ALGER: Les Algériens se prononceront par référendum le 1er novembre sur une révision de leur Constitution, prônée par le président Abdelmadjid Tebboune et censée répondre au puissant mouvement de protestation qui réclame un profond changement de « système » politique.
« Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu ce jour M. Mohamed Chorfi, président de l'Autorité nationale indépendante des élections, qui lui a présenté un exposé sur les préparatifs en cours pour l'organisation des échéances électorales programmées, à commencer par le référendum sur le projet de révision de la Constitution », a indiqué lundi soir un communiqué de la présidence.
« À la lumière des consultations du président de la République avec les parties concernées, il a été décidé de fixer la date du 1er novembre 2020 pour la tenue du référendum sur le projet de révision de la Constitution », précise le texte.
Le 1er novembre est le jour anniversaire du début de la guerre d'indépendance de l'Algérie (1954-1962). M. Tebboune a par ailleurs prévu d'inaugurer ce jour là la Grande Mosquée d'Alger, Djamaa El Djazaïr, la troisième plus vaste du monde, un chantier colossal critiqué pour son coût.
Dans une première réaction, lundi soir, la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LADDH) a critiqué le choix de cette date et fustigé « un référendum du fait accompli ».
« Visiblement, le pouvoir par son entêtement et en s'accrochant à son processus autoritaire anti-populaire, a opté pour le pire », a estimé le vice-président de la LADDH, Saïd Salhi sur sa page Facebook.
Lors de son investiture, en décembre, au lendemain d'une élection marquée par une abstention record, le président Tebboune s'était engagé à réviser la loi fondamentale de l'Algérie, modifiée à plusieurs reprises depuis l'indépendance et retaillée sur mesure pour son prédécesseur déchu Abdelaziz Bouteflika.
Cette initiative avait pour objectif de tendre la main au « Hirak », le soulèvement populaire inédit et pacifique qui a entraîné la démission de M. Bouteflika en avril 2019, afin de « bâtir une Algérie nouvelle ».
M. Tebboune a ainsi promis que la Constitution amendée « garantira la séparation des pouvoirs », « renforcera la lutte contre la corruption et protégera la liberté de manifester ».
Il avait désigné, en janvier, une commission d'experts chargée de formuler des propositions pour réviser la loi fondamentale.
Cette commission a remis ses travaux fin mars mais la première mouture des propositions n'a été rendue publique que début mai en raison de l'épidémie de nouveau coronavirus.
« Toilettage »
Le document comporte 73 recommandations réparties en six grands axes, dont « le renforcement de la séparation des pouvoirs », qui concerne les prérogatives du président, du chef du gouvernement et du Parlement, mais aussi le pouvoir judiciaire et la lutte contre la corruption.
L'un des aspects controversés du texte ouvre la voie à un possible déploiement de l'armée algérienne à l'étranger, faisant craindre un changement de doctrine militaire du pays, qui écarte actuellement toute intervention hors de ses frontières.
L'avant-projet a ensuite été distribué aux partis politiques, aux syndicats et à des représentants de la société civile, pour consultations.
M. Tebboune a également reçu plusieurs figures politiques -- certaines considérées comme proches de la contestation -- afin de recueillir leur avis en vue d'une « Constitution consensuelle ».
Mais, préparé dans un contexte à la fois de pandémie et de répression visant des opposants politiques, des journalistes, blogueurs et des militants « Hirak », le projet de révision constitutionnelle est loin d'avoir fait consensus.
Le texte a d'ores et déjà été rejeté par une plateforme de partis et d'associations liés au « Hirak », regroupés au sein du Pacte pour l'alternative démocratique (PAD).
« La crise de légitimité qui frappe le régime depuis l'indépendance ne peut être réglée par des mesures de replâtrage », a dénoncé le PAD.
Du côté des juristes, des experts en droit constitutionnel ont évoqué un « toilettage » de la Constitution présidentialiste héritée de l'ère Bouteflika, sans véritable remise en cause des pouvoirs du président.
Elu au suffrage universel direct, ce dernier détient le pouvoir de nomination au sein des institutions: du Premier ministre, aux organes sécuritaires en passant par les chefs de l'armée.