MARSEILLE: « Ma mère est décédée en mars 2020 et je n'ai toujours pas pu aller me recueillir sur sa tombe »: installé à Marseille, dans le sud de la France, Azouaou Abbas attendait la réouverture partielle des frontières algériennes mardi, mais des conditions d'entrée « impossibles » ont douché ses espoirs.
Résigné, il va renoncer au voyage. « Ça me déchire le cœur », confie cet homme de 47 ans.
Comme lui, des centaines de milliers de Français d'origine algérienne, mais aussi des Algériens bloqués à l'étranger depuis la fermeture des frontières de leur pays en raison de l'épidémie de Covid-19, avouent leur exaspération et leur colère face aux restrictions imposées à ceux qui pourront voyager par avion à compter du 1er juin.
Ces derniers doivent, pour pouvoir embarquer, effectuer deux tests PCR, l’un de moins de 36 heures, avant d'embarquer et l’autre cinq jours après leur arrivée, mais aussi accepter d'être confinés à l'arrivée sur le sol algérien dans un hôtel payé au moment de l'achat des billets.
Azouaou Abbas gère une brasserie à Marseille et avec le retour des beaux jours et une reprise de son activité, « pas question d'aller à Alger pour être confiné cinq jours dans un hôtel ».
S'il comprend les mesures de restrictions prises pour freiner la propagation du Covid en Algérie, il estime que ces conditions d'entrée sont « impossibles ».
Au marché, devant la poste ou au café, le casse-tête du retour en Algérie revient dans nombre de conversations à Marseille, ville où une importante communauté algérienne s'est établie.
« Tout pour dissuader »
« C'est du cinéma », glisse Samir, devant le consulat d’Algérie. Pour cet Algérien de 45 ans vivant à Marseille et qui préfère taire son nom de famille, « toutes les conditions demandées par l’Etat sont faites pour dissuader les Algériens de rentrer chez eux pour les vacances ».
Il chiffre son voyage avec sa femme et leurs deux enfants à plus de 3 500 euros au vu des conditions actuelles. « Un budget pour deux heures de vol! » s’exclame-t-il.
«Un vol aller-retour Paris-Alger coûte 518 euros, indique la compagnie aérienne Air Algérie dans un communiqué, précisant que les frais de confinement obligatoire à l'arrivée sont fixés à 41 000 dinars algériens. (soit 250 euros par personne).
Ces mesures ont soulevé la colère des Algériens établis ou bloqués à l'étranger. En France, des centaines d'entre eux ont manifesté dans le calme samedi devant l'ambassade et les consulats d'Algérie. A Marseille, ils étaient 300, selon la police.
Devant le tollé, Alger a annoncé dimanche « dispenser les étudiants et les personnes âgées à faible revenu de payer les frais d'hébergement relatifs à l'isolement », et a réduit de 20% le coût du confinement, mais ces allègements ne satisfont pas les Algériens de l'étranger.
En France, les organisations de la diaspora déplorent aussi le peu de vols disponibles. De Marseille, un seul vol hebdomadaire de 302 sièges est prévu chaque samedi vers Oran,(nord-ouest), avec une escale par la capitale, Alger.
En 2019, avant la pandémie, 744 146 passagers avaient voyagé vers l’Algérie uniquement depuis l'aéroport de Marseille-Provence.
Des compagnies comme Volotea ou Air France peuvent encore prévoir des vols, mais pour l'heure le gouvernement algérien n'ouvre son espace qu’à la compagnie nationale Air Algérie, a indiqué l'aéroport de Marseille. Ce qui indispose aussi la diaspora.
« Je veux rentrer chez moi! »
De Paris, deux vols sont prévus chaque semaine, un le mardi et un le jeudi.
A Alger, l'agence principale d'Air Algérie, dans le centre, a été prise d'assaut lundi par des dizaines de personnes qui ont exprimé leur colère quant aux conditions draconiennes infligées par les autorités.
Un collectif des Algériens de la diaspora s'est étonné dans un communiqué « de l'entêtement des décideurs qui ont ignoré les revendications de la communauté à l'étranger ».
Les organisations de la diaspora demandent en outre la « réouverture des frontières maritimes ». Toutes les liaisons par ferry depuis Marseille sont à l'arrêt, même si la compagnie Corsica Linea se dit « prête à toute évolution de la situation ».
Parmi les autres demandes de la diaspora, figure « un programme de vols clair et détaillé jusqu'à la fin de l'année » de la part d'Air Algérie.
Au bord des larmes et à bout de nerfs, Kaouther, une Algérienne de 83 ans venue à Marseille pour se faire soigner en février 2020 tente désespérément d'obtenir un billet ou au moins des informations sur les vols.
« Plus d'un an que je suis coincée ici! Heureusement que j'ai ma fille à Marseille, mais je veux retrouver ma maison et mon chien à Oran. Je veux rentrer chez moi! ».