PARIS: Création d'un «bureau des enquêtes criminelles cold cases» dans chaque cour d'appel, interdiction de détruire les scellés, formation des magistrats: un groupe de travail vient de faire 26 recommandations pour améliorer en France le traitement judiciaire des affaires non-résolues.
Mis sur pied en juillet 2019, ce groupe composé de quinze personnes - des magistrats, un avocat, un médecin-psychiatre, ainsi que des policiers et des gendarmes - a remis la semaine dernière à la Chancellerie un rapport d'une cinquantaine de pages, listant ses préconisations.
Contactée, le ministère de la Justice a confirmé avoir reçu le rapport et que ses recommandations étaient à l'étude, tout en précisant que certaines ne semblaient «pas pertinentes à ce stade».
Dans ce document le groupe de travail appelle à «créer une véritable "culture du cold case" au sein de l'institution judiciaire».
Constatant une «absence de coordination» entre les acteurs judiciaires locaux et régionaux, il souligne que le «cloisonnement et l'oubli sont les maux essentiels dont souffre l'institution judiciaire face à la plus grave des criminalités».
Le rapport recommande tout d'abord de recenser les dossiers anciens toujours en cours d'enquête ainsi que les dossiers clôturés non résolus, et de mettre en place un bureau des enquêtes criminelles cold cases dans chaque cour d'appel.
Magistrats spécialisés
Il propose aussi d'élaborer un site internet en accès libre recensant les affaires non élucidées, en y intégrant une rubrique consacrée aux disparitions d’enfants, et de sensibiliser le public sur les dossiers anciens grâce aux médias pour recueillir de nouveaux éléments de preuve.
Du côté de la conduite des enquêtes, le groupe de travail préconise de confier les investigations sur ces crimes à des magistrats spécialisés dans ces affaires qui relèveraient des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Créées en 2004, ces juridictions regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction et traitent pour l'heure des affaires de criminalité organisée et de délinquance financière présentant une grande complexité.
Certaines affaires pouvant mener à des investigations à l'étranger pourraient pour leur part être centralisées au niveau national.
Alors que certaines de ces affaires sont le fait de tueurs en série, le groupe de travail préconise de «créer un nouveau cadre d'enquête» permettant d'«investiguer sur le parcours de vie d'un criminel».
Le rapport appelle aussi à fixer à trente ans le délai de prescription pour l'ensemble des crimes de sang, contre vingt actuellement, de systématiser les recherches génétiques en parentalité ou encore d'interdire la destruction des scellés dans les affaires non résolues.
Sollicité, Me Didier Seban, qui a fait partie du groupe de travail, a estimé que si ces mesures étaient mises en œuvre, cela constituerait «une vraie avancée pour la résolution des cold cases» et répondrait «vraiment à ce qu'attendent les familles de victimes».
Au cours des travaux du groupe, l'avocat a toutefois émis une réserve sur une des mesures, plaidant pour la création d'un pôle à compétence nationale, et non régionale, permettant notamment d'enquêter sur les tueurs en série.