WASHINGTON: Joe Biden a entrouvert vendredi la porte à une possible réforme de la Cour suprême, s'attirant l'ire des républicains qui l'accusent de vouloir attaquer cette puissante institution, responsable aux Etats-Unis de trancher les plus grandes questions de société.
Le président américain a signé un décret mettant en place une commission d'experts sur une réforme du temple du droit américain, ancré solidement du côté conservateur depuis les nominations de Donald Trump.
Composée d'experts démocrates et républicains, la commission se penchera sur les aspects les plus sensibles d'une éventuelle réforme de la Cour suprême: la durée du mandat de ses membres, leur nombre, la façon dont l'institution sélectionne les affaires sur lesquelles elle statue, ses règles et ses pratiques.
Elle aura six mois pour rendre ses préconisations.
Tentative de «radicaliser la Cour suprême» et «attaque directe» contre la justice: sa création a suscité de vives critiques chez les républicains.
La Cour suprême, qui tranche aux Etats-Unis de nombreux sujets de société comme l'accès à l'avortement ou les droits des minorités sexuelles, compte neuf magistrats nommés à vie. Ils sont désignés par le président des Etats-Unis et doivent être confirmés par le Sénat.
Elle compte actuellement six juges conservateurs, dont trois ont été désignés par l'ex-président républicain Donald Trump.
La commission installée par Joe Biden sera co-présidée par Bob Bauer et Cristina Rodriguez, deux éminents professeurs de droit. Bob Bauer avait conseillé Joe Biden pendant sa campagne.
«Influence de l'extrême gauche»
Au cours de la campagne présidentielle, des candidats à la primaire démocrate avaient évoqué la possibilité d'augmenter le nombre des juges siégeant à la Cour. Une hypothèse qui hérisse les républicains.
Le candidat Biden avait lui confié qu'il n'était pas favorable à cette idée. Et avait même jugé cette idée «débile» au début des années 1980.
Interrogée sur ce point, la porte-parole de la Maison Blanche Jen Paski a répondu vendredi qu'il avait «demandé à son équipe de former cette commission pour refléter la diversité des points de vue».
«Cela aura bien entendu un impact sur son opinion», a-t-elle ajouté en conférence de presse.
Pour le chef des sénateurs républicains Mitch McConnell, l'annonce de la création de cette commission, une «étude faussement académique d'un problème non-existant», représente «une attaque directe contre le système judiciaire indépendant de notre pays».
Dans un communiqué au vitriol, il a affirmé vendredi y voir «un nouveau signe de l'influence de l'extrême gauche sur l'administration Biden».
«Breyer, démissionne»
Avec trois nominations chacune controversée pour des raisons distinctes, les appels du camp progressiste à réformer la vénérable institution se sont faits plus ardents sous Donald Trump.
Avec, en coup de massue pour les démocrates, le remplacement de l'icône progressiste et féministe Ruth Bader Ginsburg, décédée moins de deux mois avant la présidentielle de 2020, par la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett, 49 ans.
Compte tenu de l'âge des nouvelles recrues conservatrices, son arrivée a achevé d'ancrer la Cour à droite pour des décennies.
Avant elle, le milliardaire républicain avait nommé le conservateur Brett Kavanaugh, 56 ans, pour remplacer Anthony Kennedy, conservateur sur certaines questions mais défenseur de positions plus progressistes sur d'autres points, comme les droits des homosexuels.
Les auditions en 2018 du magistrat, accusé d'agression sexuelle avant sa confirmation par le Sénat, avaient profondément divisé le pays.
Dès son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait nommé un troisième juge: Neil Gorsuch, 53 ans, qui a remplacé le conservateur Antonin Scalia, décédé près d'un an plus tôt.
Craignant de voir l'histoire de Ruth Bader Ginsburg se répéter si Joe Biden était remplacé par un républicain après la présidentielle de 2024, un groupe militant pour une réforme de la Cour suprême pousse le juge progressiste le plus âgé, Stephen Breyer, 82 ans, à démissionner dès maintenant.
«Breyer, démissionne. Il est temps qu'une femme noire siège à la Cour suprême», pouvait-on lire sur un camion qui circulait vendredi à Washington.
Mardi, «Justice Breyer» avait mis en garde contre l'idée d'augmenter le nombre de juges siégeant à la Cour suprême, en affirmant que des réformes perçues comme étant politiques pourraient amoindrir la confiance des Américains dans cette institution.