Des artistes libanais abordent les crises de leur pays dans une nouvelle exposition

Amar Zahr est la fondatrice et co-directrice de BAR. (Photo fournie)
Amar Zahr est la fondatrice et co-directrice de BAR. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 14 mai 2021

Des artistes libanais abordent les crises de leur pays dans une nouvelle exposition

  • Dans l’exposition intitulée «Before the Cypress Broke», 15 artistes cherchent à savoir comment leur pays a atteint sa situation actuelle
  • « Beaucoup de bonnes personnes ont mis en place ces plateformes d’échange et j’ai vraiment eu l’impression d'aider. Cela m’a confirmé que l’art est porteur d’une sorte d’énergie honorable, transférable, qui peut pousser les gens à faire le bien »

BEYROUTH : « Après l’explosion, j’étais prête à donner tout ce que j’avais fait si cela pouvait améliorer la situation. J’ai sauté sur toutes les occasions me permettant de faire don de mon travail en échange d’une collecte de fonds », confie l’artiste visuelle libanaise Ayla Hibri. « Beaucoup de bonnes personnes ont mis en place ces plateformes d’échange et j’ai vraiment eu l’impression d'aider. Cela m’a confirmé que l’art est porteur d’une sorte d’énergie honorable, transférable, qui peut pousser les gens à faire le bien ».

Mme Hibri est loin d’être seule. À la suite de l’explosion meurtrière du port de Beyrouth en août, Mary Cremin, directrice de Void Gallery en Irlande du Nord, a contacté Beirut Art Residency (BAR) pour proposer son soutien à l’organisation. Elle était prête à accueillir une exposition pour collecte de fonds dans son espace à Derry, dont l’intégralité des recettes serait versée au fonds de soutien de BAR, qui octroie de petites subventions aux artistes émergents.

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Everlasting Massacre, Ayla Hibri, 2018. (Photo fournie)

 

« C’était une période très stressante pour nous, vu que nos trois espaces à Gemmayzé (La résidence, Project Space et La Vitrine) ont été gravement touchés par l’explosion, ainsi que nos maisons », se souvient Nathalie Ackawi, partenaire et co-directrice du BAR. « Nous avons cependant été très émus par les messages de soutien que nous avons reçus, et cela nous a donné la force de travailler sur cette exposition ». 

 

Le résultat final est « Before the Cypress Broke » (Avant que le cyprès ne se brise), qui rassemble les œuvres de 15 artistes contemporains et aborde la question apparemment simple, mais immensément complexe, de savoir comment le Liban a atteint sa situation actuelle. Empruntant son nom au poème de Mahmoud Darwish, intitulé The Cypress Broke (Le cyprès s’est brisé), l’exposition comprend des œuvres d’Ali Cherri, Charbel Haber, Omar Khouri, Salah Missi, Sirine Fattouh, Stéphanie Dadour, Sandrine Pelletier, Gregory Buchakjian, Valérie Cachard, Ziad Antar et Hussein Nassereddine.

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Everlasting Residue, Ayla Hibri, 2017. (Photo fournie)   

 

Everlasting Massacre (Massacre éternel) d’Ayla Hibri est la première œuvre à avoir été sélectionnée pour l’exposition, « principalement en raison de la forte dualité qu’elle recèle », précise Amar Zahr, fondatrice et co-directrice de BAR. « À première vue, elle semble représenter un beau paysage, mais lorsque l’on y regarde de plus près, on remarque que la montagne est littéralement cassée pour faire du ciment — une pratique illégale qui cause la disparition des montagnes libanaises de la carte. L’environnement naturel a été modifié pour réaliser des investissements rentables, construire des gratte-ciels et exporter du ciment. C’est une déclaration forte sur la corruption, ignorée pendant si longtemps, mais qui est maintenant clairement visible dans le paysage altéré du pays ».

 

Une autre photographie de Mme Hibri, intitulée Everlasting Residue (Restes éternels), fait également partie de l’exposition. Toutes deux font partie d’une série intitulée « Acts of Violence » (Actes de violence) qui représente ce que Hibri qualifie d’ « interventions malheureuses », des actes d’apathie, d’indifférence ou de mépris, tristement courants au Liban.

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Everlasting Massacre d’Ayla Hibri est la première œuvre à avoir été sélectionnée pour l’exposition. (Photo fournie)

 

Ces actes de violence « vont de l’abandon d’une chaise en plastique après un pique-nique à la destruction d’une montagne entière, et cela va de mal en pis jusqu’à l’explosion du port et la destruction de la moitié de la ville », explique-t-elle. « Tout est lié. Ce sont des exemples qui exposent l’arrogance, la négligence et le mépris, attitudes et  observations avec lesquelles nous avons appris à vivre. Ces photographies portent le poids du prix que nous devons payer et des dommages qui devront être inversés afin d’améliorer la situation ».

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Prelude to Reversal de Jacques Vartabedian met en scène une figure solitaire mêlée à un environnement complexe mais coloré. (Photo fournie)

 

Bien qu’elle ne se trouvât pas à Beyrouth ce jour-là, l’explosion a tout arrêté pour Mme Hibri, et ses priorités ont radicalement changé. Elle s’est efforcée d'être disponible pour sa famille et ses amis, de collecter des fonds et de parler de ce qui s’était passé pour tenter de comprendre. Sur le plan créatif, cependant, elle a eu du mal. « En fait, cela a été assez difficile. Je n’ai pas pu me résoudre à prendre des photos de Beyrouth après l’explosion et je n’ai réussi à tourner qu’un seul rouleau de film, dont le résultat est assez spécial, mais je vais le garder pour moi pour l’instant. Je ne me sens pas bien. Pour être honnête, il n’y a pratiquement rien de normal quand il y a tant de changements à gérer et tant de gens qui souffrent », dit-elle. « J’ai passé la plupart de mon temps ces derniers mois à faire des recherches, à découvrir notre histoire et à essayer de suivre les événements au fur et à mesure qu’ils se produisent, tout en maintenant ma pratique quotidienne d’aller au studio et de travailler ».

En revanche, Prelude to Reversal (Prélude au changement) de Jacques Vartabedian était presque une réponse immédiate à l’explosion : une tentative de recréer la destruction qui l’entoure. Cette œuvre met en scène une figure solitaire mêlée à un environnement complexe mais coloré.

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Prelude to Reversal de Jacques Vartabedian était presque une réponse immédiate à l’explosion. (Photo fournie)

 

« J’ai commencé à la peindre lorsque le studio était encore dans un état chaotique après l’explosion », explique M. Vartabedian, dont le studio se trouve dans la région fortement endommagée de Mar Mikhael. « J’ai continué à aller au studio pendant des semaines, m’asseyant simplement dans la destruction et essayant de la digérer sans rien bouger. J’ai réalisé la nécessité de recréer une harmonie avec toute cette destruction autour de moi en la recréant de manière esthétique ».

 

M. Vartabedian fait probablement partie de la minorité. Danièle Genadry s’est également trouvée en difficulté sur le plan créatif, non seulement à cause de l’explosion, mais aussi à cause de tout ce qui se passe au Liban ces dernières années. Elle a trouvé qu’il était « difficile de réagir directement ou même immédiatement sur le plan créatif », bien qu’elle ait travaillé sur l’idée de « première et dernière vue », selon laquelle la perception est renforcée par la connaissance de la perte potentielle d’une chose. En d’autres termes, une chose n’est vraiment vue pour la première fois que lorsqu’elle est sur le point de disparaître.

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Familiar Mountains, Danièle Genadry. (Harry Kerr, avec la permission de Void Gallery)

 

Pour l’exposition, qui se tient jusqu’au 5 juin, Amal Zahr et Nathalie Ackawi ont choisi quelques images de l’œuvre Afterglow (Dernières lueurs) de Danièle Genadry, qui comprend 20 photographies d’une vue de montagne depuis Qartaba, au Mont-Liban. Prises sur une période de dix ans, elles varient en termes de timing, de positionnement, d’éclairage et de perspective, créant des images « à la fois familières et étranges », explique Mme Genadry, qui a également joué avec la répartition de la lumière et des couleurs dans chaque photographie. Elle les a ensuite sérigraphiées en noir et blanc sur du mylar, un matériau translucide qui change d’aspect en fonction des conditions de lumière dans lesquelles les photographies sont regardées.

 

« Je pense que nous sommes arrivés à un point où notre perception de toute la nature est influencée par une sorte de qualité douce-amère », indique-t-elle, « sachant qu’elle est en danger et qu’elle est menacée en raison de la crise climatique et du changement de notre relation avec elle ». Parce que « Before the Cypress Broke » traite de la question du deuil et de l’inévitabilité, Afterglow résonne « avec la façon dont j’ai abordé le motif du paysage dans mon travail récemment, comme une image douce-amère », explique Mme Genadry.

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Danièle Genadry s’est également trouvée en difficulté sur le plan créatif, non seulement à cause de l’explosion, mais aussi à cause de tout ce qui se passe au Liban ces dernières années. (Photo fournie)

 

Bien qu’elle n’ait pas été formulée, tous les artistes participants se posent la même question : Où vont-ils ? Il est presque impossible d’y répondre.

« Je crois que la solidarité entre les différents acteurs des scènes artistiques locale et internationale est essentielle », affirme Mme Ackawi. « L’art et la culture ont toujours été des piliers essentiels de l’identité libanaise, de l’économie et du tourisme. Il est important pour les artistes de continuer à créer et à raconter notre histoire. Quant à nous, en tant que praticiens et conservateurs de l’art, il nous appartient de les soutenir de toutes les manières possibles ».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com

 


Art Basel Qatar dévoile les détails de sa première édition prévue en 2026

M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
M7 à Doha, où se déroulera une partie de l'événement. (Fourni)
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  • Art Basel Qatar lancera sa première édition en février 2026 à Doha, avec 87 galeries, 84 artistes et neuf commandes monumentales dans l’espace public
  • L’événement mettra fortement l’accent sur la région MENASA, autour du thème « Becoming », explorant transformation, identité et enjeux contemporains

DUBAÏ : Art Basel Qatar a révélé les premiers détails de sa toute première édition, qui se tiendra en février 2026, offrant un aperçu du secteur Galleries et de son programme Special Projects, déployé dans le quartier de Msheireb Downtown Doha.

Aux côtés des présentations de 87 galeries exposant les œuvres de 84 artistes, Art Basel Qatar proposera neuf commandes monumentales et in situ investissant les espaces publics et les lieux culturels de Msheireb. Conçus par le directeur artistique Wael Shawky, en collaboration avec le directeur artistique en chef d’Art Basel Vincenzo de Bellis, ces projets répondent au thème central de la foire : « Becoming » (« Devenir »).

Couvrant la sculpture, l’installation, la performance, le film et l’architecture, ces projets interrogent les notions de transformation — matérielle, sociale et politique — en abordant le changement environnemental, la migration, la mémoire et l’identité. Parmi les artistes participants figurent Abraham Cruzvillegas, Bruce Nauman, Hassan Khan, Khalil Rabah, Nalini Malani, Nour Jaouda, Rayyane Tabet, Sumayya Vally, ainsi que Sweat Variant (Okwui Okpokwasili et Peter Born). Parmi les temps forts annoncés : l’installation vidéo immersive en 3D de Bruce Nauman à M7, la projection monumentale en plein air de Nalini Malani sur la façade de M7, et le majlis évolutif imaginé par Sumayya Vally, conçu comme un espace vivant de rencontre et de dialogue.

Le secteur Galleries réunira des exposants issus de 31 pays et territoires, dont 16 galeries participant pour la première fois à Art Basel. Plus de la moitié des artistes présentés sont originaires de la région MENASA, confirmant l’ancrage régional de la foire. Les présentations iront de figures majeures telles que Etel Adnan, Hassan Sharif et MARWAN à des voix contemporaines comme Ali Cherri, Ahmed Mater, Sophia Al-Maria et Shirin Neshat.

Des galeries de l’ensemble de la région seront représentées, y compris celles disposant d’antennes dans les États du Golfe, notamment au Qatar, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite.

Le Moyen-Orient élargi et l’Asie seront également présents, avec des galeries venues du Liban, de Turquie, d’Égypte, du Maroc, de Tunisie et d’Inde.

Art Basel Qatar se tiendra du 5 au 7 février 2026, à M7, dans le Doha Design District et dans plusieurs autres lieux de Msheireb Downtown Doha.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Une nouvelle initiative cinématographique à AlUla vise à stimuler le talent créatif saoudien

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
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  • Les efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume
  • Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives

ALULA : Villa Hegra, en collaboration avec Film AlUla, a lancé un programme spécialisé dans la réalisation de films pour développer les compétences cinématographiques et soutenir les talents créatifs, a rapporté lundi l'Agence de presse saoudienne.

Cette initiative reflète l'engagement de Villa Hegra à renforcer l'activité culturelle et cinématographique tout en favorisant un environnement inspirant pour les créateurs de contenu et les cinéphiles.

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production.

Ces efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume, a ajouté la SPA.

Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives.

Ces programmes comprennent des ateliers qui simplifient les concepts scientifiques et les intègrent aux pratiques artistiques modernes, créant ainsi un environnement d'apprentissage qui encourage la découverte et l'innovation.

Ils ont suscité une forte participation des élèves dans tout le gouvernorat en raison de leur approche pratique et interactive, qui renforce la réflexion et la créativité des enfants.

Les initiatives sont mises en œuvre en collaboration avec des institutions françaises et saoudiennes, reflétant ainsi la diversité culturelle et les partenariats internationaux tout en améliorant la qualité du contenu éducatif pour les jeunes générations.

Villa Hegra est la première fondation culturelle franco-saoudienne basée à AlUla. Lancée en octobre, elle soutient la scène culturelle de la région en proposant des plateformes éducatives qui développent les compétences des enfants et des jeunes saoudiens, tout en renforçant la présence d'AlUla sur la scène culturelle internationale.


Eurovision: Nemo rend son trophée 2024 pour protester contre la participation d'Israël

Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
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  • L’artiste suisse Nemo, vainqueur de l’Eurovision 2024, rend son trophée pour protester contre la participation maintenue d’Israël, dénonçant une contradiction avec les valeurs d’unité et de dignité affichées par l’UER
  • Cinq pays — Islande, Espagne, Pays-Bas, Irlande et Slovénie — ont déjà annoncé leur boycott de l’édition 2026, sur fond de critiques liées à la guerre à Gaza et d’accusations d’irrégularités de vote

GENEVE: L'artiste suisse Nemo, qui a remporté l’Eurovision 2024 en Suède, a annoncé jeudi rendre son trophée pour protester contre le maintien de la participation d'Israël dans la compétition, qui a déjà provoqué le boycott de cinq pays.

"En tant que personne et en tant qu'artiste, aujourd'hui, je ne pense plus que ce trophée ait sa place sur mon étagère", a déclaré dans une vidéo postée sur Instagram Nemo, qui s'était déjà joint aux appels réclamant l'exclusion d'Israël du plus grand événement musical télévisé en direct au monde.

"L'Eurovision prétend défendre l'unité, l'inclusion et la dignité de tous (...) Mais la participation continue d'Israël, alors que la commission d'enquête internationale indépendante (mandatée par) l'ONU a conclu à un génocide, démontre un conflit évident entre ces idéaux et les décisions prises par" l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), a déclaré le chanteur de 26 ans.

"Il ne s'agit pas d'individus ou d'artistes. Il s'agit du fait que le concours a été utilisé à maintes reprises pour redorer l'image d'un État accusé de graves atrocités", a ajouté Nemo, devenu en 2024 le premier artiste non binaire à être sacré à l'issue d'une édition déjà marquée par une controverses sur la participation d'Israël en pleine guerre dans la bande de Gaza.

Mercredi, la télévision publique islandaise RUV a annoncé boycotter l'édition 2026 de l'Eurovision après le feu vert donné à la participation d'Israël, devenant le cinquième pays à ne pas participer au prochain concours à Vienne.

Début décembre, la majorité des membres de l'UER avaient estimé qu'il n'était pas nécessaire de voter sur la participation d'Israël avec sa télévision publique KAN.

Cette décision a déclenché instantanément les annonces de boycott des diffuseurs de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Irlande et de la Slovénie, sur fond de critiques de la guerre dans la bande de Gaza mais aussi d'accusations d'irrégularités dans les votes lors des précédentes éditions.

"Quand des pays entiers se retirent, il est évident que quelque chose ne va pas du tout. C'est pourquoi j'ai décidé de renvoyer ce trophée au siège de l'UER à Genève, avec gratitude et un message clair : incarnez vos valeurs", a ajouté Nemo, avant de déposer son trophée dans une boite.