BEYROUTH : L’arrivée d’essaims de criquets au Liban a semé la panique parmi les agriculteurs du pays.
Des vidéos montrant les insectes volant au-dessus des terres agricoles dans les régions de Ersal et Ras Baalbek dans la Békaa ont circulé sur les réseaux sociaux, et le mot-dièse #criquet est devenu tendance au Liban vendredi puisque les internautes se sont mis à faire des commentaires sarcastiques sur la dernière crise qui frappe le pays déjà en difficulté.
L’armée libanaise a indiqué que des hélicoptères avaient commencé à pulvériser des insecticides au-dessus des régions de Baalbek et Ras Baalbek pour « combattre et éradiquer » les criquets pèlerins.
Le maire de Ersal, Bassel Al-Hujairi, a confié avoir vu des « millions » de criquets volant et attaquant des cerisiers et des récoltes.
« Les criquets ont envahi le tiers de Ersal », déplore-t-il. « Alors que nous nous précipitions pour découvrir l’ampleur de la catastrophe, les essaims de criquets s’étaient déjà propagés dans la ville, ce qui signifie qu’aux premières heures du vendredi, les criquets ont pu parcourir 15 km, se dirigeant des zones arides vers Ersal. Si ces essaims se multiplient, ils peuvent couvrir le soleil ».
Ersal abritait plus de deux millions de cerisiers, de pommiers et d’abricotiers qui se trouvaient sur les côtés Sud et Est de la ville, a mentionné le maire, et les criquets étaient encore du côté nord de la ville.
« J’espère que le vent ne les portera pas dans d’autres directions », a-t-il ajouté.
Les essaims sont arrivés au Liban après avoir envahi la Syrie, l’Irak et la Jordanie.
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’apparition des criquets pèlerins en Syrie et en Jordanie est un phénomène « inhabituel et rare » causé par plusieurs jours de forts vents du sud et de températures élevées qui ont attiré les groupes de criquets adultes dans ces régions.
Elle a également expliqué que même si les essaims ne représentent pas une « invasion à grande échelle » et peuvent être contrôlés, elle craint que certains des criquets matures ne pondent des œufs et ne se reproduisent.
Les ministères de l’Agriculture et de la Défense se sont mobilisés pour résoudre ce problème étant donné que le Liban est membre de la Commission de lutte contre le criquet pèlerin dans la région centrale de la FAO.
Le ministre de l’Agriculture, Abbas Mortada, a inspecté Ersal et a déclaré que les équipes du ministère avaient observé des « vagues de criquets » et ont pu déterminer leur nombre approximatif.
« Mais nous craignons toujours que ces criquets ne se reproduisent et n’envahissent les champs et les fermes. Les gens filment les essaims de criquets, mais ils demeurent relativement loin ».
Le maire de Ras Baalbek, Menhem Mhanna a fait état d’un « grand nombre » de criquets dans les zones arides de la ville et a exprimé sa crainte que ces essaims n’atteignent les zones habitées.
« Les criquets ne trouveront rien au Liban car les politiciens ont tout dévoré », écrit une personne sur les réseaux sociaux, tandis qu’un autre internaute a dit : « Les politiciens du Liban sont plus dangereux que ces essaims ».
« Les criquets sont la cerise sur le gâteau qui vient s’ajouter à l’effondrement économique du Liban, à l’impasse politique et à la famine », peut-on lire dans un autre commentaire.
Cette crise rappelle aux Libanais le début du XXe siècle, au cours duquel des essaims ont dévoré pratiquement toute la végétation du pays.
À cette époque, le Liban était déjà en proie à des difficultés économiques et à un double blocus par l’Empire ottoman et par les Alliés, ce qui a provoqué une famine qui a entraîné la mort de plus d’un tiers de la population.
En 2013, les historiens et chercheurs Dr Christian Taoutel et Pierre Wittouck s.j. ont publié un livre qui rassemble les témoignages inédits en langue française des prêtres jésuites pendant la famine, intitulé « Le peuple libanais dans la tourmente de la Grande Guerre 1914-1918 ».
D’après le livre, « La famine commença avec des hordes de criquets affamés qui dévorèrent tout. L’année 1915 est, dans la mémoire des Libanais, “l’Année des sauterelles”, qui étaient impossibles à contrôler ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com