ISTANBUL / PARIS : La Turquie s'est retirée du premier instrument contraignant au monde pour prévenir et combattre la violence contre les femmes, selon un décret présidentiel publié vendredi qui a aussitôt suscité les critiques du principal parti d'opposition.
La Convention d'Istanbul de 2011 oblige les gouvernements à adopter une législation réprimant la violence domestique et les abus similaires, y compris le viol conjugal et la mutilation génitale féminine.
Les conservateurs ont affirmé que la charte nuit à l'unité familiale, encourage le divorce et que ses références à l'égalité étaient utilisées par la communauté LGBT pour être mieux acceptée dans la société.
La Turquie avait débattu d'un éventuel retrait de cette Convention après qu'un responsable du parti au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan eut soulevé la question de l'abandon du traité l'année dernière.
Depuis lors, des femmes sont descendues dans les rues d'Istanbul et d'autres villes, appelant le gouvernement à s'en tenir à la Convention.
PARIS «SOLIDAIRE» DES FEMMES TURQUES
La France a déploré la décision de la Turquie de sortir de la Convention d'Istanbul contre les violences sexistes, jugeant que cela allait « affecter les femmes turques ».
« La France regrette profondément la décision des autorités turques de se retirer de la Convention d’Istanbul du Conseil de l'Europe, alors que la Turquie avait été le premier pays à la ratifier en 2011 », a déclaré la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
« Cette décision va en premier lieu affecter les femmes turques, auxquelles la France exprime toute sa solidarité », a ajouté Agnès von der Mühll.
« Cette décision marque plus généralement une nouvelle régression en matière de respect des droits de l'Homme, dont les droits des femmes font partie intégrante », a-t-elle souligné.
Le principal parti d'opposition CHP a critiqué cette décision.
Gokce Gokcen, vice-présidente du CHP chargée des droits humains, a tweeté que l'abandon de cette Convention signifiait « laisser les femmes être tuées ».
« Malgré vous et votre malfaisance, nous allons rester en vie et faire ressusciter la Convention », a-t-elle écrit sur Twitter.
La Constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront la « garantie des droits des femmes », a assuré Zehra Zumrut Selcuk, ministre de la Famille, du Travail et des Services sociaux, selon l'agence de presse officielle Anadolu.
« Nous allons poursuivre notre lutte contre la violence avec pour principe zéro tolérance » pour la violence, a-t-elle ajouté.
La violence domestique et le féminicide restent un problème grave en Turquie.