TRIPOLI : Le président tunisien Kais Saied a effectué mercredi une visite inédite en Libye depuis près d'une décennie pour un chef de l'Etat tunisien et qui témoigne de l'éclaircie politique dans ce pays voisin en proie au chaos.
Selon des images diffusées par la présidence tunisienne, M. Saied est rentré à Tunis en fin d'après-midi à l'issue de cette courte visite destinée à soutenir la transition dans ce pays voisin et à renforcer la coopération avec un partenaire économique de choix.
A Tripoli, capitale libyenne, M. Saied s'est entretenu dans journée avec le président du Conseil présidentiel Mohamed al-Manfi, puis avec le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, qui a prêté serment lundi à la tête d'un gouvernement de transition issu d'un processus onusien.
Les deux dirigeants libyens ont salué une «visite historique». Et, alors que la Libye est un partenaire économique et sécuritaire crucial pour la Tunisie, M. Saied a lui insisté sur sa volonté de «faire renaître et développer» les accords bilatéraux.
Selon la présidence tunisienne, les deux parties ont ainsi «convenu de donner un nouvel élan aux échanges commerciaux» avec «un plan d'action» pour renforcer les investissements en «facilitant les procédures de transit» et les «procédures financières» entre les banques centrales des deux pays.
Mais l'accent a également été mis «sur l'importance de renforcer les relations» dans «la santé, les transports et l'éducation», a ajouté la même source.
M. Saied a en outre appelé à «intensifier les efforts pour mettre la lumière sur la disparition des journalistes tunisiens Sofiene Chourabi et Nadhir Ktari», disparus en 2014 dans la région d'Ajdabiya (nord-est).
Le Premier ministre libyen a promis de «faire le nécessaire pour découvrir la vérité» autour de cette disparition qui avait suscité l'émoi la Tunisie voisine.
Abdelhamid Dbeibah, comme M. Manfi, a officiellement pris ses fonctions lundi dans la foulée de sa prestation de serment à Tobrouk, dans l'est du pays. Le nouveau gouvernement s'est installé le lendemain à Tripoli, avec pour objectif premier d'unifier les institutions en vue d'élections nationales en décembre.
La Libye tente de s'extraire d'une décennie de conflit, depuis la chute de la dictature de Mouammar Kadhafi en 2011, un chaos marqué par l'existence ces dernières années de pouvoirs rivaux, en Tripolitaine (ouest) et Cyrénaïque (est).
Le nouvel exécutif, qui doit permettre de clore ce chapitre de divisions, est né d'un processus onusien lancé en novembre à Tunis justement, et mis sur orbite en février à Genève, avant un vote de confiance «historique» du Parlement ce début de mois.
Le président tunisien, qui n'a effectué qu'une poignée de déplacements officiels depuis son élection en 2019, a annoncé sa visite dès le lendemain de l'investiture du nouveau gouvernement, signe de l'importance accordée à ce voisin et partenaire majeur.
La dernière visite d'un chef d'Etat tunisien chez ce voisin remontait à 2012, un an après la révolte et avant que la Libye ne s'enfonce dans la guerre, avec l'intervention croissante de puissances étrangères.
Economie
M. Saied était accompagné du ministre des Affaires étrangères Othman Jarandi et de quelques conseillers, la visite étant «purement politique», selon la présidence tunisienne, alors que les milieux économiques tunisiens réclament de longue date une relance des échanges.
La Tunisie, pour laquelle la Libye était un débouché majeur en 2011, a vu ces échanges commerciaux s'effondrer, notamment depuis la deuxième guerre civile libyenne de 2014.
Les fermetures répétées du frontière, en raison du conflit, et plus récemment de la pandémie de Covid-19, ont en outre mis à mal les circuits de l'économie informelle qui irriguent le tissu économique tunisien.
Selon la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale, organisme de l'ONU, la crise libyenne a coûté à la Tunisie 24% de sa croissance économique entre 2011 et 2015.
Outre les conséquences économiques, la situation libyenne a eu un impact sécuritaire majeur, d'où l'attention particulière portée par Tunis à la transition libyenne.
La plupart des principales attaques jihadistes ayant frappé la Tunisie au cours de la décennie écoulée ont été préparées depuis des bases arrière en Libye, où le groupe Etat islamique (EI) a un temps disposé de bastions.
Tunis a rapatrié ces derniers jours au moins six femmes et dix enfants de jihadistes tunisiens présumés, ont indiqué mercredi à l'AFP des ONG, espérant le retour prochain de dizaines d'autres ressortissants bloqués depuis des années en Libye.
Les autorités judiciaires libyennes ont annoncé mercredi qu'elles allaient remettre jeudi aux autorités tunisiennes un deuxième groupe, sans préciser le nombre.