EDIMBOURG: Disculpé par la justice d'accusations d'agressions sexuelles, Alex Salmond comptait prendre sa revanche politique dans les urnes. Le retour du celui qui avait emmené l'Ecosse aux portes de l'indépendance en 2014 est raté.
L'ancien Premier ministre écossais ne siègera pas au Parlement régional d'Holyrood. Et son nouveau parti, Alba, lancé comme un défi à celle qui lui a succédé à la tête de l'Ecosse, Nicola Sturgeon, n'a réussi à faire élire aucun candidat.
«Alba a désormais sa place sur la scène politique et compte y rester», a positivé Alex Salmond après l'annonce de ce revers samedi.
La défaite est lourde pour cet homme de 66 ans au visage rond, à l'apparence débonnaire et au caractère bien trempé, qui a longtemps incarné le combat politique visant à «libérer les Écossais» des «chaînes» qui les lient au pouvoir central britannique. Il a fait de ce combat d'abord confidentiel une cause populaire qui a presque ébranlé l'unité du Royaume-Uni.
Le père du référendum - perdu en 2014 - sur l'indépendance de l'Écosse est brutalement tombé de son piédestal après son inculpation en 2019 pour des agressions sexuelles et tentatives de viol. Il quitte alors le Parti national écossais (Scottish National Party - SNP), qu'il avait rejoint étudiant en 1973 et qu'il a dirigé pendant un total de 20 ans.
Il est acquitté en 2020 mais, sur le plan politique, l'affaire a entre temps tourné au duel avec son ancienne protégée, Nicola Sturgeon. Celui qui est devenu animateur sur la chaîne d'informations en anglais financée par l'Etat russe, RT, se dit victime d'un complot politique destiné à le faire tomber et met en cause personnellement la «First minister».
Cette dernière devra défendre sa gestion de l'affaire devant une commission parlementaire et lors d'une enquête indépendante. Elle sauve son poste en début d'année mais Alex Salmond la défie dans les urnes en lançant Alba, affirmant vouloir élargir la majorité du camp indépendantiste.
Or noir, or ambré
Né le 31 décembre 1954 dans un lotissement ouvrier à Linlithgow, près d'Édimbourg, Alexander Elliot Anderson Salmond est un pur produit local, comme l'attestent son accent rocailleux et son diplôme en économie et histoire médiévale de la prestigieuse université de Saint Andrews, qu'il a fréquentée avant de devenir économiste pour la Bank of Scotland.
Ses partisans louent une détermination sans faille et une grande agilité politique. Ses détracteurs voient en lui un personnage arrogant, tyrannique et misogyne, avec un penchant pour le populisme.
Il n'en est pas à son premier retour. Après un revers électoral en 2000 qui l'avait poussé à quitter «pour toujours» la direction du parti, il était finalement revenu quatre ans plus tard, expliquant simplement: «J'ai changé d'avis».
Parvenant à rassembler la formation séparatiste auparavant hétérogène et marginale, l'homme, qui adore faire campagne, en a fait une machine à gagner. En 2011, le SNP rafle la majorité absolue au parlement écossais. L'indépendance est en bonne voie, pense-t-il.
Faisant trembler Downing Street, il veut rompre avec le parlement britannique de Westminster, où il a siégé de 1987 à 2010 et de 2015 à 2017. Son ambition est de présider aux destinées «d'un nouveau petit pays comptant parmi les 20 plus riches au monde», grâce à l'or noir du pétrole de la mer du Nord, et à l'or ambré du whisky.
Mais en 2014, 55% des Écossais choisissent de rester dans le Royaume-Uni. La défaite est amère et dans la foulée, Alex Salmond annonce sa démission.
Volubile en public, il est par contre muet sur sa vie privée. Son épouse, de 17 ans son aînée, apparaît très rarement à ses côtés. Le couple n'a pas d'enfants.
Passionné par les courses hippiques - il a longtemps écrit des pronostics pour un quotidien de Glasgow -, il aime aussi pousser la chansonnette. Avec une prédilection pour «Scots Wha Hae», qui retrace la victoire émancipatrice des Scots sur les Anglais à la Bataille de Bannockburn, il y a 700 ans.