En Libye, l'ombre des «Kaniyat» plane encore sur les charniers de Tarhouna

Des endeuillés libyens enterrent un corps, qui a été déterré d'une fosse commune, dans un cimetière de la ville de Tarhouna, le 13 novembre 2020. Dix-sept corps ont été déterrés dans des fosses communes récemment découvertes dans la région de Tarhuna, dans l'ouest de la Libye, portant à 112 le nombre total de corps exhumés ces derniers mois, a indiqué l'autorité chargée des personnes disparues le 7 novembre. (AFP)
Des endeuillés libyens enterrent un corps, qui a été déterré d'une fosse commune, dans un cimetière de la ville de Tarhouna, le 13 novembre 2020. Dix-sept corps ont été déterrés dans des fosses communes récemment découvertes dans la région de Tarhuna, dans l'ouest de la Libye, portant à 112 le nombre total de corps exhumés ces derniers mois, a indiqué l'autorité chargée des personnes disparues le 7 novembre. (AFP)
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Publié le Vendredi 02 avril 2021

En Libye, l'ombre des «Kaniyat» plane encore sur les charniers de Tarhouna

  • Comme souvent depuis l'été 2020, des habitants se retrouvent pour une prière funéraire, les vendredis, au gré des cadavres exhumés
  • Des mandats d'arrêt ont récemment été lancés par le parquet général de Tripoli, alors que le pays connaît une embellie politique avec la désignation d'un gouvernement unifié

TARHOUNA : "Chaque jour des gens disparaissaient": à Tarhouna, une fratrie de six a longtemps fait régner la terreur, éliminant méthodiquement les opposants à leur milice, voire leurs proches. Bien que les Kaniyat aient finalement été bannis, leur ombre plane toujours sur la cité libyenne.

Tarhouna, localité rurale à quelque 80 km de la capitale Tripoli: un petit groupe d'hommes afflue vers une vaste esplanade dominée au loin par une colline rocailleuse et grisâtre.

Sur le flanc gauche, une dizaine d'ambulances sont postées à intervalles réguliers. En face se dresse une mosquée au ton ocre. Quelques palmiers chenus complètent le décor.

Des affiches placardées sur un mur attirent aussi le regard: ils portent les noms et portraits des "martyrs" de Tarhouna, y compris des enfants. 

Comme souvent depuis l'été 2020, des habitants se retrouvent pour une prière funéraire, les vendredis, au gré des cadavres exhumés. Ce jour-là, on en dénombre treize.

"Je suis le père du martyr Moaid, tué de sang-froid par la bande criminelle des Kaniyat", soupire Mohamed Amer, l'un des premiers à rejoindre la place. 

"Ils n'ont épargné ni enfant, ni femme, ni vieillard. (...) La plupart des fils de Tarhouna sont sous terre", poursuit ce quinquagénaire aux cheveux grisonnants.

Et si "la vérité a éclaté au grand jour", "nous demandons maintenant qu'ils soient arrêtés et jugés, sinon pas de réconciliation", prévient-il.

"Fauves"

En juin 2020, la petite ville est brusquement sortie de l'anonymat après la découverte de charniers.

A l'époque, elle vient d'être reprise par le gouvernement d'union basé à Tripoli aux forces du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort d'un pouvoir rival installé dans l'est de la Libye.

Depuis cette date, 140 dépouilles ont été exhumées.

C'est en 2015 que la milice d'Al-Kani, également désignée comme "Kaniyat", prend le contrôle de Tarhouna. D'abord pro-GNA, elle s'associe ensuite aux pro-Haftar, qui font de Tarhouna leur base arrière dans leur tentative pour prendre la capitale à compter d'avril 2019.

Durant ces années, cette milice "enlevait, détenait, torturait, tuait et faisait souvent disparaître des personnes qui s'y opposaient ou qui étaient soupçonnées de le faire", dénonce l'ONG Human Rights Watch (HRW).

Selon plusieurs témoignages, ils allaient jusqu'à recourir à des "fauves" --des lions-- pour semer la terreur. 

"Les Kaniyat dirigeaient la ville d'une main de fer. Personne n'avait le droit de parler (...). Ils avaient des yeux partout. Il y avait les frères mais aussi leurs hommes de main, des criminels issus de toutes les tribus", se souvient Milad Mohamed Abdelgader, un vieil homme emmitouflé dans une djellaba noire.

Lui est venu ce vendredi sur l'esplanade pour ses "cousins", les "martyrs Khalifa et Abdessalam". "Dieu leur rendra justice tôt ou tard", murmure le villageois avant de fondre en larmes, l'index pointé vers le ciel.

Sur la place, plusieurs centaines de personnes sont rassemblées.

Avant l'inhumation, les treize cadavres enveloppés dans des linceuls sont transportés sur des brancards et alignés. Les habitants récitent la prière des morts avec dévotion.

Après un long silence, une voix s'élève dans un mégaphone pour demander que soit jugée "la bande criminelle terroriste Al-Kani".

"Pour l'argent"

Deux des frères ont été tués mais les quatre autres --dont leur chef Mohamed-- sont en fuite. "A Benghazi" (est), disent des habitants.

Des mandats d'arrêt ont récemment été lancés par le parquet général de Tripoli, alors que le pays connaît une embellie politique avec la désignation d'un gouvernement unifié.

En attendant, "personne n'a encore été tenu responsable", déplore Hanan Salah, chercheuse de HRW pour la Libye.

"Trente-trois familles ont été liquidées", s'indigne Issa Harouda, président de l'Association libyenne des droits humains. Lui-même a perdu des proches.

La fratrie "s'est entourée d'hommes de main auxquels elle a donné armes et argent, profitant du dénuement des habitants, des bédouins qui vivent de l'élevage et de l'agriculture". 

Dans un quartier résidentiel, de grandes villas en marbre contrastent avec la route caillouteuse qui les longe. Ici vivaient les Kani et leurs hommes de main.

Elles ont été saccagées après la libération de la ville. Une maison a été dévastée par des obus, des noms de "martyrs" ont été inscrits sur sa façade. A l'intérieur, un chariot en bronze gît sur le sol. Des colonnes taillées dans le marbre sont quasi intactes.

"Les Kani ont pris le contrôle de deux usines et de plusieurs commerces. Ils ont chassé les riches familles de la ville pour s'accaparer leur fortune", dit un habitant en uniforme militaire. "Ils se pavanaient dans leur pickups avec leurs fauves, ils ont terrorisé la ville. Tout ça pourquoi? Pour l'argent".


Finul: quatre soldats italiens blessés, Rome accuse le Hezbollah

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  • Dans un communiqué, le ministère italien de la Défense indique que "quatre soldats italiens ont été légèrement blessés après l'explosion de deux roquettes de 122 mm ayant frappé la base UNP 2-3 de Chamaa dans le sud du Liban
  • Selon un porte-parole de la Finul, la force onusienne a recensé plus de 30 incidents en octobre ayant entraîné des dommages matériels ou des blessures pour les Casques bleus

ROME: Quatre soldats italiens ont été légèrement blessés lors d'une nouvelle "attaque" contre la mission de maintien de la paix de l'ONU au Liban, la Finul, a indiqué vendredi le gouvernement italien, qui en a attribué la responsabilité au Hezbollah.

"J'ai appris avec profonde indignation et inquiétude que de nouvelles attaques avaient visé le QG italien de la Finul dans le sud du Liban (et) blessé des soldats italiens", a indiqué dans un communiqué la Première ministre Giorgia Meloni.

"De telles attaques sont inacceptables et je renouvelle mon appel pour que les parties en présence garantissent à tout moment la sécurité des soldats de la Finul et collaborent pour identifier rapidement les responsables", a-t-elle affirmé.

Mme Meloni n'a pas désigné le responsable de cette attaque, mais son ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani a pointé du doigt le Hezbollah: "Ce devraient être deux missiles (...) lancés par le Hezbollah, encore une fois", a-t-il déclaré là la presse à Turin (nord-ouest).

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué à l'AFP que Rome attendrait une enquête de la Finul.

Dans un communiqué, le ministère italien de la Défense indique que "quatre soldats italiens ont été légèrement blessés après l'explosion de deux roquettes de 122 mm ayant frappé la base UNP 2-3 de Chamaa dans le sud du Liban, qui abrite le contingent italien et le commandement du secteur ouest de la Finul".

"J'essayerai de parler avec le nouveau ministre israélien de la Défense (Israël Katz, ndlr), ce qui a été impossible depuis sa prise de fonction, pour lui demander d'éviter d'utiliser les bases de la Finul comme bouclier", a affirmé le ministre de la Défense Guido Crosetto, cité par le communiqué.

Selon un porte-parole de la Finul, la force onusienne a recensé plus de 30 incidents en octobre ayant entraîné des dommages matériels ou des blessures pour les Casques bleus, dont une vingtaine dus à des tirs ou des actions israéliennes.

Plus de 10.000 Casques bleus sont stationnés dans le sud du Liban, où la Finul est déployée depuis 1978 pour faire tampon avec Israël. Ils sont chargés notamment de surveiller la Ligne bleue, démarcation fixée par l'ONU entre les deux pays.

L'Italie en est le principal contributeur européen (1.068 soldats, selon l'ONU), devant l'Espagne (676), la France (673) et l'Irlande (370).


Syrie: le bilan des frappes israéliennes sur Palmyre s'élève à 92 morts

Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan. (AFP)
Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan. (AFP)
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  • Un dépôt d'armes proche de la zone industrielle de Palmyre a aussi été visé, selon l'OSDH, ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie
  • Le bilan s'élève à "92 morts", a déclaré l'OSDH, parmi lesquels 61 combattants syriens pro-iraniens dont onze travaillant pour le Hezbollah libanais, "27 ressortissants étrangers" pour la plupart d'Al-Noujaba, et quatre membres du Hezbollah

BEYROUTH: Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan.

Mercredi, trois frappes israéliennes ont ciblé la ville moderne attenante aux ruines gréco-romaines de la cité millénaire de Palmyre. Une d'entre elles a touché une réunion de membres de groupes pro-iraniens avec des responsables des mouvements irakien d'Al-Noujaba et libanais Hezbollah, selon l'Observatoire.

Un dépôt d'armes proche de la zone industrielle de Palmyre a aussi été visé, selon l'OSDH, ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Le bilan s'élève à "92 morts", a déclaré l'OSDH, parmi lesquels 61 combattants syriens pro-iraniens dont onze travaillant pour le Hezbollah libanais, "27 ressortissants étrangers" pour la plupart d'Al-Noujaba, et quatre membres du Hezbollah.

L'ONG avait fait état la veille de 82 morts.

Ces frappes israéliennes sont "probablement les plus meurtrières" ayant visé la Syrie à ce jour, a déclaré jeudi devant le Conseil de sécurité Najat Rochdi, adjointe de l'envoyé spécial de l'ONU en Syrie.

Depuis le 23 septembre, Israël a intensifié ses frappes contre le Hezbollah au Liban mais également sur le territoire syrien, où le puissant mouvement libanais soutient le régime de Damas.

Depuis le début de la guerre civile en Syrie, Israël a mené des centaines de frappes contre le pays voisin, visant l'armée syrienne et des groupes soutenus par Téhéran, son ennemi juré. L'armée israélienne confirme rarement ces frappes.

Le conflit en Syrie a éclaté après la répression d'un soulèvement populaire qui a dégénéré en guerre civile. Il a fait plus d'un demi-million de morts, ravagé les infrastructures et déplacé des millions de personnes.

Située dans le désert syrien et classée au patrimoine mondial de l'Unesco, Palmyre abrite des temples gréco-romains millénaires.

 


Israël annonce mettre fin à un régime de garde à vue illimitée pour les colons de Cisjordanie

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  • Quelque 770 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon des données de l'Autorité palestinienne
  • Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, 24 Israéliens, civils ou militaires, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a annoncé vendredi que le régime dit de la détention administrative, équivalent d'une garde à vue quasi illimitée, ne serait désormais plus applicable aux colons israéliens en Cisjordanie.

Alors que "les colonies juives [en Cisjordanie] sont soumises à de graves menaces terroristes palestiniennes [...] et que des sanctions internationales injustifiées sont prises contre des colons [ou des entreprises oeuvrant à la colonisation], il n'est pas approprié que l'Etat d'Israël applique une mesure aussi sévère [la détention administrative, NDLR] contre des colons", déclare M. Katz dans un communiqué.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967 et les violences ont explosé dans ce territoire palestinien depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas à Gaza, le 7 octobre 2023.

Quelque 770 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon des données de l'Autorité palestinienne. Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, 24 Israéliens, civils ou militaires, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Face à la montée des actes de violences commis par des colons armés, plusieurs pays occidentaux (Etats-Unis, Union européenne, Royaume-Uni et Canada notamment) ont au cours des douze derniers mois pris des sanctions (gel des avoirs, interdiction de voyager) contre plusieurs colons qualifiés d'"extrémistes".

Il y a quelques jours, les Etats-Unis ont sanctionné pour la première fois une entreprise israélienne de BTP active dans la construction de colonies en Cisjordanie.

La détention administrative est une procédure héritée de l'arsenal juridique de la période du Mandat britannique sur la Palestine (1920-1948), avant la création d'Israël. Elle permet aux autorités de maintenir un suspect en détention sans avoir à l'inculper, pendant des périodes pouvant aller jusqu'à plusieurs mois, et pouvant être renouvelées pratiquement à l'infini.

Selon le Club des prisonniers palestiniens, ONG de défense des Palestiniens détenus par Israël, plus de 3.430 Palestiniens se trouvaient en détention administrative fin août. Par comparaison, seuls huit colons juifs sont détenus sous ce régime à ce jour, selon le quotidien israélien de gauche Haaretz vendredi.

L'annonce de la fin de la détention administrative pour les colons survient au lendemain de l'émission par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêts internationaux contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant recherchés par la justice internationale pour des "crimes de guerres" et "crimes contre l'humanité".

M. Netanyahu a rejeté catégoriquement la décision de la Cour comme une "faillite morale" et une mesure animée par "la haine antisémite à l'égard d'Israël".