

Dans l'émission Sept à huit diffusée dimanche sur la chaîne privée TF1, une femme, prénommée Anne et âgée d'une cinquantaine d'années, a raconté avoir versé 830.000 euros à des escrocs se faisant passer pour la star américaine en lui envoyant de faux selfies, des documents d'identité falsifiés et en recourant à l'intelligence artificielle pour dissiper ses doutes.

Prétextant avoir besoin d'argent pour payer une opération pour un cancer du rein, le faux Brad Pitt a réussi à soutirer cette somme importante à cette femme, qui est aujourd'hui ruinée et a fait trois tentatives de suicide.

Depuis la diffusion de l'émission, elle fait l'objet de railleries de la part d'internautes moquant sa supposée crédulité. Le reportage a depuis été retiré de toutes les plateformes par TF1, après une "vague de harcèlement à l'encontre d'un témoin".

L'affaire est parvenue jusqu'à l'entourage de l'acteur, qui a mis en garde ses fans contre les escrocs utilisant son image.

"C'est terrible que des escrocs profitent de la forte connexion des fans avec des célébrités", a déclaré mardi un porte-parole de l'acteur au média Entertainment Weekly.

De escroqueries jouant sur les sentiments existent depuis le début des courriers électroniques, mais l'arrivée de l'intelligence artificielle a augmenté le risque de vol d'identité, canulars et fraude en ligne, selon les experts.