En Libye, la médina de Tripoli veut retrouver son lustre d'avant-Kadhafi

Un homme libyen cherche des vêtements sur un étal du marché en plein air, le 8 juin 2012 dans la "Médina" de Tripoli. (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)
Un homme libyen cherche des vêtements sur un étal du marché en plein air, le 8 juin 2012 dans la "Médina" de Tripoli. (GIANLUIGI GUERCIA / AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 15 avril 2021

En Libye, la médina de Tripoli veut retrouver son lustre d'avant-Kadhafi

  • Ces travaux interviennent au moment où la Libye connaît une embellie politique avec la désignation d'un gouvernement chargé d'unifier les institutions
  • Les travaux, initiés fin 2020, visent à "préserver le patrimoine et l'histoire de la vieille ville", un "joyau architectural", souligne Mahmoud al-Naas, directeur du comité de gestion de la médina

TRIPOLI : Dans les venelles entrelacées de la médina de Tripoli, les travaux de restauration se font à la force des bras pour restituer son lustre d'antan au coeur de la capitale libyenne, opprimée sous Mouammar Kadhafi.

Poussant leurs brouettes, une poignée d'ouvriers charrie sable, ciment et gravats pendant que d'autres creusent et martèlent, dos courbé ou à genoux. Le bruit des marteaux-piqueurs cesse quand retentit l'appel à la prière de la myriade de mosquées de la médina. 

Ces travaux interviennent au moment où la Libye connaît une embellie politique avec la désignation d'un gouvernement chargé d'unifier les institutions et d'organiser des élections nationales en décembre, après une décennie de conflit.

Les travaux, initiés fin 2020, visent à "préserver le patrimoine et l'histoire de la vieille ville", un "joyau architectural", souligne Mahmoud al-Naas, directeur du comité de gestion de la médina, qui s'étend sur une cinquantaine d'hectares.

L'"énorme" chantier, dont on ne sait encore quand il finira, s'accompagne d'une "lourde responsabilité", assure le directeur du comité, financé par le gouvernement. 

"Il n'y a plus un parpaing qui entre sans la supervision du comité" car, contrairement aux travaux passés, ceux en cours bannissent des matériaux comme le ciment ou le béton et privilégient les matériaux traditionnels comme le basalte pour paver les rues.

"Âme" 

Fondée par les Phéniciens au VIIe siècle avant J.-C., la médina de Tripoli a connu l'influence de plusieurs civilisations (romaine, grecque, ottomane), chacune laissant son empreinte architecturale.

Mais, à partir des années 1970, sous Kadhafi, la médina perd de son âme lorsqu'elle est vidée de ses illustres familles par le dictateur, déterminé à détruire leur statut social. Ces habitants s'installent extramuros.

Et quand Kadhafi décide de s'en prendre au secteur privé --confisquant habitations et boutiques, et imposant une gestion étatique de certaines institutions--, nombre de magasins et ateliers d'artisans baissent le rideau. La médina tombe alors en ruines.

"Il y a tant de métiers perdus", déplore le hajj Mokhtar, un vieux commerçant à la barbe blanche. Spécialisé dans les tenues traditionnelles masculines, il regrette que certaines pièces soient aujourd'hui importées de l'étranger.

Pour Mohamad al-Ghariani, un artiste peintre de 76 ans propriétaire d'une galerie d'art dans la médina, les travaux "ressuscitent l'âme de la ville telle que nous l'avons connue enfants".

"La restauration progresse de quartier en quartier, un monument à la fois comme pour Dar Crista", bâtiment du nom d'un artiste de la vieille ville, dont la restauration doit durer cinq mois.

Témoin de la diversité culturelle de Tripoli, Dar Crista, dont une partie héberge toujours l'église gréco-orthodoxe Saint-Georges, a été construit en 1664 par Osmane Pacha, descendant de la dynastie ottomane des Qaramanli, pour servir de prison pour les captifs chrétiens.

Au fil des années, seules les parties de l'est de la ville, où se situent la citadelle, convertie en musée, et les marchés de l'or et de la soie ont résisté aux outrages du temps. Là, sous les allées couvertes ou les arcades bordant les boutiques, des clients font leurs emplettes.

Et puis il y a le plus célèbre des arrières-plan des photos-souvenir: l'Arc romain de Marc Aurèle, près de l'entrée nord-est de la médina, ses dattiers et le minaret de la mosquée Gurgi.

"Communauté"

Des coins délaissés de la ville, décharges à ciel ouvert, sont devenus d'immenses chantiers supervisés par des architectes, historiens, artisans et artistes. "L'avis et l'expertise de tous comptent", estime al-Mahdi Abdallah, un habitant.

Laissés à l'abandon, de nombreux bâtiments étaient squattés et se sont transformés en constructions anarchiques, voire en ruines.

Par endroits, les murs de vieux bâtiments qui attendent d'être rafraichis sont supportés par des poutres en bois traversant les ruelles exiguës.

Le front de mer, au nord de la médina, a lui désormais des trottoirs et une route goudronnée. Plus de stationnement anarchique ou de nids-de-poule qui transforment la rue en une allée boueuse les jours de pluie.

Dans sa boutique de matériel de pêche et de plongée, Mohamad Nasser se réjouit: "La médina nous revient. Il était temps!"


Israël dit avoir pris le contrôle du côté gazaoui du point de passage de Rafah avec l'Egypte

Une file de camions attend sur une route égyptienne le long de la frontière avec Israël, près du poste frontière de Rafah avec la bande de Gaza. (Fichier/Reuters)
Une file de camions attend sur une route égyptienne le long de la frontière avec Israël, près du poste frontière de Rafah avec la bande de Gaza. (Fichier/Reuters)
Short Url
  • «Nous avons le contrôle opérationnel de la zone», a affirmé l'armée israélienne lors d'un point de presse

JÉRUSALEM : L'armée israélienne a annoncé mardi avoir pris le contrôle de la partie palestinienne du point de passage de Rafah entre la bande de Gaza et l'Egypte.

Une unité de blindés «a manoeuvré dans la zone. A l'instant présent, des forces spéciales inspectent le point de passage» de Rafah, «nous avons le contrôle opérationnel de la zone», a affirmé l'armée israélienne lors d'un point de presse, précisant parler «uniquement du côté gazaoui du point de passage».

L’armée israélienne a indiqué que les forces opéraient depuis hier soir dans une zone spécifique de l'est de Rafah, dont la plupart des habitants et certaines organisations internationales avaient été évacués.


Biden redit à Netanyahu son opposition à une offensive terrestre à Rafah

Le président Joe Biden et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se sont entretenus lundi matin, a indiqué un responsable de la Maison Blanche. (File/AFP)
Le président Joe Biden et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se sont entretenus lundi matin, a indiqué un responsable de la Maison Blanche. (File/AFP)
Short Url
  • «Le président a réitéré sa position claire à propos de Rafah», a souligné la Maison Blanche, dans un communiqué rendant compte de l'appel téléphonique entre les deux dirigeants
  • M. Netanyahu a «accepté de veiller à ce que le point de passage de Kerem Shalom soit ouvert à l'aide humanitaire pour ceux qui en ont besoin», selon la Maison Blanche

WASHINGTON : Le président Joe Biden a réitéré lundi sa «position claire» au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu contre une offensive terrestre à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, a indiqué la Maison Blanche.

Israël a lancé lundi une opération visant à faire évacuer des dizaines de milliers de familles palestiniennes de l'est de la ville de Rafah, où l'armée prépare une offensive terrestre dans sa guerre contre le Hamas.

«Le président a réitéré sa position claire à propos de Rafah», a souligné la Maison Blanche, dans un communiqué rendant compte de l'appel téléphonique entre les deux dirigeants.

Dans cet appel téléphonique, M. Netanyahu a, par ailleurs, «accepté de veiller à ce que le point de passage de Kerem Shalom soit ouvert à l'aide humanitaire pour ceux qui en ont besoin», selon la Maison Blanche.

Israël a fermé ce point de passage clé de la frontière avec Gaza à la suite d'une attaque à la roquette menée dimanche par le Hamas.


Un système d’armement américain utilisé dans une frappe israélienne au Liban violerait le droit international

Des débris entourent les bâtiments détruits par une frappe israélienne dans le village frontalier de Mays al-Jabal, dans le sud du Liban, le 5 mai 2024 (AFP).
Des débris entourent les bâtiments détruits par une frappe israélienne dans le village frontalier de Mays al-Jabal, dans le sud du Liban, le 5 mai 2024 (AFP).
Short Url
  • The Guardian et Human Rights Watch (HRW) ont identifié les fragments d’une bombe JDAM fabriquée par Boeing sur le site où les secouristes ont été tués
  • Les États-Unis interdisent la vente de ces systèmes à des armées étrangères lorsqu’il existe des «informations crédibles» sur des violations des droits de l’homme

LONDRES: Une frappe aérienne israélienne au Liban, qui a fait sept morts parmi les travailleurs humanitaires en mars, pourrait avoir été lancée à l’aide d’un système d’armement fourni par les États-Unis, selon une enquête menée par le quotidien The Guardian.

Cet incident a coûté la vie à sept secouristes âgés de 18 à 25 ans, tous bénévoles, qui se trouvaient dans un centre ambulancier à Al-Habariyé, dans le sud du Liban, le 27 mars.

Il a eu lieu cinq jours avant qu’une frappe israélienne à Gaza ne tue sept travailleurs humanitaires travaillant pour l’ONG World Central Kitchen.

Les débris trouvés sur les lieux à Al-Habariyé ont été identifiés par The Guardian, un expert indépendant et Human Rights Watch (HRW) comme appartenant à une bombe israélienne MPR de 230 kg et à une bombe JDAM (Joint Direction Attack Munition) fabriquée par Boeing, un système attaché aux explosifs pour les transformer de bombes non guidées en bombes guidées par GPS.

Ramzi Kaiss, chercheur de HRW sur le Liban, a indiqué à The Guardian que «les assurances d’Israël sur son utilisation légale des armes américaines ne sont pas crédibles. Étant donné que le comportement d’Israël à Gaza et au Liban continue de violer le droit international, l’administration Biden devrait immédiatement suspendre les ventes d’armes à Israël».

En vertu de la loi Leahy de 1997, le gouvernement américain ne peut légalement ni aider ni armer des armées étrangères lorsqu’il existe des «informations crédibles» sur des violations des droits de l’homme.

Un porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis a assuré à The Guardian: «Les États-Unis veillent constamment à ce que le matériel de défense fourni par les États-Unis soit utilisé conformément au droit national et international applicable. Si des violations sont constatées, nous prenons les mesures nécessaires.»

Quant à Josh Paul, chercheur non résident à Democracy for the Arab World Now et ancien employé du département d’État, il a précisé: «Le département d’État a approuvé plusieurs de ces transferts (d’armes) en quarante-huit heures. Il n’y a aucune préoccupation politique concernant les munitions destinées à Israël, à l’exception du phosphore blanc et des bombes à sous-munitions».

Il a ajouté que les JDAM constituent des «armes clés» régulièrement demandées par Israël depuis le début de la guerre à Gaza.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony Blinken remettra au Congrès un rapport sur l’utilisation par Israël d’armes américaines et sur la possibilité qu’elles aient été impliquées dans des violations de cette loi ou d’autres.

Le sénateur du Maryland, Chris Van Hollen, a déclaré à The Guardian que les conclusions de l’enquête à Al-Habariyé sont «profondément préoccupantes et doivent faire l’objet d'une enquête approfondie de la part de l’administration Biden. Les conclusions de cette enquête approfondie devraient certainement être incluses dans le rapport NSM-20 qui doit être soumis au Congrès le 8 mai».

La frappe aérienne sur le centre ambulancier d’Al-Habariyé a été lancée sans avertissement le 27 mars avant 1h du matin. Aucun combat n’avait été signalé dans la région.

Les victimes, qui travaillaient au centre la nuit, sont les frères jumeaux Hussein et Ahmad al-Chaar, âgés de 18 ans; Abderrahmane al-Chaar, 19 ans; Mohammed Hamoud, 21 ans; Mohammed al-Farouk Aatwi, 23 ans; Abdallah Aatwi, 24 ans; et Baraa Abou Kaiss, 24 ans.

Selon l’armée israélienne, la frappe, qui a détruit le bâtiment de deux étages, a tué un «terroriste de premier plan appartenant à la Jamaa Islamiya», un groupe politique libanais armé lié au Hezbollah. L’armée n’a pas désigné cette personne par son nom.

Un porte-parole de la Jamaa Islamiya a confirmé que certains des secouristes bénévoles étaient membres du groupe, mais a nié qu’ils faisaient partie de sa branche armée.

Samer Hardane, responsable du centre local de Défense civile, qui faisait partie des premiers intervenants, a affirmé à The Guardian : «Nous avons inspecté chaque centimètre à la recherche des membres et des possessions des victimes. Nous n’avons rien vu qui soit lié à l’armée. Nous connaissions personnellement les victimes. Nous avons donc pu identifier leurs corps».

Depuis le 7 octobre, 16 travailleurs médicaux ont été tués par des frappes aériennes israéliennes au Liban, et 380 autres personnes ont péri, dont 72 civils. Onze soldats israéliens et huit civils ont également été tués.

Kassem al-Chaar, père des jumeaux Ahmed et Hussein, a confié qu’il avait déconseillé à ses fils de se porter volontaires.

«Je leur ai dit qu’il était dangereux de faire ce type de travail, mais ils m’ont répondu qu’ils acceptaient le risque. Je ne sais pas ce qui a poussé Israël à agir de la sorte: il s’agissait de jeunes gens enthousiastes à l’idée d’aider les autres», a-t-il déploré.

«Mes fils voulaient faire du travail humanitaire, et voyez ce qui leur est arrivé. Israël n’oserait pas agir de la sorte si les États-Unis ne le soutenaient pas.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com