Comment Assad a complètement tourné le dos au monde arabe

Des membres de la communauté druze sont assis près d'un panneau d'affichage portant le portrait du président syrien Bashar Assad lors d'un rassemblement dans le village de Majdal Shams sur le plateau du Golan annexé par Israël, le 14 février 2021. JALAA MAREY / AFP.
Des membres de la communauté druze sont assis près d'un panneau d'affichage portant le portrait du président syrien Bashar Assad lors d'un rassemblement dans le village de Majdal Shams sur le plateau du Golan annexé par Israël, le 14 février 2021. JALAA MAREY / AFP.
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Publié le Lundi 15 mars 2021

Comment Assad a complètement tourné le dos au monde arabe

  • « L’arabité du régime, au moins depuis 1970, est un prétexte pour museler la liberté d’expression et réprimer les autres ethnies, notamment les Kurdes », précise Salam Kawakibi.
  • La barbarie de la répression du régime contre son peuple, a poussé la Ligue arabe en novembre 2011, d’exclure provisoirement la Syrie, appelant au retrait des ambassadeurs arabes à Damas.

BEYROUTH: Alors que la Syrie commémore cette année les dix ans du déclenchement de la révolution, le 15 mars 2011 à Deraa (Sud), le régime de Bachar al-Assad, fer de lance de l’arabité, semble aujourd’hui avoir plus que jamais tourné le dos au monde arabe.

Le régime syrien a toujours utilisé le nationalisme arabe dans son propre intérêt, comme il a récemment utilisé la religion, la menace djihadiste et la défense des minorités en sa faveur dès le début du conflit. Sa stratégie consiste à jouer à l’équilibriste entre les différents acteurs, qu’ils soient ses alliés ou ses adversaires.

Depuis sa prise du pouvoir dans les années 1970, Hafez al-Assad, le père de Bachar, a été un interlocuteur incontournable pour les Américains, alors qu’il était le partenaire privilégié de l’Union soviétique. C’est d’ailleurs lui qui s’est allié à l’Iran des Mollahs après la révolution islamique, quand ces derniers commençaient à s’intéresser à la défense des minorités chiites marginalisées dans le monde arabe. La famille Assad est issue de la communauté alaouite, branche du chiisme qui est minoritaire en Syrie.

Le parti Baas syrien, chantre de l’arabité, a ainsi soutenu Téhéran dans sa guerre contre l’Irak de Saddam Hussein, issu lui aussi du parti Baas au pouvoir à Bagdad. À son arrivée à la tête de l’État après la mort de son père en 2000, Bachar al-Assad a été aussitôt courtisé par les Occidentaux, à l’instar de la France de Jacques Chirac, et par les Arabes, à l’image du roi Abdallah d’Arabie, qui l’a soutenu  financièrement en espérant l’avoir sous son aile.

« Un mythe ... qui déforme la réalité syrienne »

L’arabité du régime d’Assad est «un mythe comme plusieurs autres mythes qui déforment la réalité syrienne, notamment dans certains milieux arabes et même occidentaux», explique Salam Kawakibi, directeur du Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (Carep Paris) et ancien directeur adjoint à l’Arab Reform Initiative.

La politique du régime syrien est avant tout pragmatique. Il est prêt à tout, surtout à toutes sortes d’alliances, pour se maintenir au pouvoir. Telle est, finalement, la véritable idéologie de Bachar al-Assad.

«Le régime, depuis le règne du père, produit sans cesse des slogans, cela sur tous les registres, en suivant les normes de la Corée du Nord. La pratique est très loin de ces slogans et c’est cohérent avec la logique de la “sécuritocratie” en place. Cette “arabité” plaît cependant aux pavloviens au sein de la gauche arabe et à leurs confrères au sein des mouvements nationalistes qui ont en commun la culture des slogans», précise M. Kawakibi.

Imposer son pouvoir

Le régime d’Assad a également exploité le principe de la solidarité arabe pour tenter de s’imposer en parangon de l’axe de la résistance contre Israël. Le problème est que, finalement, la plupart des voisins de l’État hébreu ont fait la paix ou ont normalisé leur relation avec lui, la cause palestinienne n’étant plus au centre des enjeux géopolitiques régionaux, alors que l’Iran est devenu l’ennemi commun d’Israël et des monarchies du Golfe. D’où le rapprochement d’Assad avec la République islamique, devenue entre-temps la locomotive de la lutte contre l’État hébreu.

«L’arabité inclut également un positionnement radical dans les apparences par rapport à la question palestinienne et, dans la réalité, l’adoption de cette cause juste est un alibi pour la répression intérieure», précise M. Kawakibi.

En effet, c’est surtout sur le plan interne que le régime syrien a joué la carte de l’arabité. Cette notion est mentionnée plus de quarante fois dans la Constitution syrienne. C’est également pour mieux asseoir son autorité, et imposer son pouvoir, ainsi que celui de son clan sur le pays, qu’il a utilisé le nationalisme arabe comme ciment entre les différentes composantes de son pays. Une sorte de slogan vide de sens, alors qu’il a réussi au fil des années à infiltrer la communauté alaouite au sein des plus hautes sphères du pouvoir.

Museler le liberté d'expression

«L’arabité du régime, au moins depuis 1970, est un prétexte pour museler la liberté d’expression et réprimer les autres ethnies, notamment les Kurdes», indique ainsi M. Kawakibi. «Dès qu’un régime s’attaque à son peuple, ni la prétendue arabité, ni la laïcité présumée ne camoufleront ses dérives», ajoute-t-il.

C’est donc la barbarie de la répression du régime contre son peuple qui a poussé la Ligue arabe, au mois de novembre 2011, à exclure provisoirement la Syrie, appelant au retrait des ambassadeurs arabes à Damas. Cette mise au ban du monde arabe a finalement accéléré sur le terrain la concrétisation d’un axe iranien allant de Téhéran à Beyrouth en passant par Bagdad et Damas, ce que le roi Abdallah II de Jordanie avait prophétisé dès 2004 en parlant du «croissant chiite».

Le vide laissé par les pays arabes a été vite comblé par Téhéran et Moscou, devenus les alliés indéfectibles du régime d’Assad, et qui lui ont finalement permis de s’accrocher au pouvoir au prix – fort – d’un pays complètement dévasté, la moitié de la population syrienne étant déplacée ou réfugiée, sans oublier les 500 000 morts que compte le conflit depuis 2011.

Une nouvelle politique néo-ottomane

Après quelques tentatives au début du conflit pour faire pression sur Bachar al-Assad, les capitales arabes, parmi lesquelles Doha et Riyad, qui avaient copieusement investi leur argent en Syrie, ont finalement jeté l’éponge. En revanche, elles ont soutenu, directement ou indirectement, les insurgés syriens, contribuant à les diviser bien plus qu’à les fortifier. «Les pays arabes, sans exception, n’ont joué aucun rôle significatif, sinon la cooptation politique au sein des groupes de l’opposition, sans réel impact», explique M. Kawakibi.

Ce vide a également été comblé par la Turquie, qui vise depuis quelques années à réinvestir militairement et diplomatiquement la région, considérée comme sa zone d’influence directe, alors que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est lancé dans une nouvelle politique néo-ottomane.

Face aux pressions arabes destinées à le faire plier, le président syrien s’est jeté dans les bras de l’Iran. Aujourd’hui, c’est principalement la Russie, la Turquie et l’Iran qui sont les acteurs principaux en Syrie.

Désintérêt flagrant envers le monde arabe

«Les Émirats, à la surprise de certains, ont rétabli les relations avec Damas (décembre 2018). En revanche, cela n’a donné aucun résultat positif dans l’attitude du régime à l’égard du processus politique établi par la résolution 2254 du Conseil de sécurité», explique Salam Kawakibi à Arab News en français. En effet, Damas a totalement dédaigné les appels arabes et internationaux pour lancer des réformes et rédiger une Constitution démocratique.

Abou Dhabi plaide pour une réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Au mois de mars 2020, Mohammed ben Zayed avait eu une conversation téléphonique avec Bachar al-Assad. Cette semaine, le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Cheikh Abdallah ben Zayed, a estimé que les sanctions américaines contre la Syrie entravent un retour de Damas au sein de la Ligue arabe. Rappelons que, si certaines capitales ont déjà rétabli leurs relations diplomatiques avec Damas, la Syrie n’a toujours pas réintégré cette organisation régionale.

Finalement, Bachar al-Assad a fait preuve d’un désintérêt flagrant envers le monde arabe. En coupant les ponts avec Damas en 2011, les pays arabes ont accéléré un divorce déjà entamé. Qu’il s’agisse de l’arabité, de la lutte contre Israël ou contre le djihadisme, de la défense des minorités… La réalité sur le terrain, c’est que le régime syrien n’a qu’un but: le pouvoir. Tout le reste n’est que propagande et slogans vides de sens.


Finul: quatre soldats italiens blessés, Rome accuse le Hezbollah

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  • Dans un communiqué, le ministère italien de la Défense indique que "quatre soldats italiens ont été légèrement blessés après l'explosion de deux roquettes de 122 mm ayant frappé la base UNP 2-3 de Chamaa dans le sud du Liban
  • Selon un porte-parole de la Finul, la force onusienne a recensé plus de 30 incidents en octobre ayant entraîné des dommages matériels ou des blessures pour les Casques bleus

ROME: Quatre soldats italiens ont été légèrement blessés lors d'une nouvelle "attaque" contre la mission de maintien de la paix de l'ONU au Liban, la Finul, a indiqué vendredi le gouvernement italien, qui en a attribué la responsabilité au Hezbollah.

"J'ai appris avec profonde indignation et inquiétude que de nouvelles attaques avaient visé le QG italien de la Finul dans le sud du Liban (et) blessé des soldats italiens", a indiqué dans un communiqué la Première ministre Giorgia Meloni.

"De telles attaques sont inacceptables et je renouvelle mon appel pour que les parties en présence garantissent à tout moment la sécurité des soldats de la Finul et collaborent pour identifier rapidement les responsables", a-t-elle affirmé.

Mme Meloni n'a pas désigné le responsable de cette attaque, mais son ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani a pointé du doigt le Hezbollah: "Ce devraient être deux missiles (...) lancés par le Hezbollah, encore une fois", a-t-il déclaré là la presse à Turin (nord-ouest).

Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué à l'AFP que Rome attendrait une enquête de la Finul.

Dans un communiqué, le ministère italien de la Défense indique que "quatre soldats italiens ont été légèrement blessés après l'explosion de deux roquettes de 122 mm ayant frappé la base UNP 2-3 de Chamaa dans le sud du Liban, qui abrite le contingent italien et le commandement du secteur ouest de la Finul".

"J'essayerai de parler avec le nouveau ministre israélien de la Défense (Israël Katz, ndlr), ce qui a été impossible depuis sa prise de fonction, pour lui demander d'éviter d'utiliser les bases de la Finul comme bouclier", a affirmé le ministre de la Défense Guido Crosetto, cité par le communiqué.

Selon un porte-parole de la Finul, la force onusienne a recensé plus de 30 incidents en octobre ayant entraîné des dommages matériels ou des blessures pour les Casques bleus, dont une vingtaine dus à des tirs ou des actions israéliennes.

Plus de 10.000 Casques bleus sont stationnés dans le sud du Liban, où la Finul est déployée depuis 1978 pour faire tampon avec Israël. Ils sont chargés notamment de surveiller la Ligne bleue, démarcation fixée par l'ONU entre les deux pays.

L'Italie en est le principal contributeur européen (1.068 soldats, selon l'ONU), devant l'Espagne (676), la France (673) et l'Irlande (370).


Syrie: le bilan des frappes israéliennes sur Palmyre s'élève à 92 morts

Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan. (AFP)
Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan. (AFP)
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  • Un dépôt d'armes proche de la zone industrielle de Palmyre a aussi été visé, selon l'OSDH, ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie
  • Le bilan s'élève à "92 morts", a déclaré l'OSDH, parmi lesquels 61 combattants syriens pro-iraniens dont onze travaillant pour le Hezbollah libanais, "27 ressortissants étrangers" pour la plupart d'Al-Noujaba, et quatre membres du Hezbollah

BEYROUTH: Quatre-vingt-douze combattants pro-iraniens ont été tués dans des frappes israéliennes mercredi à Palmyre, dans le centre de la Syrie, a annoncé vendredi l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) dans un nouveau bilan.

Mercredi, trois frappes israéliennes ont ciblé la ville moderne attenante aux ruines gréco-romaines de la cité millénaire de Palmyre. Une d'entre elles a touché une réunion de membres de groupes pro-iraniens avec des responsables des mouvements irakien d'Al-Noujaba et libanais Hezbollah, selon l'Observatoire.

Un dépôt d'armes proche de la zone industrielle de Palmyre a aussi été visé, selon l'OSDH, ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie.

Le bilan s'élève à "92 morts", a déclaré l'OSDH, parmi lesquels 61 combattants syriens pro-iraniens dont onze travaillant pour le Hezbollah libanais, "27 ressortissants étrangers" pour la plupart d'Al-Noujaba, et quatre membres du Hezbollah.

L'ONG avait fait état la veille de 82 morts.

Ces frappes israéliennes sont "probablement les plus meurtrières" ayant visé la Syrie à ce jour, a déclaré jeudi devant le Conseil de sécurité Najat Rochdi, adjointe de l'envoyé spécial de l'ONU en Syrie.

Depuis le 23 septembre, Israël a intensifié ses frappes contre le Hezbollah au Liban mais également sur le territoire syrien, où le puissant mouvement libanais soutient le régime de Damas.

Depuis le début de la guerre civile en Syrie, Israël a mené des centaines de frappes contre le pays voisin, visant l'armée syrienne et des groupes soutenus par Téhéran, son ennemi juré. L'armée israélienne confirme rarement ces frappes.

Le conflit en Syrie a éclaté après la répression d'un soulèvement populaire qui a dégénéré en guerre civile. Il a fait plus d'un demi-million de morts, ravagé les infrastructures et déplacé des millions de personnes.

Située dans le désert syrien et classée au patrimoine mondial de l'Unesco, Palmyre abrite des temples gréco-romains millénaires.

 


Israël annonce mettre fin à un régime de garde à vue illimitée pour les colons de Cisjordanie

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  • Quelque 770 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon des données de l'Autorité palestinienne
  • Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, 24 Israéliens, civils ou militaires, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a annoncé vendredi que le régime dit de la détention administrative, équivalent d'une garde à vue quasi illimitée, ne serait désormais plus applicable aux colons israéliens en Cisjordanie.

Alors que "les colonies juives [en Cisjordanie] sont soumises à de graves menaces terroristes palestiniennes [...] et que des sanctions internationales injustifiées sont prises contre des colons [ou des entreprises oeuvrant à la colonisation], il n'est pas approprié que l'Etat d'Israël applique une mesure aussi sévère [la détention administrative, NDLR] contre des colons", déclare M. Katz dans un communiqué.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967 et les violences ont explosé dans ce territoire palestinien depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas à Gaza, le 7 octobre 2023.

Quelque 770 Palestiniens y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon des données de l'Autorité palestinienne. Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, 24 Israéliens, civils ou militaires, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Face à la montée des actes de violences commis par des colons armés, plusieurs pays occidentaux (Etats-Unis, Union européenne, Royaume-Uni et Canada notamment) ont au cours des douze derniers mois pris des sanctions (gel des avoirs, interdiction de voyager) contre plusieurs colons qualifiés d'"extrémistes".

Il y a quelques jours, les Etats-Unis ont sanctionné pour la première fois une entreprise israélienne de BTP active dans la construction de colonies en Cisjordanie.

La détention administrative est une procédure héritée de l'arsenal juridique de la période du Mandat britannique sur la Palestine (1920-1948), avant la création d'Israël. Elle permet aux autorités de maintenir un suspect en détention sans avoir à l'inculper, pendant des périodes pouvant aller jusqu'à plusieurs mois, et pouvant être renouvelées pratiquement à l'infini.

Selon le Club des prisonniers palestiniens, ONG de défense des Palestiniens détenus par Israël, plus de 3.430 Palestiniens se trouvaient en détention administrative fin août. Par comparaison, seuls huit colons juifs sont détenus sous ce régime à ce jour, selon le quotidien israélien de gauche Haaretz vendredi.

L'annonce de la fin de la détention administrative pour les colons survient au lendemain de l'émission par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêts internationaux contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant recherchés par la justice internationale pour des "crimes de guerres" et "crimes contre l'humanité".

M. Netanyahu a rejeté catégoriquement la décision de la Cour comme une "faillite morale" et une mesure animée par "la haine antisémite à l'égard d'Israël".