SAINT-PETERSBOURG : Le président russe Vladimir Poutine a affirmé vendredi espérer que son sommet avec son homologue Joe Biden aboutisse à une amélioration des relations russo-américaines, tout en jugeant Washington seul responsable des tensions croissantes depuis des années.
"Nous devons trouver un moyen de réguler ces relations qui sont actuellement à un niveau très mauvais", a déclaré M. Poutine au Forum économique de Saint-Pétersbourg.
S'il a retenu les coups contre les Occidentaux, il a néanmoins renvoyé à Washington la responsabilité de l'état déplorable de leurs relations.
Il a qualifié de "mystère" le fait que les Etats-Unis aient imposé des sanctions à Moscou ces dernières années. Celles-ci sont dues à une kyrielle de crises : cyberattaques répétées, ingérences électorales, conflit en Ukraine ou l'empoisonnement et l'emprisonnement de l'opposant Alexeï Navalny.
Selon lui, les relations russo-américaine sont "l'otage de considérations politiques internes aux Etats-Unis".
"J'espère que cela prendra fin un jour", a-t-il affirmé, ajoutant que "les intérêts fondamentaux dans le domaine au moins de la sécurité, de la stabilité stratégique et de la réduction des armes dangereuses" devaient primer.
"Nous n'avons pas de désaccord avec les Etats-Unis, eux ont un seul désaccord : ils veulent endiguer notre développement, ils le disent publiquement, et tout le reste (des tensions) découle de cette position", a-t-il poursuivi.
Il a aussi balayé les critiques occidentales à l'égard du manque de démocratie en Russie, évoquant la manière dont sont réprimées les manifestations aux Etats-Unis, citant le 6 janvier lorsque des manifestants sympathisants de Donald Trump ont envahi le Congrès, ou en Europe où "des balles en caoutchouc crèvent les yeux" des protestataires.
Ces propos interviennent le jour où le président russe a promulgué un loi bannissant des élections les membres d'organisations jugées "extrémistes".
A trois mois des législatives de septembre, cette législation est considérée par les détracteurs du Kremlin comme visant les partisans d'Alexeï Navalny, le parquet ayant demandé à la justice de qualifier son mouvement d'"extrémiste".
Plus tôt, Vladimir Poutine a aussi donné un nouveau coup de canif au billet vert, se disant favorable à ce que les pays européens paient pour le gaz russe en euros plutôt qu'en dollars, la Russie affichant l'objectif de "dédollariser" son économie en prévision de nouvelles sanctions.
Vladimir Poutine et Joe Biden auront de nombreux dossiers à aborder pendant leur premier sommet, les contentieux n'ayant fait que de se multiplier.
Ces deux dernières semaines, Washington a notamment soupçonné des hackeurs russes dans des cyberattaques ayant visé aux Etats-Unis le géant mondial de la viande JBS et l'opérateur d'un immense oléoduc.
Vendredi, M. Poutine a assuré que Moscou ne se cachait pas derrière ces attaques, évoquant des accusations "absurdes" et "drôles". "Les services américains compétents doivent trouver l'extorqueur. Ce n'est certainement pas la Russie", a-t-il dit à la chaîne Pervy Kanal.
La Russie a répondu par de nombreuses contre-sanctions aux mesures américaines, et les deux puissances n'ont plus depuis des semaines d'ambassadeurs dans leurs capitales respectives.
Le maître du Kremlin a affirmé vendredi ne pas attendre une "percée" diplomatique de sa rencontre avec M. Biden, mais a espéré qu'elle se déroule dans "un esprit positif".
"Nous évoquerons des questions où nous avons des intérêts communs, questions qui d'ailleurs sont assez nombreuses, et ce n'est déjà pas si mal", a-t-il noté, saluant en Joe Biden un homme "expérimenté" et "pondéré".
Selon l'analyste Chris Weafer, de la firme de conseil stratégique Macro-Advisory, le message "positif" à tirer du sommet à venir est qu'"il n'y a pas de détérioration supplémentaire. Mais les attentes sont très faibles".
Habituellement flanqué de dirigeants mondiaux - le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président chinois Xi Jinping étant les derniers - Vladimir Poutine est apparu seul cette année au forum de Saint-Pétersbourg, le chancelier autrichien et l'émir du Qatar ne le rejoignant que par visio-conférence, pandémie oblige.
Jadis surnommé le "Davos russe", la taille réduite du forum (2-5 juin) en 2021 illustre autant le risque sanitaire que la détérioration de l'image de Moscou dans l'arène internationale.