Les musulmans et les chrétiens devraient apprendre de leur histoire commune

Short Url
Publié le Vendredi 23 avril 2021

Les musulmans et les chrétiens devraient apprendre de leur histoire commune

Les musulmans et les chrétiens devraient apprendre de leur histoire commune
  • Nos histoires sont imbriquées, et à des moments cruciaux, nous sommes redevables les uns des autres de notre existence en tant que groupes confessionnels jusqu’à ce jour
  • «Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu»

Depuis quelques années, des milliards de musulmans et de chrétiens profitent de fêtes religieuses qui tombent à peu près à la même période de l'année. La fin de Pâques a coïncidé avec le début du ramadan, et cela ne devrait pas du tout nous surprendre puisque les deux grandes religions sont issues de la même région historique et partagent une histoire et une culture abrahamiques communes. Cependant, un rapide coup d'œil sur les réseaux sociaux révèle que peu de musulmans et de chrétiens réalisent qu'ils célèbrent leurs jours saints en même temps. Il est regrettable qu'au lieu de se centrer sur les points communs, la relation entre chrétiens et musulmans ait souvent été régie par la méfiance et l'incompréhension.

Alors que les festivités du mois de ramadan arrivent à mi-parcours, nous nous interrogeons sur la pertinence d’une nouvelle ère de coexistence pacifique et de compréhension entre toutes les communautés de foi abrahamique. Si la réponse est «oui», la voie à suivre devrait commencer par une meilleure appréciation de notre histoire et de notre culture abrahamiques communes. Nos histoires sont imbriquées, et à des moments cruciaux, nous sommes redevables les uns des autres de notre existence en tant que groupes confessionnels jusqu’à ce jour.

De nombreux récits dans l'histoire musulmane rappellent les contributions des chrétiens au cours de plusieurs périodes consécutives. Alors qu'il était encore un petit garçon accompagnant son oncle marchand dans le sud de la Syrie, le prophète Mahomet a rencontré un moine chrétien charismatique qui est aujourd'hui connu des musulmans sous le nom de Bahira. Cette rencontre lui a sans doute inspiré un respect pour la foi chrétienne qui s’est approfondi quelques décennies plus tard, lorsque les premiers disciples du Prophète ont été confrontés à de terribles persécutions dans la péninsule Arabique. C’est un roi chrétien d’Éthiopie qui a offert un abri aux musulmans dont il ne partageait pas la foi mais dont il reconnaissait et chérissait l’humanité commune.

Ce sont là quelques-unes des raisons pour lesquelles le Coran fait souvent référence aux chrétiens avec une profonde déférence et qualifie la Bible de sainte. Les catholiques, par exemple, constateront que tout le 19e chapitre du Coran est consacré à Marie, mère de Jésus. Elle y est mentionnée comme étant «au-dessus de toutes les femmes de toutes les nations du monde». Pendant des siècles, les artistes et poètes musulmans ont été impressionnés par la piété et le dévouement de Marie et ont exprimé leur admiration dans les arts visuels, les peintures, les odes et les dessins miniatures. Des sections entières du Coran chantent les louanges des prophètes hébreux Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, Hénoch, Adam et Noé.

Nos histoires sont imbriquées, et à des moments cruciaux, nous sommes redevables les uns des autres de notre existence en tant que groupes confessionnels jusqu’à ce jour.

Saud al-Sarhan et Johnnie Moore

Le modèle des musulmans est le prophète Mahomet qui a invité ses propres disciples à mener une vie humble et simple à l’image de Jésus, le célébrant comme un prophète miraculeux imprégné d'un esprit saint. Le Coran interdit explicitement d’attaquer les lieux de culte chrétiens.

Au fur et à mesure que la communauté des premiers musulmans se développait, l'esprit de coexistence a été maintenu par les dirigeants successifs. La célèbre lettre d'assurance d'Omar, écrite par le deuxième calife, Omar ibn al-Khattâb, aux chrétiens de Jérusalem lorsque les musulmans sont entrés dans la ville en 638, stipule: «Il (Omar) leur a donné (aux habitants de Jérusalem) une assurance de sécurité pour eux-mêmes, pour leurs biens, leurs églises, leurs croix, les malades et les personnes en bonne santé de la ville et pour tous les rituels qui appartiennent à leur religion. Leurs églises ne seront pas habitées par des musulmans et ne seront pas détruites. Ni eux, ni la terre sur laquelle ils se trouvent, ni leur croix, ni leurs biens ne seront endommagés. Ils ne seront pas convertis de force.»

Au-delà du respect du droit de chacun à exister, l’un des moments les plus glorieux de l’histoire du Proche-Orient a été l’époque où chrétiens, musulmans et juifs vivaient côte à côte et se sont unis pour le bien commun. Cela s'est produit au Xe siècle à Bagdad, lorsque la ville était la capitale d'un État dirigé par la dynastie abbasside éclairée. La région est devenue le centre intellectuel et scientifique du monde parce que les membres des trois religions abrahamiques ont écarté le sectarisme et se sont réunis dans une quête commune de connaissances et de progrès scientifiques. Les clercs, les universitaires, les médecins et les traducteurs de toutes confessions ont innové dans les domaines des mathématiques, des sciences et de la médecine et ont développé des traditions philosophiques qui perdurent encore aujourd'hui.

Ce qui a rendu cela possible, ce ne sont pas les musulmans, les chrétiens et les juifs qui croient aux mêmes enseignements. Même à l'époque où les confessions abrahamiques coexistaient pacifiquement, les imams, les prêtres et les rabbins défendaient leur religion. C'était, après tout, le Moyen Âge. Cependant, ce que ces sociétés manifestaient que d'autres sociétés à l'époque n'avaient pas, c'était une attitude libérale envers la curiosité intellectuelle, le débat public et le dialogue théologique et philosophique ouvert. Ce brassage de communautés religieuses a souvent conduit à des innovations qui ont renforcé chaque communauté sans porter atteinte à la sûreté et à la sécurité des autres. Ce fut possible parce que les coreligionnaires abrahamiques étaient compréhensifs et respectueux les uns des autres, ce qui a malheureusement manqué aux époques suivantes. L'histoire peut se répéter une fois de plus, mais elle exigera une redécouverte de cet esprit éclairé.

L'histoire de nos communautés religieuses a parfois été marquée par de sombres périodes d'inimitié, d'hostilité, de violence et même de guerre. Il faut toutefois le souligner: ce n’est pas la seule histoire. Notre message aux enfants d'Abraham en ce moment crucial est qu'il y a des histoires bien meilleures et bien plus intéressantes à raconter, tirées de périodes bien plus longues et illustres de notre histoire commune. Ces histoires sont des bénédictions dont nous pouvons profiter et apprendre ensemble.

Oui, en ce ramadan, en tant que musulmans et chrétiens, nous choisissons de croire au meilleur de l'humanité et de maintenir les enseignements pacifiques de nos religions distinctes mais intimement liées. Nous rejetons avec véhémence ceux qui utiliseraient la religion pour nous diviser. Paroles de Jésus: «Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu.»

 

• Saud al-Sarhan est secrétaire général du King Faisal Center for Research and Islamic Studies à Riyad, en Arabie saoudite.

• Johnnie Moore est président du Congress of Christian Leaders et fondateur de The Kairos Company.

NDRL: les opinions exprimées par les rédacteurs de cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com