PARIS : Les participants parlent de résistance, les autorités d'inconscience: comme chaque année, l'été a été marqué par l'organisation de centaines de "free parties", ces fêtes techno non déclarées en pleine nature, devenues avec la pandémie, la bête noire des autorités.
"Plus on nous empêche de faire la fête, plus on fait la fête", résume l'un des membres actifs du mouvement, Grégoire dit Pontu, un pseudo qui le met à l'abri de ce que le milieu appelle "la répression" des autorités.
Le mouvement "free party" regroupe depuis les années 90 des aficionados de musique techno qui s'identifient à un certain mode de vie: parfois nomade, souvent en communautés et nourri d'idéologies libertaire ou anarchiste.
"A cause de l'épidémie, il y a cette année moins d'événements que les années précédentes, mais l'attention s'est beaucoup portée sur ces événements et la répression est beaucoup plus forte", explique à l'AFP Robin, organisateur de "free parties", qui préfère garder l'anonymat.
Il est l'un des référents du Fonds de soutien juridique des Sons, une association qui vient en aide aux organisateurs confrontés à des amendes ou des saisies.
Selon les chiffres de son association, le Fonds a été sollicité pour 22 saisies de matériel en 2020, dont quatre pour le seul week-end du 15 août. C'est deux fois plus que les années précédentes, pour sensiblement moins de fêtes, explique-t-il.
La gendarmerie nationale, interrogée par l'AFP, ne souhaite pas communiquer sur le sujet. Un responsable régional affirme néanmoins que la doctrine nationale consiste désormais à limiter les rassemblements en cours, en bloquant le plus tôt possible les accès. Mais les évacuations sont encore rares.
"Agression sonore"
"On ne peut pas laisser 5.000, 6.000 personnes se rassembler ensemble, torse nu, sans aucun respect des gestes barrières, sans porter de masques. Ce n'est pas possible", avait martelé en juillet Marlène Schiappa, déléguée à la Citoyenneté auprès du ministère de l'Intérieur, dépêchée sur le site d'une "free party" de 4.000 personnes organisée dans la Nièvre.
Le 15 août dernier, face aux 7.000 "teufeurs" réunis en Lozère au cœur des Cévennes, pendant trois jours, près de 200 gendarmes avaient été mobilisés pour accélérer les sorties et saisir du matériel, dont des enceintes et des groupes électrogènes.
Des saisies qui permettent parfois aux forces de l'ordre de remonter la piste des organisateurs. Ces derniers encourent une amende pouvant aller jusqu'à 3.500 euros pour "organisation d'un événement festif non déclaré donnant lieu à de la musique amplifiée".
Pour "agression sonore", la sanction peut monter à un an de prison et 15.000 euros d'amende.
"Le peuple qui danse"
Pour les élus des communes où débarquent les fêtards c'est souvent le choc: Patricia Bergdolt, maire de Boutigny-sur-Essonne, paisible village à la population vieillissante, s'est sentie "impuissante"face à plusieurs centaines de "raveurs", débarqués en pleine nuit pour deux jours de fête intense avant d'être évacués.
"Avec autant de personnes qui débarquent sur la commune et ne sont plus en état, avec l'alcool et la défonce, de respecter les gestes barrières, comment voulez-vous rassurer la population ?", s'interroge-t-elle.
A ce jour, aucun foyer d'infection lié à une "free party" n'a été rapporté par une Agence régionale de santé en France.
"On est dehors, en pleine nature, moins collés que dans un bar et puis on a aussi une culture de la réduction des risques, par exemple on ne fait plus tourner les bouteilles", assure de son côté le "teufeur" Grégoire.
Comme beaucoup, il souhaite intensifier la "résistance du peuple qui danse", selon l'expression consacrée.
"La free party prendra d'autres formes si la répression s'accentue, on assistera à des événements soit plus petits, soit vraiment plus gros", prédit Robin, du Fond de soutien.
"Quand il y a 20.000 personnes qui arrivent dans un endroit, ça devient plus difficile de les faire partir".