KABOUL: Les troupes étrangères seront expulsées d'Afghanistan par la force si les États-Unis ne respectent pas la date limite du 1er mai pour retirer leurs soldats restants, ont annoncé vendredi les talibans.
Cela fait suite à l’annonce du président américain Joe Biden selon laquelle il pourrait prolonger la présence militaire américaine dans le pays.
Des troupes étrangères dirigées par les États-Unis sont postées en Afghanistan depuis l'éviction des talibans du pouvoir en 2001. En vertu d'un accord signé par les États-Unis et les talibans au Qatar en février 2020, l'armée américaine devrait quitter complètement l'Afghanistan d'ici mai. Les États-Unis ont déjà retiré plusieurs milliers de leurs soldats, mais environ 2500 soldats sont toujours sur le sol afghan.
Biden a avoué jeudi que les troupes restantes pourraient demeurer en Afghanistan pour des «raisons tactiques» après la date fixée. Il a toutefois ajouté qu’il n’avait pas l’intention de garder les troupes en Afghanistan au-delà de l’année prochaine.
«Si quelqu'un viole l'accord de Doha et adopte la voie de la guerre, les Afghans ont une longue histoire de sacrifices pour la liberté de leur pays et peuvent expulser de force les troupes étrangères», a déclaré le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, à Arab News par téléphone.
«Personne ne devrait tester la volonté des Afghans à cet égard. . . et toutes les troupes étrangères doivent quitter l'Afghanistan à la date fixée, car les Afghans ont le droit de décider de leur pays. Quiconque veut prolonger les 20 ans de guerre subira plus de pertes financières et humaines », a-t-il averti, ajoutant que l'accord de Doha signé par le groupe avec la précédente administration américaine de Donald Trump était «la voie logique, rationnelle et équitable pour mettre fin à cette guerre et à cette tragédie en même temps».
L'annonce de Biden selon laquelle il pourrait être difficile pour les États-Unis de respecter la date fixée du 1er mai précède une conférence parrainée par les États-Unis sur le processus de paix afghan en Turquie où, dans les semaines à venir, des acteurs internationaux, les talibans et le gouvernement afghan, sont attendus pour négocier la formation d'une administration intérimaire en Afghanistan qui incorporera également des représentants des talibans - une idée contestée par le président Ashraf Ghani dont le deuxième mandat a débuté l'année dernière.
Ghani, dont le gouvernement a été écarté des pourparlers américano-talibans à Doha l'année dernière, a exigé que les troupes étrangères restent en Afghanistan pendant encore quelques années et que l'administration Biden devrait étudier à nouveau l'accord américain avec les talibans.
En réaction à l'annonce de Biden jeudi, le porte-parole de Ghani, Dawa Khan Menapal, a déclaré que les troupes étrangères devaient rester plus longtemps car les talibans n'avaient pas rempli leurs obligations en vertu de l'accord de Doha de réduire la violence dans le pays et de couper les liens avec les militants étrangers, notamment Al- Qaïda.
À la suite de l'accord de Doha, les talibans ont mis fin aux attaques contre les troupes étrangères, mais ont en même temps intensifié leurs attaques contre les forces de sécurité afghanes.
«Nous nous sommes opposés dès le départ au retrait précipité des troupes internationales d'Afghanistan. Nous sommes confrontés à une menace commune qui nécessite une campagne conjointe», a déclaré Menapal, à Arab News.
Malgré le fait que Biden a déclaré que le secrétaire d'État Antony Blinken rencontrera des alliés de l'OTAN pour décider de la manière de procéder au retrait de manière «sûre et ordonnée», on craint que le non-respect de la date fixée de mai puisse «mettre les talibans dans un dilemme et inciter certains commandants de terrain à reprendre les attaques contre les troupes étrangères», a déclaré à Arab News l’analyste politique et ancien journaliste installé à Kaboul, Taj Mohammad.
«Mon analyse est qu'il y aura plus d'effusion de sang, plus de violence, d'attaques et de contre-attaques», a-t-il ajouté.
D'autres analystes croient que l'extension de la présence militaire étrangère viserait à forcer Ghani et les talibans à parvenir à un compromis en Turquie.
«L'extension est un autre soutien vital pour la réussite d'un accord politique pour l'Afghanistan. Cette extension a des aspects multidimensionnels d'une manière différente pour presque toutes les parties prenantes», a expliqué l'analyste et ancien journaliste Zabihullah Pakteen.
L'ancien conseiller du gouvernement, Torek Farhadi, a déclaré que le report du retrait et la réunion en Turquie sont inévitablement la dernière chance d'empêcher une nouvelle guerre civile en Afghanistan.
«Les Européens, préoccupés par une vague de réfugiés d'Afghanistan en cas de nouvelle guerre civile, se sont efforcés de convaincre les Américains de rester et de maintenir le statu quo», a-t-il déclaré à Arab News. Il a ajouté que les États Unis voulaient coûte que coûte se retirer d'Afghanistan car ils étaient déjà frustré par Ghani à cause de la corruption endémique à Kaboul ainsi que de la montée des tensions ethniques.
«L'Amérique était épuisée. Après un investissement 1000 milliards de dollars, elle est maintenant prête à jeter l'éponge et à décider de partir, mettant fin à sa plus longue guerre à l'occasion du 20e anniversaire », a souligné Farhadi.
Si les États-Unis décident de partir, a ajouté Farhadi, lors de la conférence en Turquie et d'autres réunions qui suivront, le dossier afghan perdra son caractère militaire international et deviendra «une simple question de paix interne lors d’un conflit».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com