STRASBOURG: La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a annoncé lundi avoir saisi sa formation suprême, la Grande chambre, de deux affaires portant sur le rapatriement de Françaises parties rejoindre le groupe Etat islamique en Syrie où elles sont détenues avec leurs enfants.
La Grande chambre, dont les décisions sont définitives et qui juge les affaires les plus importantes, « tiendra une audience au cours des prochains mois » et rendra sa décision « quelques mois plus tard » encore, a indiqué le service de presse de la CEDH.
Dans les deux affaires qui lui sont soumises, les requérants sont les parents de Françaises parties avec leurs compagnons en Syrie où elles ont eu des enfants, précise la CEDH.
Dans les deux cas, le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait rejeté les demandes des requérants d'enjoindre au ministère français des Affaires étrangères d'organiser le rapatriement de leurs filles et de leurs petits-enfants.
Ces décisions avaient été confirmées en dernier ressort par le Conseil d'Etat, la juridiction administrative suprême en France, en avril 2019 et septembre 2020.
Les mères et leurs enfants sont désormais détenues dans le camp de réfugiés d'Al-Hol (nord-est de la Syrie) qui rassemble des membres de familles de jihadistes et est administré par les Forces démocratiques syriennes (FDS), conduites par les Kurdes.
L'une des jeunes femmes a quitté la France le 1er juillet 2014 avec son compagnon décédé en février 2018. Ils ont eu deux enfants, nés en Syrie le 14 décembre 2014 et le 24 février 2016, toujours selon la CEDH.
Devant la justice française, ses parents ont fait valoir que leur fille et leurs petits-enfants « étaient exposés à des traitements inhumains et dégradants et à une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie », précise la Cour.
Dans le second cas, la jeune femme a quitté la France début juillet 2015 avec son compagnon pour l'Irak, avant de rejoindre la Syrie où elle a donné naissance à un enfant le 28 janvier 2019.
Devant la CEDH, qui a décidé de traiter ces affaires « en priorité », les requérants invoquent entre autres les dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme sur l'« interdiction des traitements inhumains ou dégradants ».
Ils font également valoir que le refus de rapatriement est contraire à l'un des protocoles additionnels de la Convention qui stipule que « nul ne peut être privé du droit d’entrée sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant ».
Cinq Etats, ajoute la CEDH, ont demandé à intervenir dans la procédure : la Norvège, le Danemark, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique.
Ce droit a également été accordé à plusieurs organisations dont deux rapporteurs spéciaux des Nations Unies et, pour la France, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme et le Défenseur des Droits.
Quelque 80 Françaises et 200 enfants sont détenus dans des camps du nord-est syrien. Leur éventuel retour en France inquiète dans l'opinion, mais leurs proches et avocats soulignent que seule la France pourra les juger équitablement et qu'on ne peut les laisser dans ces conditions précaires et une région qui reste très instable.
Paris a jusqu'ici rapatrié des enfants au cas par cas (35, majoritairement des orphelins) mais estime que les adultes devraient être jugés sur place.