BEYROUTH : Le Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, a déclaré samedi qu’il ne formerait pas un Conseil des ministres qui se contenterait de répondre aux souhaits du président Michel Aoun.
«Je ne formerai pas un gouvernement comme le souhaite l’équipe de Son Excellence le président, ni aucune autre faction politique», a affirmé Hariri lors d'une session parlementaire.
Le Premier ministre désigné a également ajouté qu'il «ne formera que le type de gouvernement nécessaire pour arrêter l'effondrement économique et empêcher la grosse chute qui menace les Libanais».
Les commentaires de Hariri sont intervenues en réaction à la lettre du président Aoun au parlement demandant aux députés de trouver une autre alternative au Premier ministre désigné.
La session plénière du Parlement a été retransmise en direct et a duré environ deux heures.
Le Liban est sans gouvernement depuis sept mois après la démission d’Hassan Diab de son poste de Premier ministre à la suite de l’explosion du port de Beyrouth qui a fait plus de 200 victimes en août dernier.
Hariri s’est adressé au Parlement en disant que «la vérité sur ce qui se passe est que le président de la république avoue aux députés dans son message:« Vous avez nommé un Premier ministre, je ne veux pas de lui et je ne l’autoriserai jamais à former un gouvernement. Je vous en prie, débarrassez-vous de lui». Cela n’est qu’une tentative de dispenser le président de la république de l’accusation d’entraver la formation du gouvernement».
Le Premier ministre désigné a en outre révélé qu'Aoun avait envoyé des messages aux capitales étrangères similaires à sa lettre au Parlement «dans l’intention de protéger certains membres de son entourage ainsi que l'équipe politique des sanctions européennes».
Hariri a accusé Aoun en disant «Aoun veut que nous modifions la constitution. Si nous ne le faisons pas, il veut quand même changer la constitution dans la pratique sans aucun amendement».
Hariri a affirmé que «le président veut coûte que coûte se débarrasser» de lui.
«Si Aoun avait publié la formation gouvernementale que je lui ai présentée il y a six mois, n’aurions-nous pas fait beaucoup de progrès dans le contrôle pénal à la Banque du Liban et l’aurions commencé dans tous les ministères et institutions de l’État?» Il a demandé.
«Si Aoun avait accepté la formation gouvernementale que je lui ai présentée il y a six mois, n’aurions-nous pas fait beaucoup de progrès dans le processus du contrôle judiciaire au sein de la Banque du Liban et l’aurions commencé dans tous les ministères et institutions de l’État?», a -t-il demandé.
«N'aurions-nous pas conclu l'accord avec le Fonds monétaire international et lancé les ateliers des réformes?»
«N'aurions-nous pas commencé à reconstruire ce qui a été détruit par l'horrible explosion du 4 août à Beyrouth?»
«La monnaie nationale n’aurait-elle pas été réglée sur un taux de change unifié et raisonnable par rapport au dollar?» Mais que peut-on faire, alors que nous avons une administration qui insiste pour s'imposer comme un héros en laissant passer des occasions en or».
Hariri a décrit la déclaration selon laquelle «un Premier ministre musulman n'a pas le droit de nommer des ministres chrétiens» comme un «discours futile».
MISE EN CONTEXTE
Le Premier ministre désigné a en outre révélé qu'Aoun avait envoyé des messages aux capitales étrangères similaires à sa lettre au Parlement «dans l’intention de protéger certains membres de son entourage ainsi que l'équipe politique des sanctions européennes».
En réagissant à l'accusation d'Aoun selon laquelle il était «incapable de former un gouvernement», Hariri a ajouté: «J'ai fait tout ce qui était nécessaire et plus, et j'ai enduré l'intolérable, pour former un gouvernement qui commence à lutter contre l'effondrement.
«J'ai littéralement entendu de certains blocs parlementaires dire qu'ils ne veulent rien et que tout ce sur quoi je suis d'accord avec le président est acceptable pour eux».
«J'ai rendu visite au président 18 fois, l'assurant de ma volonté de parvenir à un accord sur les principes nécessaires à un gouvernement selon les normes énoncées. À trois reprises, Il m'a confirmé son approbation d'un gouvernement de 18 ministres».
L'ancien secrétaire d'État adjoint américain aux Affaires du Moyen-Orient, David Schenker, a déclaré vendredi dans une interview accordée à la chaîne Al-Hurra que «le président Aoun et le député Gebran Bassil, le gendre du président, ne veulent pas d'un gouvernement technocrate qui entame des réformes, car cela réduira la position du Hezbollah, ainsi que certaines ambitions politiques des politiciens libanais.
«Nous ne voulons pas changer le gouvernement au Liban ou faire face à toutes les milices soutenues par l'Iran dans la région», a assuré Schenker.
«Le président américain Joe Biden a pris pour cible ceux qui soutiennent le Hezbollah avec des sanctions, mais c'est au peuple libanais de se lever et de faire face à cette réalité».
La session parlementaire de samedi «a pris position selon laquelle le Premier ministre désigné devrait procéder conformément aux principes constitutionnels en vue de parvenir rapidement à la formation d'un nouveau gouvernement en accord avec le président».
Le président du Parlement Nabih Berri a ensuite présenté la position, qui a été adoptée à l'unanimité par un vote à main levée.
Avec cette mesure, Berri a suspendu toute discussion qui aurait suivi les discours de Gebran Bassil, le leader du Mouvement patriotique libre (MPL), et Hariri, qui aurait pu évoluer vers une confrontation sectaire.
Les tensions ont été vives lors de la séance de samedi sur fond de deux discours, le premier de Bassil et le deuxième de Hariri.
Hariri quitta la salle dès que Bassil a commencé son discours.
La session parlementaire a débuté par le discours de Berri, dans lequel il a appelé à l’unité face aux événements récents en Palestine occupée.
Bassil, qui cherche à tout prix à élargir l'influence du président dans la formation du gouvernement et dans le choix des ministres, a souligné que «la répartition des portefeuilles doit être égale entre les sectes et les blocs».
Il a ainsi ajouté que le Premier ministre désigné «nomme tous les ministres sans même parler avec les blocs parlementaires, ce qui ne facilite pas la tâche pour la formation d’un gouvernement».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com