LONDRES: Des familles de prisonniers politiques iraniens exécutés par le régime en 1988 se sont rassemblées devant un cimetière de Téhéran pour commémorer la perte de leurs proches disparus, et demander des comptes sur les massacres perpétrés.
Le cimetière du quartier de Khavaran abrite les fosses communes d'un nombre indéterminé de partisans de groupes d'opposition iraniens.
Jeudi, les familles des membres de l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI) tués en 1988 ont brandi des photos de leurs proches assassinés, déposé des fleurs sur les tombes anonymes, et scandé des slogans contre Ebrahim Raisi, le chef de la justice du pays.
En 1988, des milliers de partisans de l'OMPI ont été sommairement exécutés par Téhéran, dans un massacre de masse qui, selon l'ONU et les groupes de défense des droits humains, constituait un crime contre l'humanité. Le chef suprême de l'époque, Rouhollah Khomeini, avait émis un décret religieux ordonnant leur exécution.
Téhéran a été accusé d'avoir tenté de dissimuler des preuves des meurtres, en réutilisant par exemple des fosses communes ayant servi pour les victimes des exécutions, et en forçant des minorités ethniques à y enterrer leurs morts.
Cependant, la dynamique pour demander des comptes sur ces massacres n'a cessé de croître. Le 4 mai, plus de 1 100 membres des familles des personnes assassinées ont écrit une lettre ouverte exhortant l'ONU, les États-Unis et l'Union européenne (UE) à prendre des mesures urgentes pour empêcher la destruction des tombes et des preuves des massacres, et à contraindre le régime à rendre des comptes.
En outre, plus de 150 anciens responsables de l'ONU, experts en droits humains et juristes, ont appelé Michelle Bachelet, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, à ouvrir une enquête indépendante sur les massacres.
Ali Safavi, membre du groupe de coordination de l’opposition, le Conseil national de la résistance iranienne ̶ dont l'OMPI fait partie ̶ explique à Arab News pourquoi il est «impératif» que Bachelet «crée une commission d'enquête internationale sur le massacre de 1988».
«Cela permettrait aux enquêteurs de se rendre en Iran, et de visiter le cimetière de Khavaran, ainsi que les fosses communes dans d'autres villes iraniennes, dans le cadre de leur enquête. Les personnes directement impliquées dans le massacre, notamment des responsables actuels tels que Raisi, et le ministre de la Justice, Alireza Avayi, devront rendre des comptes», affirme-t-il.
Safavi précise que l’insistance des manifestants sur Raisi n’est pas surprenante, étant donné son soutien ouvert et continu aux massacres, ainsi que son ascension aux échelons supérieurs du régime.
Des rumeurs continuent de circuler, selon lesquelles Raisi se lancera bientôt dans la course pour l’élection présidentielle, en juin prochain.
Safavi assure que depuis qu'il a été nommé à la tête de la justice en 2019, Raisi a ordonné l'exécution d'au moins 500 personnes ̶ dont, semble-t-il, Navid Afkari, le champion de lutte pendu pour avoir participé à des manifestations anti-régime.
Selon Amnesty International, sous Raisi, le pouvoir judiciaire a utilisé la peine de mort «comme une arme de répression politique contre les dissidents qui manifestent et les membres de groupes ethniques minoritaires».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com