ANKARA : Cinq ans après avoir signé avec l'Union européenne un accord controversé ayant permis de réduire considérablement le passage de migrants vers l'Europe, la Turquie appelle désormais à renouveler ce pacte devenu caduc à ses yeux.
Le vice-ministre turc des Affaires étrangères Faruk Kaymakçi, en charge des affaires européennes, déclare à l'AFP qu'actualiser cet accord, un "bon exemple" de coopération, permettra de donner "une nouvelle impulsion" aux relations entre Ankara et l'UE, qui se sont dégradées depuis 2016.
Cinq après la signature de cet accord le 18 mars 2016, quel bilan tirez-vous?
"Grâce aux efforts de la Turquie, le flux migratoire illégal à destination de l'Europe a été réduit de manière significative depuis 2015. Sans nos efforts, plus de deux millions de personnes auraient rejoint l'Europe à ce jour. En 2019, nous avons stoppé 455.000 migrants en situation irrégulière. En 2020, en dépit des restrictions des déplacements dues à la pandémie, ce nombre était de plus de 122.000.
Tous ces chiffres montrent très clairement le fardeau qui pèse sur la Turquie. Nous sommes le pays qui accueille le plus de réfugiés au monde, avec notamment 3,7 millions de Syriens.
Cela nous a coûté plus de 40 milliards d'euros, une somme à comparer avec les 6 milliards d'euros (d'aide européenne promise dans l'accord de 2016), dont pratiquement la moitié n'a pas encore été dépensée. Il faut un partage équitable du fardeau entre la Turquie et le reste de l'Europe."
Vous demandez aujourd'hui le renouvellement de cet accord. Pourquoi?
"En 2016, il y avait deux millions de Syriens en Turquie. Aujourd'hui, nous en accueillons 3,7 millions.
Nous sommes convaincus que le renouvellement de l'accord du 18 mars (2016) est impératif et dans l'intérêt de tous. Cet accord était un bon exemple de la façon dont la Turquie et l'UE peuvent agir ensemble pour contribuer à la sécurité, la stabilité et la prospérité de la région. Nous voyons le renouvellement de cet accord comme la meilleure façon d'instaurer un agenda positif dans les relations entre l'UE et la Turquie, ce dont nous avons grand besoin. Cela donnera une nouvelle impulsion à notre coopération.
J'espère que ce processus de renouvellement et les efforts visant à faire progresser les relations entre la Turquie et l'UE ne seront pas prises en otage par les positions étriquées et irrationnelles d'un ou deux pays européens dont les intérêts personnels sont en contradiction avec ceux de l'UE."
Le président turc Recep Tayyip Erdogan accuse régulièrement l'Union européenne de ne pas avoir tenu toutes ses promesses de 2016. Quelles sont vos demandes?
R: "L'accord du 18 mars n'est pas limité aux migrations et doit être revisité dans sa totalité.
Tout d'abord, il faut que la perspective (d'adhésion) européenne de la Turquie soit renforcée. La Turquie doit être traitée comme n'importe quel autre pays candidat. En outre, les négociations sur la modernisation de l'union douanière (entre la Turquie et l'UE) doivent débuter immédiatement.
L'UE doit aussi se montrer flexible et compréhensive tout en encourageant la Turquie à remplir les derniers critères pour obtenir l'exemption de visa pour que les Turcs puissent se rendre librement en Europe (comme le prévoit l'accord de 2016).
En ce qui concerne la coopération migratoire, nous attendons de l'UE qu'elle tienne parole et apporte une aide financière rapide et adaptée. Il faut aussi coopérer avec la Turquie dans le nord de la Syrie pour créer les conditions d'un retour sûr, volontaire et digne des Syriens."