La décision saoudienne de planter des forêts dans le désert pourrait changer le monde

L'initiative consiste à planter 10 milliards d'arbres, rien qu'en Arabie saoudite. (Une photo de fichier)
L'initiative consiste à planter 10 milliards d'arbres, rien qu'en Arabie saoudite. (Une photo de fichier)
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Publié le Samedi 03 avril 2021

La décision saoudienne de planter des forêts dans le désert pourrait changer le monde

La décision saoudienne de planter des forêts dans le désert pourrait changer le monde
  • L' «Initiative verte saoudienne» et l' «Initiative verte pour le Moyen-Orient», annoncées cette semaine, ont pour objectif d'unir les pays de la région qui sont confrontés aux mêmes défis environnementaux
  • Ces initiatives prévoient la mise en place du plus grand projet de boisement au monde, qui vise à restaurer près de 40 millions d'hectares de terres dégradées

Pour un pays qui assure 99 % de son énergie à partir des hydrocarbures, annoncer sa décision de se lancer dans le secteur des énergies renouvelables peut paraître osé.

Ce n'est pas le cas de l'Arabie saoudite. Grâce à une moyenne annuelle supérieure à 3 000 heures de soleil, plusieurs kilomètres de côtes vierges et une masse continentale équivalente à celle de l'Europe occidentale, le potentiel de l'Arabie saoudite est immense a cet égard.


 En effet, le ministère saoudien du Pétrole a été la tête d'affiche de l'OPEP pendant plusieurs décennies. Il a joué un rôle prépondérant dans la fixation du prix du pétrole brut et a permis aux voitures de rouler, aux navires de sillonner les mers et à l'économie mondiale de fonctionner. La crise pétrolière de 1973 est venue souligner la position centrale du Royaume en tant que principal producteur mondial de pétrole.


Rien d'étonnant donc à ce que les observateurs du marché se soient montrés perplexes en mai 2019 lorsque le ministère (son siège est conçu en forme de baril de pétrole) a été rebaptisé ministère de l'Énergie.


Si les décideurs de la région ont longtemps vanté les mérites de leurs paysages désertiques en tant que centres potentiels d'énergie solaire, il a semblé impossible —  jusque-là —de changer de paradigme pour parvenir à produire ce type d’énergie. 

 L' «Initiative verte saoudienne» et l' «Initiative verte pour le Moyen-Orient», annoncées cette semaine, ont pour objectif d'unir les pays de la région qui sont confrontés aux mêmes défis environnementaux. Ces initiatives prévoient la mise en place du plus grand projet de boisement au monde, qui vise à restaurer près de 40 millions d'hectares de terres dégradées.


Cette initiative suscite une grande attention sur le plan international dans la mesure où elle prévoit de planter 10 milliards d'arbres dans le seul Royaume et de produire 50 % de l'énergie du pays au moyen de sources renouvelables d'ici à 2030.


Les Nations unies et le Royaume-Uni (qui préside cette année la conférence des Nations unies sur le changement climatique COP26, qui se tiendra en novembre à Glasgow, en Écosse) ont salué la décision de l'Arabie saoudite, la jugeant à la fois opportune, au regard du programme mondial de lutte contre le changement climatique, et positive, du fait que les problèmes écologiques ont été pratiquement occultés au niveau régional.

Si les nuisances pour l'environnement ont longtemps été occultées dans la région, les efforts entrepris aujourd'hui pour inverser cette tendance sont louables

Zaid M. Belbagi

 

En effet, le pétrole a bouleversé la vie des habitants de la péninsule arabique. Il a procuré des siècles de développement économique en quelques décennies et a arraché les gens à la pauvreté et aux maladies. Ce miracle a néanmoins engendré des conséquences désastreuses sur l'environnement, notamment en raison de l'énorme croissance démographique qu'a connue la région et qui a accéléré le changement climatique.


Le golfe Arabique, une étendue d'eau relativement peu profonde dans un désert torride, court de grands dangers en raison de la hausse des températures de la mer. Dans les pays bordant le Golfe et la mer Rouge, les agglomérations côtières de faible altitude sont extrêmement vulnérables à la montée du niveau de la mer.


Par ailleurs, les projets de dessalement destinés à fournir de l'eau à ces grandes agglomérations perturbent les écosystèmes naturels de la région et se révèlent peu performants en termes de production d'énergie. L'utilisation accrue de machines, la croissance de l'industrie lourde et le pavage des cours d'eau saisonniers ont tous favorisé la désertification, les tempêtes de poussière et la pollution atmosphérique, comme l'a souligné le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane dans son annonce faite cette semaine. Compte tenu des températures estivales de la région, qui peuvent parfois atteindre les 60 degrés Celsius, la vie traditionnelle sans climatisation n'est plus qu'un souvenir lointain.


 Ainsi, le temps est venu de se concentrer sur les sources d'énergie alternatives, dans un contexte où la demande mondiale de pétrole a atteint son pic ou devrait l'atteindre dans les prochaines années. Les hydrocarbures contribuent largement à fournir eau et climatisation au Royaume et à ses voisins, mais la production abondante de ces substances a débouché sur des pratiques manifestement inefficaces.

Ainsi, la perspective la plus réaliste pour le Royaume consiste à exploiter l'énergie solaire, même s'il est également capable de produire de l'énergie éolienne à partir de ses régions montagneuses. En outre, l'énergie solaire devra être produite à grande échelle et constamment renouvelée pour constituer une source efficace et fiable. À l'heure actuelle, l'Islande et la Norvège, au climat nettement plus frais, sont les seuls pays à tirer plus de 50 % de leur énergie primaire des énergies renouvelables. De ce fait, le défi que le Royaume devra relever au cours des neuf prochaines années est immense.

 Si les nuisances pour l'environnement ont longtemps été occultées dans la région, les efforts entrepris aujourd'hui pour inverser cette tendance méritent d'être salués. Il est bien peu probable que l'Arabie redevienne le pays historique aux 42 lacs qu'elle fut avant l'exode arabe. Cependant, les efforts visant à préserver et à améliorer sa topographie permettront dans une certaine mesure de stabiliser la hausse des températures dans le Royaume.


 

- Zaid M. Belbagi est un commentateur politique, et un conseiller auprès de clients du secteur privé entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Twitter : @Moulay_Zaid

 Avertissement: les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.