ANKARA: Depuis que la candidature de la Turquie à l’adhésion à l’Union européenne a été approuvée en 1999, les relations entre Bruxelles et Ankara sont tendues, une tension exacerbée par les activités controversées de cette dernière en Méditerranée orientale, ainsi que par les préoccupations au sujet de l’état de la démocratie turque actuellement.
Cependant, la Turquie souhaite à présent débuter une nouvelle ère avec l'UE, malgré l’accumulation de gaffes diplomatiques dernièrement, comme la crise de SofaGate. Ce jour-là, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, n’a pas été offerte de siège aux côtés du président Recep Tayyip Erdogan lors d’une visite très médiatisée à Ankara.
«La Turquie maintient la trajectoire de ses positions et ses efforts vers son objectif stratégique d'adhésion à l'UE, malgré la politique de deux poids, deux mesures, et malgré les obstacles qu’elle confronte», affirme Erdogan dans un communiqué publié le 9 mai, date célébrée à travers le bloc comme la Journée de l'Europe. «L’adhésion de la Turquie ouvrira la voie à l’essor d’une Europe plus performante aux niveaux régional et mondial, ce qui donne de l’espoir non seulement à ses citoyens, mais aussi aux habitants parmi ses voisins, ainsi qu’au monde entier», déclare-t-il.
Certains États membres de l’UE, particulièrement la Grèce, la France et Chypre, continuent d’interrompre les négociations d’adhésion avec la Turquie, et invoquent notamment l’érosion de la démocratie, les atteintes aux droits de l’homme et à l’État de droit au pays pour justifier leur position. Le non-respect des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme de la part d’Ankara suscite également la colère de Bruxelles.
Le Dr Ilke Toygur, membre CATS du groupe de réflexion allemand SWP Berlin, déclare qu’il est important de rester réaliste quant aux perspectives d’adhésion de la Turquie à l’UE.
«Après des mois de tensions en Méditerranée orientale, 2021 (voit) une tournure positive dans les relations Turquie-UE. Cet agenda positif est toutefois davantage lié à une coopération fructueuse plutôt qu’à un quelconque progrès dans les négociations d’adhésion de la Turquie», a-t-elle déclaré à Arab News.
Ankara souhaite mettre à jour l'accord sur les réfugiés de 2016, et qui contraint la Turquie à endiguer les marées de migrants qui tentent d’arriver en Europe à partir de ses côtes en échange d'une assistance financière. La Commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, s'est rendue vendredi en Turquie pour discuter de l’entente et du dossier de la libéralisation des visas.
L'UE s’était engagée à offrir 6 milliards d'euros (7,1 milliards de dollars) à la Turquie pour aider les réfugiés syriens, mais seuls 3,6 milliards d'euros ont été virés jusqu'à présent, un point de contention selon Ankara.
L’entente fait toutefois l’objet de critiques de la part de certains États membres de l'UE. Ceux-là affirment que la Turquie se sert des millions de réfugiés syriens comme levier contre Bruxelles, afin de lui réclamer davantage de fonds.
En février 2020, la Turquie a permis à des milliers de migrants, rassemblés à la frontière avec la Grèce, de se diriger vers l'Europe.
Les pourparlers au sujet de l’adhésion de la Turquie à l'UE ont commencé en 2015, mais le conflit chypriote non résolu a toujours constitué un obstacle au progrès. Les chefs de l'Union européenne maintiennent la menace des sanctions, au cas où Ankara persisterait dans ses activités de prospection gazière et pétrolière dans les eaux revendiquées par la Grèce et Chypre.
La candidature de la Turquie à l'UE devrait être officiellement suspendue si Ankara maintient sa «trajectoire autocratique», insistaient les législateurs de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen le 23 avril dernier. Ils estiment que la Turquie ne remplit plus les critères démocratiques nécessaires à sa candidature, et encore moins à son adhésion à part entière à l’Union.
Concrètement, la Turquie reste à la merci du commerce avec le bloc. Au cours des quatre premiers mois de 2021, les exportations vers les États membres de l'UE ont augmenté de 35%, pour atteindre 26,86 milliards de dollars. Ankara s'attend également à un élargissement de l'Union douanière UE-Turquie vers de nouveaux secteurs, tels que les services et le commerce agricole.
Toygur estime que l'UE souhaite certainement aborder les problèmes commerciaux actuels et ouvrir la voie à la modernisation de l'union douanière. Cependant le processus lui-même requiert un mandat officiel, et une grande dose de bonne volonté des deux côtés, pour régler les points de contention.
«Un haut niveau de dialogue dans les dossiers les plus anciens, tels que les transports, l'économie ou l'énergie, ainsi que les nouveaux dossiers (tels que) la santé mondiale ou le changement climatique, sont également à l’ordre du jour», dit-elle.
Le dernier sondage de German Marshall Fund, intitulée «La vision turque de l’Union européenne», révèle que la moitié des jeunes turcs ne pensent pas que l’UE ait l’intention de laisser leur pays rejoindre le bloc.
Malgré tout, l'opinion publique turque voit dans l'UE un partenaire privilégié par rapport aux questions internationales. Cette tendance semble plus forte chez les personnes âgées de 18 à 24 ans par rapport à la population générale. De plus, 68,8% des jeunes turcs affirment qu'ils comptent voter «oui» lors d’un potentiel referendum sur l'adhésion au bloc.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com