JURA : Le parlement du Soudan du Sud a été dissous samedi soir par le président Salva Kiir, ouvrant la voie à l'installation d'un nouveau parlement, plus large, dont la composition avait été négociée dans l'accord de paix de 2018, qui a mis fin à cinq années d'une sanglante guerre civile.
Le décret lu samedi soir à la télévision d'État annonçant la dissolution des deux chambres, l'Assemblée législative nationale de transition et le Conseil des États, ne fixe toutefois pas de date pour l'entrée en fonction des nouvelles assemblées.
Cette "reconstitution" du parlement était prévue dans l'accord de paix revitalisé signé en septembre 2018 par les ennemis jurés Salva Kiir et Riek Machar, qui a mis fin officiellement à une guerre civile ayant fait plus de 380 000 morts et 4 millions de déplacés.
Elle était attendue en février 2020, en même temps que la formation du gouvernement d'union nationale, mais n'avait jusqu'à présent pas eu lieu, malgré les demandes répétées de l'opposition.
Selon l'accord de 2018, la nouvelle assemblée nationale passera de 400 à 550 législateurs, dont 332 seront nommés par le président Salva Kiir, 128 par le vice-président Riek Machar et 90 par les autres parties signataires.
Le Conseil des États (Chambre haute) passera, lui, de 50 à 100 membres.
Société civile "frustrée"
L'absence de ce parlement "reconstitué" a été la source de dysfonctionnements dans ce pays en proie aux violences et à la faim.
Le budget de l'exercice 2020-2021 n'a pas pu être voté, plusieurs lois n'ont pas pu être promulguées et certains ministres, comme la ministre de la Défense Angelina Teny, ont refusé des convocations devant l'Assemblée nationale, la jugeant illégitime.
Bien qu'attendue de longue date, cette annonce est accueillie avec une certaine prudence.
"C'est un développement bienvenu mais nous espérons que la dissolution n'ouvrira pas la voie à un long processus de reconstitution du parlement", a déclaré à l'AFP Jame David Kolok, président du Forum de la société civile du Soudan du Sud, en rappelant que ce "processus aurait dû être mené depuis longtemps".
"La société civile est frustrée et ne croit plus que, même s'il est reconstitué, ce sera un parlement viable", a-t-il ajouté.
L'émissaire spécial américain pour le Soudan du Sud, Donald Booth, devait arriver dimanche dans la capitale Juba pour une visite de cinq jours, a annoncé le Département d'État dans un communiqué.
"Lenteur" de l'application de l'accord
Les Etats-Unis ont été le premier soutien de l'indépendance du pays.
"Les États-Unis sont préoccupés par la lenteur de la mise en œuvre de l'accord revitalisé (...), la poursuite de la violence et la détérioration des conditions économiques et humanitaires", explique le Département d'État.
De nombreux points de l'accord de 2018, comme l'élaboration d'une constitution ou la formation d'une armée nationale unifiant les forces des deux camps autrefois ennemis, restent inachevés.
Un rapport de l'ONU estimait fin avril que la lenteur des réformes et de l'application de cet accord faisait courir le risque d'un nouveau "conflit de vaste ampleur" dans le pays, le plus jeune du monde qui fêtera en juillet les dix ans de son indépendance du Soudan, après un conflit muertrier avec Khartoum.
Ce rapport demandait notamment le maintien de l'embargo sur les armes qui expire le 31 mai, et de nouvelles sanctions contre ceux qui s'opposent à l'application de l'accord de paix et entravent l'acheminement de l'aide humanitaire.
Si les violences au niveau national ont reculé, les affrontements intercommunautaires se sont multipliés dans plusieurs États.
Ces violences, auxquelles sont venues s'ajouter sécheresse, inondations et invasion de criquets pèlerins, ont plongé la population dans la famine et la misère.
Fin avril, l'ONU estimait à 8,5 millions le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire.