PARIS : Candidature communiste séparée, tensions sans fin avec les écologistes : Jean-Luc Mélenchon va tenter de se recentrer sur sa pré-campagne présidentielle dimanche, en donnant à Aubin (Aveyron) son premier meeting depuis plusieurs mois.
Les grandes messes militantes ont été primordiales pour atteindre en 2017 la quatrième place avec 19,58% des voix, et c'est avec ce parfum de dynamisme collectif que veulent renouer les Insoumis. "Nous avons besoin de la magie du rassemblement de masse", antidote à la "résignation", selon le chef de la France Insoumise.
En fait de "masse", les Insoumis admettent qu'ils devront se contenter de quelques centaines de personnes, en raison du contexte sanitaire, mais aussi d'une campagne qui n'a pas vraiment commencé, à 11 mois du premier tour de l'élection présidentielle.
Le choix d'Aubin est symbolique, confie l'entourage du leader Insoumis. Celui-ci fera son discours dans le quartier du Gua, où 17 mineurs en grève périrent des balles de l'armée, le 8 octobre 1869. Habitué à convoquer les poètes en meeting, il pourra citer "L'Ode à la misère" que Victor Hugo composa en mémoire de l’événement.
Cette veine sociale a aussi irrigué l'agenda des Insoumis mercredi, avec la sortie du livre de Jean-Luc Mélenchon "Députés du peuple humain" (Robert Laffont), et la présentation le même jour du troisième cahier du programme "L'Avenir en commun", pendant laquelle les Insoumis ont proposé une "garantie emploi" contre le chômage.
La coordinatrice du programme Clémence Guetté explique: "Il y a un espace pour une discussion plus dense avec les autres formations de gauche. Sept millions de personnes sont au chômage, des centaines de milliers d'emplois sont supprimés, des milliers de jeunes galèrent à se nourrir... La question des alliances politiques, replaçons-les sur les aspects programmatiques".
Les alliances politiques sont un vrai sujet d'agacement chez les Insoumis, et leur chef leur a consacré plusieurs de ses sorties, ces derniers jours. Le chef des députés LFI n'a pas digéré que sa formation soit écartée de certaines alliances aux régionales et départementales.
Dr Jekyll et Mr Hyde
Cela a d'abord été les départementales dans le Nord, alors que LFI fait partie de l'attelage aux régionales dans les Hauts-de-France. Puis l'accord en PACA, la semaine dernière, entre la plupart des forces de gauche, sans LFI, a fini de faire bouillir Jean-Luc Mélenchon.
Des écolos "faux jetons" qui "ont un avenir aussi longtemps qu'on ne les voit pas à l'oeuvre", a-t-il pesté, de quoi l'engager dans une nouvelle joute à distance.
Le député EELV Yannick Jadot a regretté mercredi que l'Insoumis "brutalise le débat public", filant la métaphore d'un Dr. Jekyll et Mr. Hyde qui changerait d'attitude entre les échanges privés et les postures médiatiques.
Même Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, pourtant favorable à une union incluant LFI y compris pour la présidentielle, a taclé Jean-Luc Mélenchon, suggérant qu'il perdait son "sang froid" à quelques semaines des régionales.
Le chef de file de LFI a une tendance "à l'autodestruction de son image", "il a un charisme extraordinaire, mais ce n'est ni un bon stratège, ni un bon chef", diagnostique le politologue Thomas Guénolé, exclu de La France insoumise, qu'il a ensuite poursuivie en justice.
Côté face, "en discours, il nous enterre tous", affirmait récemment un responsable écologiste.
Jean-Luc Mélenchon a toujours assumé de cheminer à l'écart de la gauche traditionnelle. Mais l'isolement semble s'accentuer avec la confirmation de la candidature séparée du communiste Fabien Roussel, dimanche.
Lorsqu'il s'est déclaré en novembre, l'Insoumis croyait pouvoir compter sur ses "vieux camarades communistes", qui ont milité pour ses deux précédentes candidatures en 2012 et 2017. Dans un billet la semaine dernière, il anticipait néanmoins des "conséquences graves" à la concurrence du PCF, estimant que "maintenir la prééminence électorale du pôle populaire de rupture sera évidemment plus difficile".
Comme pour compenser, LFI a annoncé mardi le soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon d'un millier d'élus locaux, alors que la quête des 500 signatures auprès des maires pour valider sa présence au premier tour s'annonce difficile.