ROME: En Sicile, les magistrats devraient inculper vingt et une personnes et trois groupes de défense des droits de l’homme pour l’aide qu’ils ont apportée à l’immigration clandestine en provenance de Libye et la collusion dont ils ont fait preuve avec des passeurs.
À Trapani, des procureurs ont indiqué qu’ils avaient mené une enquête centrée sur le Iuventa, un navire appartenant à l’ONG allemande Jugend Rettet, dont les responsables disent avoir secouru des milliers de personnes en Méditerranée.
Les décisions judiciaires n’ont pas été rendues publiques par les enquêteurs, mais les membres d’équipage du Iuventa affirment avoir été inculpés. Ils risqueraient jusqu’à vingt ans de prison.
Après une enquête qui a duré trois ans, les magistrats estiment que l’équipage a collaboré avec des passeurs en 2016 et en 2017 dans le but d’organiser des transferts de migrants en mer.
Par ailleurs, à Catane, la deuxième plus grande ville de Sicile, un juge a décidé que quatre personnes, parmi lesquelles des employés de Médecins sans frontières (MSF), devraient être jugées pour avoir illégalement déversé des déchets potentiellement dangereux dans des ports italiens après des missions de sauvetage.
«Sauver des vies n’est jamais un crime»
L’affaire de Catane est centrée sur les opérations menées par les navires Aquarius et Vos Prudence, qui appartiennent aux deux ONG. Les magistrats avancent que les membres d’équipage ont illégalement jeté des tonnes de déchets dans les poubelles de la ville entre 2017 et 2018, après être rentrés au port à la suite de différents voyages.
Dans une troisième affaire, en début de semaine, des procureurs siciliens ont accusé l’ONG Mediterranea Saving Humans d’avoir reçu un paiement illégal de la compagnie maritime Maersk en échange de la prise en charge d’un groupe de migrants qu’un de ses navires avait secourus au large de la Libye au mois d’août dernier.
Cependant, toutes les ONG nient leur culpabilité. «Sauver des vies n’est jamais un crime. Nous prouverons que toutes les opérations de l’équipage du Iuventa étaient absolument licites», lance l’avocate de Jugend Rettet, Francesca Cancellaro, à l’agence de presse italienne Ansa.
Elle ajoute que l’équipage «a respecté le droit international et les indications données par les garde-côtes italiens».
MSF a nié toutes les accusations portées contre elle. «Cette action en justice s’inscrit dans un effort plus large de l’Italie destiné à stopper les opérations de sauvetage, ce qui affaiblit dangereusement la capacité à sauver ceux qui sont en danger en mer», affirme un porte-parole de l’ONG.
En dépit des contestations juridiques, le nombre de navires en mer appartenant à des ONG augmente.
Le Sea Watch 3, qui appartient à une organisation caritative allemande, a reçu mercredi l’autorisation de transporter en Sicile 363 migrants récemment secourus.
Un autre bateau appartenant à une ONG, le Sea Watch 4, a été autorisé à quitter le port après avoir été saisi pour des irrégularités présumées.
En Italie, les partis de centre-gauche se disent solidaires des ONG. «Nous sommes conscients de tous les efforts que déploient chaque jour les ONG pour sauver des vies, tout en risquant la leur», confie à Arab News Nicola Fratoianni, député de la Sinistra Italiana (gauche italienne), ajoutant: «Cette enquête permettra de démontrer l’honnêteté des personnes impliquées.»
La semaine prochaine, la ministre de l’Intérieur, Luciana Lamorgese, doit participer à une réunion des ministres de la Justice et des Affaires intérieures de l’Union européenne qui se focalisera sur les migrants.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com