WASHINGTON: Le président américain Joe Biden s'est entretenu vendredi avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à la veille de la reconnaissance attendue du génocide arménien, conformément à sa promesse de campagne.
Le génocide arménien est reconnu par plus d'une vingtaine de pays et de nombreux historiens mais il est vigoureusement contesté par la Turquie.
Le président américain a exprimé sa volonté de bâtir une «relation bilatérale constructive», a indiqué la Maison Blanche dans un bref compte-rendu de l'échange téléphonique qui évoque la nécessité d'une «gestion efficace des désaccords».
De son côté, un porte-parole du département d'Etat américain a évoqué une «annonce» attendue samedi sur le «génocide arménien», laissant peu de doute sur la décision de Joe Biden qui avait promis, avant son élection, de prendre l'initiative sur ce dossier.
Erdogan et Biden d'accord pour «bâtir une coopération plus étroite»
«Les deux dirigeants ont convenu du caractère stratégique de la relation bilatérale et de l'importance de travailler ensemble à bâtir une coopération plus étroite sur les sujets d'intérêt mutuel», a indiqué la présidence turque dans un compte-rendu de cette conversation.
Plusieurs sujets de désaccord entre Ankara et Washington ont distendu leurs relations : de l'achat par la Turquie du système de défense antiaérienne russe S400 au soutien américain aux milices kurdes syriennes, en passant par le refus américain d'extrader le prédicateur musulman Fethullah Gülen, accusé d'avoir orchestré le coup d'Etat de 2016 contre M. Erdogan.
Durant sa conversation avec M. Biden, M. Erdogan a noté que «régler les problèmes de la présence du FETO aux Etats-Unis et le soutien américain aux organisations terroristes PKK-PYD en Syrie étaient important pour faire avancer les relations turco-américaines», selon la présidence turque.
Malgré des années de pressions de la communauté arménienne aux Etats-Unis, aucun président américain ne s'était jusqu'ici risqué à fâcher Ankara, allié historique de Washington et membre de l'Otan.
Le Congrès américain a reconnu le génocide arménien en décembre 2019 lors d'un vote symbolique, mais Donald Trump avait refusé d'utiliser le mot.
Les Arméniens estiment qu'un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique pendant la Première Guerre mondiale par les troupes de l'Empire ottoman, alors allié à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie. Ils commémorent ce génocide chaque année le 24 avril.
La Turquie, issue du démantèlement de l'empire en 1920, reconnaît des massacres mais récuse le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d'une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort.
Tête-à-tête à Bruxelles
«Nous ne devons jamais oublier ni rester silencieux sur cette horrible et systématique campagne d'extermination», avait souligné Joe Biden durant sa campagne.
«Si nous ne reconnaissons pas pleinement le génocide, si nous ne le commémorons pas, si nous ne l'enseignons pas, les mots “plus jamais” ne veulent plus rien dire», avait-il ajouté.
L'annonce de M. Biden n'aura pas de portée légale, mais elle ne peut qu'aggraver les tensions avec une Turquie que le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a qualifiée de «soi-disant partenaire stratégique» qui «par de nombreux aspects ne se comporte pas comme un allié».
Sans citer les Etats-Unis, le président turc avait dès jeudi adressé une mise en garde à peine voilée à Washington.
Lors d'une réunion avec des conseillers, il a indiqué qu'il continuerait à «défendre la vérité contre ceux qui soutiennent le mensonge du soi-disant “génocide arménien” (...) à des fins politiques».
Vendredi, après l'échange téléphonique, la présidence turque s'est bornée à souligner «le caractère stratégique de la relation bilatérale» et l'importance d'une «coopération plus étroite».
Joe Biden et Recep Tayyip Erdogan ont convenu de se rencontrer en juin en marge du sommet de l'Otan à Bruxelles.