Le monde arabe n’est rien sans la Palestine, qui est au cœur de la culture arabe et des religions les plus pratiquées au monde. Alors, pourquoi la Palestine lutte-t-elle, même sur des questions simples qui impliquent des violations évidentes de l'État de droit international? Je comprends les politiques du conflit israélo-palestinien: elles sont discutables et souvent déformées et exagérées. Mais l'État de droit international, lui, est très clair et incontestable.
Cette semaine, cinq cents Palestiniens qui vivent dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, ont été contraints de faire appel non pas au monde arabe, mais à la Cour pénale internationale (CPI). Malgré l’intimidation d’Israël et celle des États-Unis, deux des nations les plus puissantes du monde, la CPI mène une enquête sur les crimes de guerre israéliens potentiels dans les territoires occupés. L’enquête de la CPI est pour Israël ce que les bulldozers d’Israël furent pour les maisons palestiniennes.
Les appelants palestiniens représentent vingt-huit familles qui affirment que l'armée israélienne cherche à les expulser de leurs maisons, de manière délibérément raciste. Le bulldozer israélien est délibéré et ponctuel et il expulsera quatre familles le 2 mai prochain, ainsi que trois autres d'ici au 1er août, les jetant toutes à la rue.
Je m’explique mal le fait que ces propriétaires ne soient pas davantage défendus. Le monde dénonce les violations des droits civils des Afro-Américains aux mains de la police américaine. Des militants palestiniens, arabes et musulmans se sont déclarés solidaires de la famille de George Floyd et ils ont soutenu la vague de protestations qui a suivi sa mort. Pourtant, le silence en faveur des Palestiniens en Israël est assourdissant.
Certes, plus de 190 organisations arabes et musulmanes ont cosigné la lettre des habitants; mais cela ne suffit pas. Les préoccupations des Palestiniens devraient être en première ligne, mais elles ne le sont pas. Il est facile de signer une lettre et de déclarer sa solidarité, mais c’est autrement plus difficile, visiblement, d’attirer l’attention du monde sur l’entreprise criminelle que mène actuellement Israël.
Israël veut expulser ces Palestiniens afin de les remplacer par des Juifs israéliens, des colons qui ont été protégés par l'État et ignorés par le monde. Le mouvement des colons israéliens vole des terres aux chrétiens et aux musulmans, construit des colonies exclusivement juives et utilise la violence dans le but de protéger le vol de ces terres.
Que demandent les Palestiniens de Cheikh Jarrah? Ils veulent que leurs droits civils soient protégés. Israël n'a aucune autorité légale internationalement reconnue pour les expulser de force des maisons qu'ils occupent depuis des générations; mais il dispose du mandat politique que lui ont donné les États-Unis et du silence du monde arabe, qui lui permettent de nettoyer ethniquement les Arabes de Jérusalem.
Si les Israéliens ont la possibilité d’expulser les Palestiniens de Sheikh Jarrah, alors ils peuvent expulser les Arabes de n'importe quel pays ou de n’importe quel endroit du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Si les Israéliens peuvent défier le droit international de manière aussi impitoyable, ils peuvent donc défier n'importe quelle loi internationale et même les accords qu'ils ont signés avec d'autres gouvernements. Comment un gouvernement arabe peut-il faire confiance à Israël pour que ce dernier tienne sa parole et ne viole pas les principes de ses promesses? Qui peut croire la parole d’Israël?
Avec tous les gestes généreux que les nations arabes ont récemment faits à destination d’Israël, vous pourriez penser qu’elles seraient en droit de demander quelque chose en retour. Ainsi, Israël pourrait être contraint d’adhérer à l’État de droit international en Palestine et de respecter les droits civils et humains des chrétiens et des musulmans qui vivent sur les terres où leur religion a commencé.
Le monde arabe peut et doit aller de l'avant dans ses efforts pour embrasser la paix, élargir les relations entre juifs et musulmans et forger un nouveau climat de paix et de compréhension, de coopération et de respect. Cela constituerait une base solide sur laquelle il serait possible de construire des économies et d’améliorer la vie des gens.
Si les Israéliens ont la possibilité d’expulser les Palestiniens de Sheikh Jarrah, alors ils peuvent expulser les Arabes de n'importe quel pays ou de n’importe quel endroit.
Ray Hanania
Mais, à moins que ce nouvel environnement ne repose sur le fondement de la justice, des droits civils et de l’État de droit international, en quoi consistent ces accords, sinon en une rhétorique dénuée de sens, en des promesses creuses? Le monde arabe doit prendre les devants et utiliser le nouvel environnement qu'il cherche à créer comme une fondation robuste afin de plaider en faveur de la paix et de la justice en Palestine.
Si le monde arabe ne peut pas le faire – et cela fait longtemps qu'il n'a pas réellement essayé –, alors quel type de culture émergera de ce nouvel environnement, qui est censé être construit sur «la compréhension mutuelle et la coexistence ainsi que [sur] le respect de la dignité et de la liberté humaines, y compris la liberté religieuse»?
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de l'hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Internet personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com. Twitter: @RayHanania
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com