PARIS : La réunion des dirigeants de gauche organisée à l'initiative de l'écologiste Yannick Jadot, samedi, contient la promesse d'un début d'entente au sein d'une famille morcelée, mais charrie aussi des tensions révélatrices d'ambitions divergentes à l'approche de 2022.
La séquence avait plutôt bien débuté. Quand Yannick Jadot a annoncé fin mars à la radio qu'il souhaitait mettre les responsables de toute la gauche "autour d'une table et qu'on se mette d'accord pour construire le grand projet d'espérance" pour la présidentielle de 2022, il a reçu un écho positif de la plupart des formations.
Tous s'accordent en effet sur la situation compliquée de cette famille politique, que les sondages récents donnent largement distancée, quelque soit le scénario, par Emmanuel Macron et Marine Le Pen au premier tour.
Le weekend dernier, un sondage dans le JDD est venu encore assombrir le tableau, prévoyant une déroute de tout candidat de gauche dans un hypothétique second tour face à l'extrême droite.
"Si nous y allons divisés, nous n'avons aucune chance de gagner", a souligné Yannick Jadot, qui aura l'occasion de le redire jeudi soir dans L'Emission politique de France 2 où il débattra notamment avec le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
La réunion de samedi, dans un lieu et à une heure encore inconnus, "c'est une bonne initiative, qui parle à l'ensemble de la gauche sans exclure personne", estime la députée européenne Aurore Lalucq auprès de l'AFP, dont le mouvement Place publique devrait être représenté par Raphaël Glucksmann.
Même son de cloche du côté socialiste: "C'est un signe positif, pour travailler ensemble", glisse Pierre Jouvet, porte-parole du PS. Qui rappelle que son patron Olivier Faure plaide pour un tel rassemblement depuis "deux ans et demi".
Mais les Insoumis ont vite émis des doutes, leur chef Jean-Luc Mélenchon, déjà déclaré candidat pour 2022, annoncant qu'il refuserait d'être "instrumentalisé" par un "numéro de claquettes pour dire +Plus unitaire que moi tu meurs+". En voyage en Amérique du Sud, celui qui attend surtout de l'initiative un "pacte de non-agression" se fera représenter samedi.
Pressé de clarifier l'ordre du jour exact de la réunion, l'eurodéputé EELV a précisé qu'elle n'avait pas forcément vocation à parler d'une candidature commune, même si celle-ci pouvait être un objectif à plus long terme.
La maire PS de Paris Anne Hidalgo, elle aussi candidate potentielle pour 2022, a réfléchi mais a finalement dit oui. "C'est très important que l'on puisse se rassembler, travailler ensemble, offrir au pays autre chose qu'un duel Emmanuel Macron et Marine Le Pen", a plaidé sur France 2 jeudi l'édile, en pointant "l'urgence" de "s'attaquer à la question des inégalités" et "de mettre en oeuvre la transition écologique".
"Petits matins"
L'initiative de Yannick Jadot a aussi créé des tensions au sein de son propre parti, ce qui n'augure pas d'un débouché ambitieux samedi. En effet, le secrétaire national Julien Bayou a rappelé que les écologistes désigneraient leur candidat lors de la primaire de septembre.
"Yannick est dans une démarche personnelle de promotion de sa candidature", tacle l'ancien chef David Cormand, qui n'attend rien de la "mise en scène" de samedi. "Les rassemblements, pour qu'ils fonctionnent, ne doivent pas être faits à travers des annonces tonitruantes dans les matinales, mais humblement".
L'entourage d'Eric Piolle, le maire écolo de Grenoble également sur les rangs de la primaire, ne dit pas autre chose: "La gauche se meurt de ne pas discuter avec la société civile", or "ce côté collectif est totalement absent de l'initiative de Jadot".
"Il n'y a rien à en attendre, chacun va rester sur ses positions", prophétise une figure socialiste.
Aurore Lalucq enjoint ses camarades à l'optimisme: "On ne va pas résoudre la gauche avec cette réunion mais on ne la sauvera pas non plus sans une réunion comme celle-là. Yannick Jadot est challengé par des critiques constructives, tant mieux, ça veut dire que c'est pris au sérieux, qu'il se passe quelque chose. Ce n'est pas le grand soir, mais les petits matins!"
Le fondateur de Générations et ancien candidat à la présidentielle Benoît Hamon a aussi appelé, mercredi dans Le Monde, à donner une chance à l'événement: "Mettons-nous d'accord sur nos désaccords et agrégeons ce qui nous réunit. Abandonnons l’acrimonie et le ressentiment à nos adversaires communs".