JÉRUSALEM : Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et ses rivaux tentent vendredi de rallier les dernières voix au terme d'une course électorale dominée par une intense campagne de vaccination anti-Covid et marquée par une vive compétition pour le monopole de la "vraie" droite.
Ces quatrièmes élections législatives en moins de deux ans, prévues mardi 23 mars, ont sans doute été les plus étranges en Israël.
Malgré le déconfinement amorcé à la faveur de la plus intense campagne de vaccination au monde, qui a permis d'inoculer deux doses de vaccins à près de 50% de la population dont environ le deux tiers des électeurs, les règles sanitaires n'ont pu permettre la tenue de vastes "meetings" électoraux.
Les candidats ont fait campagne dans des événements par visioconférence, sur les réseaux sociaux, sur les radios locales, et ont limité l'accès à la presse pour de rares rencontres avec des électeurs dans cette élection en mode Covid et vaccination.
Après les dernières élections, M. Netanyahu avait tenté en vain de former des gouvernements de droite stable, en multipliant les promesses d'annexion par Israël de pans de la Cisjordanie occupée par Israël, un enjeu clé pour une grande partie de l'électorat de droite.
Quatrième scrutin en moins de deux ans
Les Israéliens sont de nouveau appelés à voter le 23 mars. Cette fois, l'hypothèse d'un coude-à-coude entre MM. Netanyahu et Gantz est hautement improbable, le centriste ayant dégringolé dans les sondages. De nombreux partisans ne lui ont pas pardonné l'alliance avec M. Netanyahu, considérée comme une "trahison".
Pour ce scrutin, le Premier ministre sortant n'a pas un opposant mais trois: le centriste Yaïr Lapid, le conservateur Gideon Saar et le chantre de la droite radicale Naftali Bennett.
Le biopouvoir
Mais cette fois-ci, "Pfizer a pris la place de l'annexion", résume l'analyste politique israélienne Dahlia Scheindlin, soulignant ainsi l'emphase mise par le Premier ministre sur la vaste campagne de vaccination anti-Covid lancée dès décembre à la faveur d'un accord avec le géant pharmaceutique américain.
Israël a obtenu un approvisionnement rapide en vaccins Pfizer/BioNtech en échange de données biomédicales sur l'effet de la vaccination sur sa population, qui a d'ailleurs permis de prouver son efficacité à grande échelle, selon des études publiées ces dernières semaines.
"Nous sommes les premiers au monde (à sortir progressivement de la pandémie), nous émergeons victorieux", a lancé cette semaine M. Netanyahu se disant le plus à même de diriger une possible reprise économique post-Covid.
Mais le vaccin immunise-t-il Benjamin Netanyahu contre une défaite? Les sondages créditent son parti, le Likoud, de 27 à 30 sièges, sur les 120 de la Knesset (Parlement), en première place face à ses adversaires mais à court de quelques voix pour franchir avec ses alliés le seuil de la majorité (61 députés) requis pour pouvoir former un gouvernement.
Au pouvoir sans discontinuer depuis 12 ans, M. Netanyahu est aussi accusé par la justice de corruption et de malversation dans une série d'affaires, ce qui alimente une contestation populaire contre lui et même une fronde au sein de son parti.
"Le vaccin l'aide mais est-ce que ce sera suffisant?", s'interroge Gideon Rahat, professeur de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem. "Le vaccin reste clairement sa carte électorale, il parle des vaccins tous les jours, il veut que les gens en parlent. Pour lui, c'est 'vaccins, vaccins, vaccins' au point où on en arrive presque à penser qu'il a lui-même vacciné la population", dit-il.
Un système de scrutin à la proportionnelle
Le système de scrutin à la proportionnelle intégrale augmente les chances des petits partis de siéger à la Knesset, Parlement de 120 sièges, et favorise ainsi la pluralité de la représentation politique.
Le nombre de sièges de chaque liste électorale dépend du pourcentage de votes récoltés. Un parti doit toutefois recueillir au moins 3,25 % des voix pour entrer à la Knesset, ce qui correspond à quatre sièges (3,25% de 120 = 4).
Exemple: si un parti gagne environ 6,5 % des voix, les huit premiers candidats de sa liste obtiennent un siège.
Guerre à droite
Lors des trois dernières campagnes électorales, Benjamin Netanyahu affrontait principalement le même rival: l'ancien chef de l'armée et centriste Benny Gantz. Après trois duels sans vainqueur, les deux hommes ont formé un gouvernement d'union au printemps qui a volé à l'éclat au début de l'hiver.
Et l'étoile politique de Benny Gantz s'est étiolée. Aujourd'hui, M. Netanyahu affronte le chef de l'opposition centriste Yaïr Lapid, et deux candidats à droite: Gideon Saar, un ex-Likoud ayant formé le parti "Nouvel espoir", et le ténor de la droite radicale Naftali Bennett.
"Netanyahu est vraiment bon pour mener des campagnes négatives contre un candidat, mais avoir devant lui plusieurs candidats rend la chose beaucoup plus difficile", ajoute M. Rahat.
Actuellement, ni les partis pro-Netanyahu (Likoud + partis religieux) ni les partis anti-Netanyahu (gauche, centre, une partie de la droite) n'arriveraient à obtenir assez d'appuis pour former un gouvernement, ce qui place Naftali Bennett (qui ne s'est pas positionné) dans le rôle de "faiseur de roi".
"Nous sommes la vraie droite", a martelé jeudi soir M. Netanyahu à l'égard des électeurs de Bennett, affirmant qu'il ne laisserait pas à ce dernier le poste de Premier ministre dans une éventuelle rotation à la tête du gouvernement.
"Quiconque cherche à renvoyer chez lui le gouvernement le plus corrompu au monde (...) vote Bennett", a rétorqué le principal intéressé, alors que des milliers d'Israéliens sont attendus samedi soir à Jérusalem pour une dernière manifestation anti-Netanyahu avant les élections de mardi.