LONDRES: L'apparition, la disparition et la réapparition d'une vidéo du gouvernement des Émirats arabes unis sur YouTube attaquant Al Jazeera a attiré l'attention sur la guerre médiatique qui fait rage entre la chaîne en arabe et sa version anglaise.
La vidéo, qui accuse Al Jazeera basée à Doha, d’« inspirer le terrorisme », est réapparue sur YouTube après avoir semble-t-il été retirée à la demande d'un employé. L'épisode a montré le double discours d'Al Jazeera: d’une part plateforme pour les idéologies extrémistes, et d’autre part chaîne internationale plus équilibrée.
La vidéo YouTube de cinq minutes propose un montage de séquences enregistrées sur la chaîne Al Jazeera en langue arabe, qui la présentent comme une plateforme pour les groupes terroristes. Parmi les images vidéo choisies se trouve un clip qui remonte à 2015. Ce dernier montre un présentateur lisant les résultats d'un sondage qui révèle que plus de 80% de ses téléspectateurs soutiennent Daech.
La vidéo dans son ensemble a été retirée de YouTube après une plainte déposée, apparemment, par un producteur d'Al Jazeera, pour violations de droits d'auteur. Elle a ensuite été remise en ligne.
Google propose des conseils sur le traitement de telles demandes de suppression de contenu de sites de partage vidéo, et qui se fondent sur la protection des droits d’auteur: « Lorsqu'un détenteur de droits d'auteur nous informe d'une vidéo qui porte atteinte à ses droits, nous supprimons le contenu rapidement, conformément à la loi. Un strike [avertissement] pour atteinte aux droits d'auteur peut être résolu si l'utilisateur présente une contre-proposition et parvient à prouver sa bonne foi », déclare une porte-parole du groupe.
Il y a deux semaines, le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis a publié la vidéo, en lien avec une lettre qu'il avait envoyée au Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme afin d’exprimer ses préoccupations au sujet d'Al Jazeera.
Les mêmes images vidéo peuvent aussi être visionnées via un lien publicitaire Google payant, où elles sont en concurrence avec un package rival produit par Al Jazeera. Ce dernier montre des présentateurs et des journalistes de la chaîne avançant leur propre série d’arguments basés sur la liberté de presse.
Al Jazeera est au centre d’une querelle amère entre le Qatar et quatre de ses pays voisins, lesquels y voient un prolongement du soutien présumé de Doha aux groupes terroristes. Les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, le Bahreïn et l'Égypte ont rompu leurs liens avec ce pays le 5 juin et ont exigé l’arrêt de la chaîne dont les versions en anglais et en arabe possèdent un ton nettement différent.
« Il y a une grande différence entre les normes professionnelles d’Al Jazeera en anglais et Al Jazeera en arabe qui a malheureusement été utilisée comme un outil dans la politique étrangère du Qatar », explique Noha Mellor, professeure de médias à l'Université du Bedfordshire (Royaume-Uni) et auteure de l’ouvrage Voice of the Muslim Brotherhood.
La différence de ton et de contenu entre les chaînes anglaise et arabe d'Al Jazeera a été mise en évidence par de nombreux commentateurs bien avant que cette crise éclate.
Un article publié en 2011 par le Washington Institute intitulé « Al Jazeera: Une organisation, deux messages », expliquait ainsi « qu’Al Jazeera essaie de se donner une nouvelle image de champion de la réforme et de la liberté de la presse, alors que l’un des programmes les plus populaires de sa chaîne en arabe donne la parole chaque semaine à un prédicateur fondamentaliste des Frères musulmans, le Sheikh Youssed Al-Qaradawi. Ce dernier, avec un grand sourire, accompagne ses diatribes anti-américaines et antisémites d'expressions de soutien à la censure des messages ‘anti-islamiques’. Cela ne veut pas dire qu'Al Jazeera en anglais n’a pas ses propres problèmes ni qu'Al Jazeera en arabe est entièrement viciée. Mais les messages sont souvent différents. »
Contactée par Arab News, Al Jazeera n’a pas répondu à nos demandes d’interview.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur ArabNews.com