GAZA: Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a lancé jeudi une enquête internationale sur les atteintes aux droits humains commises dans les territoires palestiniens occupés et en Israël depuis avril, mais aussi sur les "causes profondes" des tensions.
La Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a soutenu devant le Conseil, réuni en session extraordinaire, que les récentes frappes israéliennes sur Gaza peuvent constituer des crimes de guerre "s'il s'avère" que les civils ont été touchés "sans distinction".
Elle a indiqué ne pas avoir vu de preuve de la présence de groupes armés ou d'action militaire dans des bâtiments visés par Israël à Gaza.
Mme Bachelet a également souligné que les tirs de roquettes du mouvement islamiste palestinien Hamas "ne font pas de distinction entre les objets militaires et civils, et leur utilisation constitue donc une violation manifeste du droit humanitaire international".
La réunion, qui portait sur les atteintes aux droits humains dans les territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est, et en Israël, était organisée à la demande du Pakistan, en tant que coordinateur de l'Organisation de la coopération islamique, et des autorités palestiniennes.
Une résolution adoptée avec 24 voix pour, 9 contre et 14 absentions, lance une "commission d'enquête internationale indépendante et permanente" chargée d'examiner les atteintes au droit international humanitaire et aux droits de l'homme ayant abouti aux récentes tensions israélo-palestiniennes.
Du 10 au 21 mai, 254 Palestiniens ont été tués par des frappes israéliennes dans la bande de Gaza, parmi lesquels 66 enfants et des combattants, selon les autorités locales. En Israël, les tirs de roquettes depuis Gaza ont fait 12 morts dont un enfant, une adolescente et un soldat, d'après la police.
Causes profondes
La portée de la résolution dépasse largement le récent conflit.
Le texte demande que la commission étudie "toutes les causes profondes des tensions récurrentes, de l'instabilité et de la prolongation du conflit, y compris la discrimination et la répression systématiques fondées sur l'appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse".
L'enquête doit se concentrer sur l'établissement des faits et collecter les preuves et éléments qui pourraient être utilisés dans le cadre de poursuites judiciaires et, dans la mesure du possible, identifier les coupables pour qu'ils puissent être jugés.
Le ministre des Affaires étrangères palestinien Riyad al-Maliki, qui s'est adressé à l'assemblée en ligne, a accusé Israël d'avoir instauré "un régime d'apartheid basé sur l'oppression du peuple palestinien" et son "déplacement forcé".
Il a revendiqué "le droit (des Palestiniens ndlr) de résister à l'occupation" et a affirmé que "les colons doivent être mis sur la liste des terroristes".
L'ambassadrice d'Israël auprès de l'ONU à Genève Meirav Eilon Shahar a accusé le Hamas d'avoir "initié ce conflit" et assuré que son pays "a tout fait pour désamorcer les tensions".
"Vous ne pouvez pas être pro-palestinien si vous ne condamnez pas le Hamas", a-t-elle dit.
La résolution "n'a rien à voir avec la réalité, n'a rien à voir avec les droits et n'a certainement rien à voir avec la promotion du dialogue entre Israël et les Palestiniens", a-t-elle estimé juste avant le vote.
Une première
C'est la première fois que le Conseil met sur pied une commission d'enquête avec un mandat sans durée fixée à l'avance.
Le mandat d'autres commissions, comme celle sur la Syrie, doit être renouvelé tous les ans.
Certains pays, comme la France, ont déploré que le mandat de la commission soit "trop large" et son objectif "trop indéterminé", mais la résolution a recueilli un large soutien auprès des pays africains et latino-américains.
Lors de l'annonce de la réunion, l'ambassadrice d'Israël avait dénoncé une convocation qui "prouve que cette instance a un programme anti-israélien".
Israël est en effet le seul pays avec un point fixe à l'ordre du jour de chaque session du Conseil, une des raisons pour lesquelles les Etats-Unis, sous la présidence de Donald Trump, avaient quitté l'organisation. Le nouveau président Joe Biden a fait revenir les Etats-Unis en tant que pays observateur.
Neuf des trente sessions extraordinaires organisées par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU depuis sa création en juin 2006 ont porté sur Israël.