WASHINGTON : Il multiplie les rencontres avec ses opposants: à la Maison Blanche, par vidéo ou sur le tarmac d'un aéroport.
Mais quelles que soient ses intentions - et ses calculs politiques - le président américain Joe Biden est dans une situation singulière.
Il est confronté à un parti républicain au garde-à-vous derrière Donald Trump et qui embrasse ses théories du complot, dont celle affirmant que le démocrate ne serait pas un président légitime.
« C'est vraiment sans précédent », estime Capri Cafaro, enseignante à l'American University et ancienne élue démocrate de l'Ohio.
« Dans l'histoire moderne, il est difficile de penser à un cas de figure qui s'approche ne serait-ce qu'un tout petit peu de celui-ci ».
Toute la semaine, Joe Biden, qui veut faire passer au Congrès ses gigantesques plans d'investissement, va multiplier les appels à l'unité.
Mardi, il rencontre - par écrans interposés - des gouverneurs des deux bords.
Mercredi, il accueille à la Maison Blanche les quatre leaders du Congrès: Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre, Chuck Schumer, président démocrate du Sénat, Kevin McCarthy, chef des républicains à la Chambre, et Mitch McConnell, chef des républicains au Sénat.
« Ils auront un échange pour identifier les possibles convergences sur la façon de travailler ensemble et apporter des réponses concrètes aux défis auxquels sont confrontées les familles américaines », a indiqué un responsable de la Maison Blanche.
Mais Joe Biden s'adressera aux responsables d'un parti dont 55% des partisans (selon le dernier sondage Reuters/Ipsos) pensent que la défaite de Donald Trump en novembre est le résultat d'une élection truquée.
Le fait qu'il n'existe pas l'ombre d'une preuve à l'appui de ces accusations ne change rien: ce que Biden appelle « le grand mensonge » fait partie intégrante du discours républicain.
Joe Biden lui-même pensait que les choses seraient différentes une fois Donald Trump parti de Washington.
« Vous verrez que la plupart de mes amis républicains auront une révélation soudaine », avait-il prédit.
« Culte de la personnalité »
Mais depuis son luxueux club de Mar-a-Lago, en Floride, le magnat de l'immobilier reste le personnage central - et redouté - du « Grand Old Party ».
Affirmer clairement que l'élection n'a pas été truquée, c'est, pour un élu républicain, s'exposer à ses foudres. Et, avec le jeu des primaires, risquer de perdre la nomination du parti à la prochaine échéance.
Liz Cheney, l'une des rares parlementaires de son parti à lui avoir tenu tête, dénonçant « un culte de la personnalité dangereux et anti-démocratique », s'apprête à perdre son poste de numéro trois des républicains à la Chambre des représentants.
Or c'est Kevin McCarthy - l'un des quatre ténors qui seront reçus mercredi dans le Bureau ovale - qui sera à la baguette pour cette punition publique.
Un ex-président revanchard et les théories du complot sur le scrutin du 3 novembre ne sont pas, loin s'en faut, les seuls obstacles auxquels Joe Biden est confronté dans sa volonté affichée de « rassembler l'Amérique ». Il doit aussi gérer son propre parti.
Sur les trois premiers mois de son mandat, il a réussi à maintenir l'unité de la famille démocrate dans un contexte de pandémie propice à l'union sacrée.
Mais au moment où les négociations rentrent dans le dur sur ses projets d'investissements massifs de plus de 4000 milliards de dollars, les tensions deviennent palpables.
Certains sénateurs démocrates au profil centriste tels que Joe Manchin ont déjà exprimé des réserves. Ce dernier, qui dispose d'un pouvoir de négociation considérable, sachant que les démocrates n'auraient plus la majorité s'il faisait défection, a été reçu lundi par Joe Biden.
A moyen terme, les élections de mi-mandat de 2022, qui aiguisent les appétits des républicains qui rêvent de reprendre le contrôle de la Chambre et du Sénat, ne vont pas arranger les choses.
La Maison Blanche met inlassablement en avant la longue expérience de Joe Biden.
« Il y a peu de gens à Washington qui ont autant d'expérience que Joe Biden », surenchérit Capri Cafaro.
Mais rien ne permet d'affirmer que ses 36 années au Sénat lui permettront de sortir en « rassembleur » de cette séquence atypique de l'histoire politique américaine.