L'UE place la Turquie sous surveillance après des dérives autoritaires

Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, s'adresse à ses partisans lors d'une réunion politique de son parti au pouvoir, l'AKP, à Ankara, le 24 mars 2021. (Adem ALTAN / AFP)
Le président turc et chef du Parti de la justice et du développement (AKP), Recep Tayyip Erdogan, s'adresse à ses partisans lors d'une réunion politique de son parti au pouvoir, l'AKP, à Ankara, le 24 mars 2021. (Adem ALTAN / AFP)
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Publié le Jeudi 25 mars 2021

L'UE place la Turquie sous surveillance après des dérives autoritaires

  • En raison d'une nouvelle vague de contaminations par le Covid-19, la réunion de jeudi et vendredi est prévue en visioconférence, une formule qui ne permet pas les débats
  • La Turquie est d'une "importance stratégique" pour les Européens, a pour sa part affirmé Angela Merkel

BRUXELLES : L'Union européenne va décider jeudi de placer Ankara sous surveillance jusqu'au mois de juin pour marquer sa désapprobation face à la détérioration des droits et des libertés en Turquie malgré les promesses du président Recep Tayyip Erdogan.

Les Européens souhaitent normaliser les relations avec la Turquie après une année de tensions. Mais ils vont opter pour une démarche "progressive, conditionnelle et réversible", a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel dans sa lettre d'invitation au sommet européen.

"Nous avons assisté à des développements positifs de la part de la Turquie, mais la situation reste fragile", a expliqué jeudi le chef de la diplomatie Josep Borrell, venu présenter au sommet un rapport et des options d'actions.

"Ce ne seront pas des discussions faciles, mais j'espère que nous parviendrons à un résultat", a déclaré jeudi la chancelière Angela Merkel devant les députés du Bundestag.

En raison d'une nouvelle vague de contaminations par la Covid-19, la réunion de jeudi et vendredi est prévue en visioconférence, une formule qui ne permet pas les débats.

La discussion sur la Russie a pour cette raison été annulée et transformée "en point d'information" par Charles Michel sur son entretien avec le président Vladimir Poutine, qui a dénoncé la position "conflictuelle" de l'UE à l'égard de Moscou.

Et, pour le même motif, les décisions vis-à-vis de la Turquie ont été différées au mois de juin, a expliqué un diplomate européen. 

La participation du président américain au sommet devrait cependant permettre de délivrer un message commun de fermeté à l'adresse du président turc. Joe Biden se connectera à 20H45 (19H45 GMT), a précisé le porte-parole de Charles Michel.

"Signal très regrettable" 

"Ce n'est un secret pour personne que nous avons des différends avec la Turquie", a affirmé le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken lors de ses entretiens mardi et mercredi à l'Otan.

Mais les Américains comme les Européens refusent de couper les ponts avec Ankara. "La Turquie est un allié de longue date et apprécié, que nous avons un grand intérêt à garder ancré à l'Otan", a rappelé Antony Blinken.

La Turquie est d'une "importance stratégique" pour les Européens, a pour sa part affirmé Angela Merkel. 

Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a résumé la position européenne en insistant sur "l'importance d'éviter les initiatives qui divisent et la nécessité de respecter les droits de l'homme".

La décision du président turc de quitter la convention d'Istanbul contre les violences sexistes, au lendemain d'un entretien avec Charles Michel et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, a été vécue comme un camouflet.

Angela Merkel a déploré "un signal très, très regrettable".

Les Européens ne font pas confiance au président turc, car il ne respecte pas ses engagements, et ils voient beaucoup d'opportunisme dans sa volonté affichée d'apaisement, soulignent des diplomates.

"Nous observons une absence de signaux négatifs depuis le début de l'année, mais personne n'est naïf, car plusieurs facteurs expliquent ce comportement: le changement de président aux Etats-Unis, la fragilité de l'économie turque et les conséquences des possibles sanctions européennes", a expliqué un diplomate européen à l'AFP.

Les échanges acrimonieux ont repris mercredi entre Ankara et Paris après l'accusation de tentatives d'ingérence de la Turquie dans la prochaine élection présidentielle en France lancée par le président Emmanuel Macron.

Le projet de déclarations pour le sommet a été discuté jusqu'au dernier moment pour trouver un consensus, car Chypre et la Grèce ont jugé qu'il comportait "beaucoup trop de carottes et pas assez de bâton", a raconté un diplomate.

Il risque de décevoir le président Erdogan, qui a dit "attendre des résultats concrets" en réponse à son souhait de normalisation des relations avec l'UE.

"Une vigilance accrue va être observée pendant les prochains mois afin de déterminer en juin si les conditions sont réunies pour renouer", a expliqué le diplomate.

"Si un recul est constaté, l'UE saura défendre ses intérêts. Les instruments sont prêts", a-t-il assuré. Le rapport préparé par Josep Borrell cite plusieurs options, dont des sanctions pour le secteur du tourisme.


Au Liban, la plupart des sites militaires du Hezbollah ont été cédés à l'armée dans le sud du pays

L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
L'armée libanaise est entrée mercredi dans la ville de Hawsh Al-Sayyid Ali, à la frontière orientale du Liban avec la Syrie. (X/@mdbarakat)
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  • « Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.
  • Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

BEYROUTH : Selon une source proche du mouvement pro-iranien, l'AFP a appris samedi que la plupart des sites militaires du Hezbollah dans le sud du Liban avaient été placés sous le contrôle de l'armée libanaise.

« Sur les 265 positions militaires du Hezbollah identifiées au sud du fleuve Litani, le mouvement en a cédé environ 190 à l'armée », a indiqué la source, qui a requis l'anonymat.

Dimanche, une émissaire américaine en visite à Beyrouth a exhorté les autorités libanaises à accélérer le désarmement du Hezbollah.

« Nous continuons d'exhorter le gouvernement à aller jusqu'au bout pour mettre fin aux hostilités, ce qui inclut le désarmement du Hezbollah et de toutes les milices », a déclaré Morgan Ortagus sur la chaîne locale LBCI. 

Le président libanais, Joseph Aoun, dont l'élection a été permise par l'affaiblissement du Hezbollah, a affirmé lundi que la question devait être résolue « par le dialogue », car le « Hezbollah est une composante libanaise ».

« Nous allons bientôt élaborer une stratégie de défense nationale dans ce cadre », a-t-il ajouté.

Le Hezbollah est le seul groupe libanais à avoir conservé ses armes après la fin de la guerre civile en 1990, au nom de la « résistance » contre Israël.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban pour soutenir son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2006 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée. La guerre a fait plus de 4 000 morts.

Israël, qui a maintenu sa présence militaire au Liban dans cinq points « stratégiques » le long de la frontière, continue de mener régulièrement des frappes au Liban, disant viser des infrastructures et des membres du Hezbollah.


Gaza : une délégation du Hamas est attendue au Caire samedi pour discuter d'une trêve

Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
Des Palestiniens prient pour l'Aïd Al-Adha près des ruines de la mosquée Al-Al Rahma détruite par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 juin 2024. Le Hamas a déclaré qu'il était prêt à conclure un accord global pour la paix à Gaza. (Reuters)
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  • « Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat.
  • « Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

LE CAIRE : Une délégation du Hamas est attendue samedi au Caire pour des discussions avec les médiateurs égyptiens en vue d'une nouvelle trêve dans la bande de Gaza, a indiqué à l'AFP un responsable du mouvement islamiste palestinien.

« Nous espérons que cette rencontre permettra d'avancer concrètement vers un accord mettant fin à la guerre et à l'agression, et garantissant le retrait complet des forces d'occupation de la bande de Gaza », a déclaré ce responsable sous couvert d'anonymat, en référence à Israël.

Selon lui, le Hamas n'a reçu aucune nouvelle offre de trêve, malgré des informations de médias israéliens rapportant que l'Égypte et Israël avaient échangé des projets de documents portant sur un accord de cessez-le-feu et de libération d'otages.

« Mais les contacts et les discussions avec les médiateurs sont en cours », a-t-il affirmé.

La délégation est conduite par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas, a-t-il précisé.

Selon le Times of Israel, la proposition égyptienne prévoirait le retour en Israël de 16 otages, huit vivants et huit morts, en échange d'une trêve de 40 à 70 jours ainsi que de la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens.


Reconnaissance de l'État palestinien : de nombreuses conditions à réunir pour que la France agisse

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique » (Photo AFP)
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  • - Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 
  • Il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

PARIS : Toute reconnaissance de l'État palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution des deux États avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.

Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ». Les obstacles sont de taille.

- Le projet du président français : « Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et en sécurité, l'un et l'autre reconnus par leurs voisins », a résumé Emmanuel Macron. 

L'an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas un tabou, à condition que ce geste symbolique soit « utile ».

Mercredi, il a dévoilé le projet d'une telle reconnaissance par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l'État d'Israël par les pays avoisinants.

La conférence pour les deux États, prévue en juin à New York sous l'égide de la France et de l'Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit. 

Des frontières à définir 

« Les attributs juridico-politiques de l'État palestinien en question n'existent pas aujourd'hui. C'est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.

« Pour qu'un État palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd'hui le gouvernement israélien accepter d'entamer un processus de décolonisation, de mettre un terme à l'occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et de demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il. 

Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas, qui a perpétré les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et provoqué les représailles meurtrières de l'armée israélienne à Gaza.

Israël a fait de l'éradication du groupe sa priorité. 

Démilitarisation du Hamas et exfiltration

Quoiqu'affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d'un arsenal lui permettant de « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et de réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza », observe-t-il.

S'agissant de l'exfiltration de certains cadres du Hamas, la question est complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer et vers quelle destination, en plus du Qatar et de la Turquie ? Des interrogations  qui restent sans réponse actuellement. 

Revitaliser l'Autorité Palestinienne

« Les Israéliens doivent être convaincus que le Hamas va être désarmé, qu'il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l'Autorité palestinienne va réellement se réformer », a expliqué à l'AFP une source diplomatique française.

Cela passe par le renforcement de la légitimité de l'Autorité palestinienne, alors que la popularité du Hamas augmente au sein de la population. 

Normalisation avec Israël

Selon Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l'Université de Genève, il faut un changement de personnel politique en son sein pour qu'une Autorité palestinienne revitalisée soit en mesure d'assurer une gouvernance crédible dans la bande de Gaza. Or, ses dirigeants ne manifestent aucun désir de passer la main, ce qui permet à Israël d'entretenir l'idée qu'ils n'ont pas d'interlocuteur crédible.

La source diplomatique rappelle que la normalisation est un processus et pas un acte isolé. Elle souligne que ce processus peut se faire progressivement et que d'autres pays peuvent participer. Cependant, la France est réaliste et ne s'attend pas à un règlement immédiat du conflit israélo-palestinien.