JÉRUSALEM: La dernière guerre avec le mouvement palestinien Hamas et les violences intercommunautaires inédites en Israël compliquent la formation d'un gouvernement israélien et augmentent les risques de nouvelles élections générales, selon des experts.
Le scenario d'un nouveau scrutin, qui serait le cinquième en un peu plus de deux ans, pourrait être une aubaine pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, peut-être même son seul espoir de rester au pouvoir, après 12 années consécutives.
Le camp anti-Netanyahu peut encore saisir sa chance et la courte fenêtre de tir qu'il lui reste pour former un bloc suffisant en nombre pour évincer le Premier ministre le plus pérenne de l'histoire d'Israël.
Mais les onze jours de guerre terminée vendredi entre Israël et le Hamas au pouvoir à Gaza, ont ramené ce bloc très hétéroclite à ses divisions les plus profondes autour des questions sécuritaires et identitaires.
Dans cette configuration « la plupart des observateurs pronostiquent une cinquième élection », explique Toby Greene, professeur des sciences-politiques à l'Université Bar Ilan près de Tel-Aviv. « Mais il reste encore 10 jours et en terme de politique israélienne, 10 jours c'est long ».
Faire tomber Netanyahu
Le chef de l'opposition et dirigeant de la formation Yesh Atid (« Il y a un futur »), le centriste Yaïr Lapid a jusqu'au 3 juin pour former un gouvernement.
Cet ex-journaliste avait été chargé par le président de former le gouvernement après l'échec de M. Netanyahu, arrivé en tête lors des élections du 23 mars, qui n'avait pas réussi à réunir avec ses alliés une majorité de 61 députés.
Il y a encore trois semaines, le chemin de M. Lapid vers le pouvoir semblait bien tracé. Celui vers la sortie de M. Netanyahu, jugé pour « corruption » dans plusieurs affaires, aussi.
Mais durant le conflit avec le Hamas, M. Netanyahu a eu le champ entièrement libre pour renforcer son image de dirigeant de crise, dans un pays qui « se range traditionnellement derrière le dirigeant au pouvoir » lorsqu'une guerre éclate, rappelle Yonatan Freeman, professeur de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem.
Alors que M. Netanyahu apparaissait quotidiennement en chef de guerre, les 11 jours de conflit ont contribué à « fissurer le bloc d'opposition », indique Yohanan Plesner, président de l'Institut israélien pour la démocratie.
Il ne reste plus à Yaïr Lapid qu'un partenaire possible: la formation de droite radicale Yamina dirigée par Naftali Bennett.
Si d'un point de vue idéologique, beaucoup oppose les deux hommes, deux choses les réunit: leur volonté d'empêcher à tout prix une éreintante cinquième élection et leur acharnement à faire tomber Netanyahu.
Alliances
Mais à eux seuls Yaïr Lapid et Naftali Bennett n'ont pas assez de sièges pour former une coalition. Il leur faut donc rallier dix autres sièges, ceux des partis arabes israéliens.
Certes, l'alliance avec le parti de M. Bennett, plébiscité par les colons juifs, a de quoi faire sursauter les députés arabes les plus critiques d'Israël. Mais il y a un mois elle était jugée de circonstance.
Depuis, les images des synagogues brûlées dans certaines villes mixtes d'Israël par des manifestants arabes israéliens et la réouverture d'un front avec le Hamas à Gaza ont poussé « M. Bennett à reconsidérer le choix de s'allier aux partis arabes », selon l'analyste Yohann Plesner.
M. Lapid a donc peu de chance de réussir le pari de former un gouvernement avant le 3 juin, mais ce « n'est pas impossible », juge-t-il.
M. Netanyahu, lui, peut compter sur deux néo-alliés: Benny Gantz, ancien adversaire aux élections et ministre de la Défense, ainsi que Gideon Saar, tout juste parti du Likoud, le parti historique de la droite israélienne.
Alors que la situation sécuritaire s'est calmée en Israël, tant en interne qu'autour de la bande de Gaza, Yaïr Lapid a annoncé une reprise des pourparlers de coalition dès lundi.
Après le conflit, les partis arabes se sont eux montrés très réservés sur cet éventuel bloc, qui reste à tout point de vue le plus étrange dans l'histoire politique du pays.