CALAIS : « On a annulé nos vacances et on rentre à la maison ! »: au port de Calais, les files de véhicules continuaient de gonfler vendredi soir, mais sans créer de perturbation majeure, après la décision de Londres d'imposer une quarantaine, liée à l'épidémie de Covid, à toute personne venant de France.
Elle s’appliquera dès samedi à 4H00 (3H00 GMT), laissant juste quelques heures aux voyageurs pour revoir leurs plans et s’arracher les derniers billets disponibles pour éviter l’isolement.
Les files d'attente pour embarquer sur les ferrys étaient pleines, débordant légèrement sur la rocade menant au premier port français pour le trafic passager, mais sans provoquer de bouchons sur les autoroutes alentours.
Environ 300 véhicules, dont beaucoup de caravanes, de camping-cars ou de voitures avec galeries ou porte-vélos attendaient de passer les portiques d'enregistrement avant d'embarquer.
« D'habitude, en temps de Covid, nous assurons 1.700 passagers jour, soit le tiers du trafic hors Covid. Depuis ce matin et l'annonce de la décision, nous avons pratiquement doublé ce chiffre », a déclaré la direction du port. Il est impossible de se présenter à l'embarquement sans réservation.
« C'est un peu comme si on recommençait l'opération dynamo de mai 1940 avec notre retour précipité at home... », sourit avec flegme Ken, voyageur londonien qui se présente au volant de sa voiture avec sa femme et ses trois enfants, billet en main pour embarquer à bord d'un ferry de la compagnie DFDS. « On avait prévu de rentrer avant le rush du 15 août... On ne le regrette pas », ironise-t-il, conscient d'être passé entre les gouttes.
Paul Trower, retraité britannique, a pu trouver son sésame : « quand je me suis levé ce matin vers 6h00, j’ai regardé mon téléphone et tout le monde m’écrivait que nous allions être en quarantaine, donc on a regardé et réservé un ferry, annulé nos vacances et on rentre à la maison pour éviter cela, parce que ma femme travaille et que je dois m’occuper de ma petite fille ».
Plus de passagers par ferry
Fermées en raison de l'épidémie, les salles d'embarquement des compagnies ont rouvert exceptionnellement. Pas pour la vente aux guichets - seules marchent les réservations par internet - mais pour informer les passagers et gérer les flux, une tâche assurée par le personnel du port, chasuble orange sur le dos. Les compagnies ont augmenté les capacités des ferrys, passant de 500 à 750 passagers chez DFDS et de 900 à 1.200 chez P&O.
La nouvelle de cette quarantaine imposée par Londres suscite aussi la surprise : « je crois que c’est très soudain, je pense que cela aurait pu être un peu plus graduel, en étant prévenu plus à l’avance », relève Tony Samson, un ingénieur britannique.
Elle nourrit aussi les doutes : « Cela en vaut-il vraiment la peine ? Cela va-t-il vraiment nous prévenir de ce genre de virus cycliques ? Je ne crois pas personnellement, cela va juste provoquer beaucoup de dommages. Une quarantaine de deux semaines c’est une grosse atteinte aux libertés non ? », s'inquiète Louis Katson, manager britannique.
« On sait que le nombre de nouveaux cas augmente en France, mais il augmente partout ! J'ai dû tout annuler pour venir ici », abonde Igor Ivanickig, un Britannique, devant un magasin de vins et spiritueux à proximité du terminal ferry.
Près de la gare TGV de Calais-Fréthun, le gérant d'un autre magasin du même type, Olivier Versmisse, se désole lui aussi : « c'est une très mauvaise nouvelle. Les Anglais ne sont de retour que depuis quelques mois. On sentait qu’ils avaient besoin et envie de revenir sur le continent pour les vacances, pour faire plein de choses qu’ils avaient l’habitude de faire. Là, malheureusement, les gens ne vont plus venir. On a déjà des annulations de commandes... »
La France affichait jeudi 2.669 nouvelles contaminations au virus -son plus haut bilan journalier depuis mai-, quand le Royaume-Uni en dénombrait 1.441 vendredi, un record pour ces deux derniers mois.
L’Elysée a averti que la décision britannique entraînerait "une mesure de réciprocité", affectant potentiellement les résidents en France actuellement sur le sol britannique.