TEHERAN: Téhéran a publié mercredi son rapport final sur la catastrophe du Boeing ukrainien abattu le 8 janvier 2020, qui blanchit la chaîne de commandement militaire et a été immédiatement rejeté par Kiev et Ottawa.
L'Ukraine a dénoncé une «tentative cynique de cacher les vraies causes» du drame tandis que le Canada, qui a perdu 85 citoyens et résidents permanents, a fustigé un rapport qui «semble incomplet et ne contient ni faits ni preuves tangibles».
Les 176 personnes à bord du vol PS-752 Téhéran-Kiev de la compagnie aérienne Ukraine International Airlines (UIA) - en majorité des Iraniens et des Canadiens, pour beaucoup binationaux - ont péri dans ce drame pour lequel le Canada et l'Ukraine ne cessent de demander des comptes à Téhéran.
A l'issue d'un rapport en anglais de plus de 145 pages, l'Organisation de l'aviation civile iranienne (CAO) consacre deux paragraphes aux «causes de l'accident et (aux) facteurs y ayant contribué».
Le premier indique ce qui est déjà connu, à savoir que deux missiles tirés «par la défense aérienne» ont provoqué «l'écrasement de l'avion et son explosion immédiate au sol».
«Les mesures de prévention et les autres strates de protection dans le système de gestion des risques se sont avérées inefficaces à cause d'une erreur non prévue dans l'identification des menaces et au bout du compte elles ne sont pas parvenues à assurer la sécurité du vol contre les menaces causées par l'état d'alerte des forces de défense», indique le second paragraphe, sur «les autres facteurs» déterminants.
Cette nuit-là, les défenses aériennes de l'Iran étaient en état d'alerte maximale par crainte d'une attaque américaine.
L'Iran venait d'attaquer une base utilisée par l'armée américaine en Irak en riposte à l'élimination cinq jours plus tôt, dans une frappe américaine à Bagdad, du général Qassem Soleimani, artisan de la stratégie régionale de l'Iran, et s'attendait à une réplique de Washington.
En juillet 2020, dans un rapport d'étape, la CAO avait jugé que l’«élément clef» à l'origine du drame du Boeing ukrainien était une «erreur humaine», le mauvais réglage d'un radar militaire, ayant été suivi d'autres dysfonctionnements.
La tragédie a suscité une forte réprobation en Iran, surtout après qu'il eut fallu trois jours pour que les forces armées reconnaissent avoir abattu l'avion «par erreur».
Réagissant à la publication du rapport final de la CAO, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, a déploré que Téhéran n'ait pas tenu compte des «plus de 90 pages de remarques et suggestions» envoyées par l'Ukraine, qui a perdu onze ressortissants dans le drame.
«Ce que nous voyons publié aujourd'hui n'est qu'une tentative cynique de cacher les vraies causes de l'abattage de notre avion de ligne», a-t-il dit.
«Le rapport ne tente pas de répondre aux questions critiques concernant ce qui s'est vraiment passé», ont abondé à Ottawa le ministre canadien des Affaires étrangères, Marc Garneau et son homologue des Transports Omar Alghabra.
«Nous demeurons profondément préoccupés par le manque d'informations et de preuves convaincantes, malgré la publication de ce rapport d'enquête», soulignent-ils, rappelant que 138 des 176 victimes avaient des liens avec le Canada.
Ottawa indique que le gouvernement canadien publiera «bientôt» les résultats de sa propre enquête sur ce drame.
«Après un examen préliminaire du rapport d'enquête, il est évident que nous n'avons toujours pas de réponses quant aux raisons pour lesquelles l'Iran n'a pas mis en place les mesures nécessaires, telle qu'une fermeture complète de son espace aérien, pour éviter une telle tragédie», concluent les deux ministres.