KABOUL: Cela fait trois ans que Jamila Khoshbo a commencé à cultiver une variété de champignon à l’intérieur d’une partie de sa petite maison dans le quartier de Dasht-e-Barchi au sud-est de Kaboul.
La mère afghane de 48 ans, mère de quatre enfants, a révélé qu'elle avait appris à cultiver les champignons grâce à la radio locale et « elle a décidé de l'essayer car cela nécessite beaucoup moins d'espace, d'eau et d'argent pour pousser ».
« Je fais ce métier depuis 2019. Tout ce dont vous avez besoin est un espace de quatre mètres sur cinq et de la paille de blé propre avec du chlore. Gardez les champignons verticalement dans des sacs en plastique sur des poteaux dans des conditions humides pendant plusieurs semaines et ils seront prêts à être consommés ou vendus », a déclaré Khoshbo à Arab News.
Aujourd'hui, elle gagne près de 200 $ par mois, plus que le salaire d'un employé du gouvernement, en vendant sa production aux épiciers de la région.
Khoshbo fait partie d'un nombre croissant de femmes sans terre qui cultivent des champignons hautement nutritifs dans leurs cuisines ou leurs arrière-cours plutôt que de travailler dans le secteur agricole dominé surtout par les hommes.
Depuis l’éviction des talibans en 2001, les femmes afghanes ont retrouvé le droit à l’éducation, au vote et au travail hors de chez elles.
Pourtant, ce n'est pas un endroit facile pour être une femme, avec les mariages forcés, la violence conjugale et la mortalité maternelle qui sont très courants dans tout le pays, en particulier dans les zones rurales.
Néanmoins, l'accès à la vie publique s'est amélioré, en particulier dans la capitale Kaboul, où la plupart des femmes travaillent, et plus d'un quart du parlement est composé de femmes.
De plus, avec la sécheresse et une grave pénurie d'eau affectant plusieurs régions de cette nation en grande partie agricole, la culture des champignons a offert un nouveau souffle aux agriculteurs traditionnels qui préfèrent cultiver les champignons plutôt que d'autres fruits et légumes car ils sont bon marché et demandent « peu d'entretien ».
« Les champignons ont besoin d’une petite quantité d’eau et c'est une très bonne et propre entreprise, à petite échelle, qui nécessite deux à trois personnes pour fonctionner », a expliqué Rasool Rezaie, un habitant de 28 ans de la province de Ghazni dans le centre de l'Afghanistan, à Arab News.
Rezaie a appris à cultiver des champignons lors d'un séjour en Russie en 2012, pendant qu'il s'était installé là-bas, afin de fuir l'insécurité et le chômage qui sévissent en Afghanistan.
Il est retourné dans son pays natal en 2016 et a commencé à vendre des ordinateurs. Mais « les affaires n'étaient pas bonnes du tout », a-t-il confié.
Il y a deux ans, il a créé sa propre « champignonnière » à Kaboul.
« Je passais un jour devant le ministère de l'Agriculture et j'ai vu un fonctionnaire enseigner à un groupe de personnes comment faire pousser des champignons. Soudain, je me suis souvenu de mon expérience en Russie et j’ai créé cette entreprise », a déclaré Rezaie à Arab News.
Sa ferme initiale était petite et produisait 50 kg de champignons, mais il a élargi l'entreprise à des « salles plus grandes » et cultive maintenant près de 1 000 kg, gagnant 500 $ par mois.
Le flux de trésorerie est important pour Rezaie, qui est le seul responsable de subvenir aux besoin de sa famille ainsi que ses frères et ses sœurs après le décès de leurs parents.
« Je vends mes champignons sur le marché local et j'enseigne aussi aux nouveaux agriculteurs », a-t-il signalé, donnant un exemple typique de l'agriculture domestique participative en utilisant des ressources limitées.
«C’est facile à apprendre. J'explique le processus aux clients intéressés, je discute du type d'outils dont ils ont besoin et comment préserver les bourgeons à une certaine température, etc. Si quelqu'un d'autre peut profiter de la culture des champignons, pourquoi pas? » il a souligné.
Les responsables sont d'accord, avec Mohammad Aman Aman, chef du département des forêts du ministère de l'Agriculture, pour dire à Arab News que les « conditions climatiques » de l'Afghanistan sont parfaitement idéales pour la culture des champignons.
«La culture des champignons est très efficace dans ce pays car ils n'ont pas besoin de beaucoup de terre ou d'eau. Nous avons fait des propositions au palais présidentiel pour promouvoir la production des champignons », a-t-il ajouté.
Aman a déclaré que si la variété de champignons est le choix le plus populaire parmi les agriculteurs, des plans sont également en place pour cultiver aussi des truffes et des morilles qui sont les assortiments les plus chers.
« Nous exportons une petite quantité de truffes produites ici envers l’Inde. Donc, notre effort est de promouvoir l'idée de sa culture parce qu'elle est beaucoup plus avantageuse financièrement », a-t-il expliqué.
Les Afghans consomment depuis des générations des champignons sauvages, qui poussent dans les régions montagneuses du nord et du nord-est du pays au printemps.
Le condiment traditionnel est ajouté aux soupes et à la qorma – un plat à base de viande infusé d'herbes, d'épices et de fruits secs - mais il est de plus en plus recherché par les pizzérias.
Ces dernières années, la consommation de champignons a augmenté dans les zones urbaines et rurales, selon les commerçants.
« Nous l'achetons aux agriculteurs pour moins de 2 $ le kilo et le vendons parfois le double. Les affaires vont bien ici », a déclaré à Arab News, Rasool Dad, un marchand ambulant à Kaboul.
Rezaie a soutenu qu’il espérait que le nouvel amour des Afghans pour les champignons pourrait également être un catalyseur de changement dans d’autres domaines, comme la modification de l’image du pays en tant que producteur mondial d’opium.
Selon les estimations de l'ONU, près de 16 3000 hectares de terres ont été utilisés pour la culture d’opium en 2019.
«Si nous pouvons produire de la truffe et des morilles en grandes quantités, alors les agriculteurs abandonneront progressivement la culture d’opium ici parce que ces deux variétés sont très chères à l'étranger», a-t-il dévoilé.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com