AMMAN, JORDANIE: Des travaux de restauration sont en cours dans les lieux saints de Jérusalem depuis près d’un siècle maintenant, avec un total de cinq projets majeurs financés par la famille royale hachémite de Jordanie.
Les projets en cours dans la Vieille ville ont été médiatisés après une flambée de tensions en janvier lorsque la police israélienne a tenté d'interrompre les rénovations du Dôme du Rocher.
Le monarque actuel, le roi Abdallah II de Jordanie, a poursuivi la mission de son père et de son arrière-grand-père en créant en 2007 le Fonds hachémite pour la restauration de la mosquée Al-Aqsa et du Dôme du Rocher.
En décembre 2016, un projet de huit ans qui visait à rénover et à préserver les mosaïques du Dôme du Rocher et de la mosquée Qibli s'est conclu par la restauration d'environ 16 millions de pièces de mosaïque - le premier projet de ce type en 500 ans.
Wasfi Al-Kailani, directeur exécutif du Fonds Hachémite, a déclaré à Arab News que les fonds de la famille royale ont financé des dépenses de près de 1,5 milliard de dinar jordanien (JOD) (2,1 milliards de dollars) pour ces projets depuis 1922.
La mosquée Al-Aqsa, également connue sous le nom de la mosquée Qibli, est située à l'intérieur du Noble Sanctuaire, ou Haram Al-Sharif, à côté du Dôme du Rocher – l’édifice emblématique au toit d'or construite sur le site où le prophète Mohammed serait monté au paradis la nuit sur un cheval ailé, lors de l’Isra et Miraj.
Le calife omeyyade Abd Al-Malik Ibn Marwān a commandé sa construction qui s’est achevée sous le règne de son fils, Al-Walid, en 705. Le site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO est l'un des trois sites les plus sacrés de l'Islam, avec Makkah et Al-Madinah en Arabie saoudite.
Cependant, le peuple juif revendique également le même site, connu dans le judaïsme sous le nom de Mont du Temple. Ils pensent que la mosquée est le site des vestiges de deux temples juifs détruits. En conséquence, à ce jour, l'enceinte reste à la fois un objet majeur de tensions, symboliques et réelles, dans le conflit israélo-palestinien.
Selon le droit international, le Waqf islamique de Jérusalem, qui est directement affilié au ministère jordanien des Awqaf des Affaires islamiques et des Lieux saints, est le responsable officiel de la mosquée Al-Aqsa et des dotations de Jérusalem. La Jordanie conserve toujours le droit exclusif de superviser les affaires religieuses à Jérusalem, conformément à l'accord de paix qu'elle a signé avec Israël en 1994.

Les premiers travaux de restauration, qui ont commencé en 1922 et ont été achevés en 1952, ont vu la création du Conseil supérieur islamique (CSI) dans le but de préserver les accords islamiques et protéger les sanctuaires en Palestine.
Sous la direction de Hajj Amin Al-Husseini, le CSI a levé des fonds pour restaurer le Dôme du Rocher. Le roi Abdallah I, le premier souverain de la Transjordanie, a supervisé les travaux de restauration en personne. Ces travaux consistaient à refaire les mosaïques et les anciennes œuvres d'art.
Pendant la guerre de 1948, la vieille ville de Jérusalem, la mosquée Al-Aqsa et le toit de l'église du Saint-Sépulcre ont subi des dommages considérables. Immédiatement après la fin de la guerre, le roi Abdallah I s'est rendu à Al-Aqsa et a lancé la restauration du Mihrab Zakariah (Niche d'Al-Aqsa).
Le roi Abdallah I était profondément attaché à la préservation des Lieux saints tout au long de son règne jusqu'à son assassinat dans la mosquée Qibli le 20 juillet 1951.

Le petit-fils d’Abdallah, le roi Hussein, a pris le relais en lançant une deuxième vague de projets de restauration de 1952 à 1964 et en fondant la Loi jordanienne du Comité de restauration hachémite en 1954.
Au fil des siècles, le Dôme du Rocher avait perdu son éclat doré et laissait entrer l'eau. Les plaques de plomb ornant le dôme ont dû être remplacées par des poutres de support en aluminium et de nouvelles plaques dorées.
«Lorsque le calife Abdel Malik a décidé de recouvrir la mosquée d'or, il a appelé les musulmans à apporter leurs bijoux en or», a révélé Al-Kailani.
«Jusqu'à ce jour, nous voyons dans la boîte à offrandes transparente de la mosquée Al-Aqsa à la fois des billets de monnaie et des bijoux que les femmes ont donné pour contribuer à l'effort de restauration».
EN CHIFFRES
2,1 milliards de dollars
* L'argent dépensé par le fonds hachémite pour la restauration de la mosquée Al-Aqsa / Al-Haram Al-Sharif depuis 1922.
La chaire de Saladin en bois et ivoire, vieille de 1000 ans, connue sous le nom de Minbar Salah Al-Din, a été détruite dans l'incendie. La chaire avait été amenée d'Alep à Jérusalem par Salah Al-Din lui-même après avoir libéré Jérusalem des croisés en 1187.
Son remplacement, conçu pour ressembler à l'original, a finalement été installé en 2007 pour un coût de 2,115 millions de dollars du Trésor jordanien. Les réparations des dommages causés par le feu sont toujours en cours.
La quatrième phase de restauration a commencé au début des années 1990 pour remédier aux intempéries et à d'autres usures du Dôme du Rocher. Quelque 1 200 plaques de cuivre et de nickel, dorées à l'or 24 carats, ont été installées, aux côtés de nouveaux supports de toiture et d'ignifugation.
«Sa Majesté feu le roi Hussein a vendu sa maison en Grande-Bretagne pour 8,5 millions de livres sterling, dont il a fait don pour rénover le dôme doré avec un revêtement doré de 24 carats», a dévoilé Al-Kailani. La restauration a ramené la splendeur étincelante du dôme.

Pourtant, ces dernières années, la fuite dans le toit de la salle de prière de Bab Al-Rahmeh était devenue insupportable. Chaque fois qu'il pleuvait, le plafond mouillé coulait sur les têtes des fidèles musulmans pendant qu'ils priaient à Bab Al-Rahmeh à la périphérie de l'enceinte d'Al-Aqsa.
La police israélienne a bloqué à plusieurs reprises les tentatives de réparation du toit du petit bâtiment, niché juste à l'intérieur de la porte dorée fermée, malgré les appels continus du Waqf islamique de Jérusalem.
Puis, le 22 janvier, un Palestinien, portant une Kufiya sur le visage pour cacher son identité aux caméras de surveillance israéliennes, a monté sur le toit de la salle de prière de Bab Al-Rahmeh et il a réussi à réparer la fuite. La police israélienne a réagi par une interdiction des travaux de restauration et un embargo sur tous les biens et matériaux entrant dans l'enceinte.
Bassam Al-Hallaq, directeur du département de restauration hachémite de la mosquée Al-Aqsa, a été indigné par cette décision. Il a déclaré à l'émission «Eye on Jerusalem» (Regard sur Jérusalem de la télévision jordanienne : «Je travaille ici depuis 40 ans et c'est la première fois que notre travail est interrompu».
Azzam Khatib, directeur général de la direction jordanienne des affaires du Waqf de Jérusalem et de la mosquée Al-Aqsa, a refusé d'accepter l'embargo. Le Conseil du Waqf s'est réuni et a publié une déclaration condamnant l'action israélienne.

Omar Kisswani, directeur de la mosquée Al-Aqsa, a souligné que la réparation et la restauration de l'ensemble de l'enceinte sont le droit absolu du Waqf islamique et que les autorités israéliennes n'ont pas le droit d'intervenir.
Khatib a également informé Ghassan Majali, l'ambassadeur de Jordanie en Israël, et Mohammad Khalaileh, le ministre du Waqf à Amman, ce qui a conduit à une forte déclaration de protestation du ministère jordanien des Affaires étrangères.
La campagne de pression unifiée a fonctionné. Quatre jours après l'imposition de l'interdiction, les autorités israéliennes ont annulé l'embargo, permettant aux travaux de restauration de se poursuivre.
«Nous avons pu reprendre notre travail de façon régulière et apporter tout l'équipement et les articles nécessaires», a affirmé Al-Hallaq.
«Le défi de la restauration a toujours été de savoir comment sauvegarder le caractère authentique de chaque élément historique d'Al-Aqsa», a expliqué Al-Kailani.
Pour sa part, Al-Hallaq signale que de nombreux projets de restauration ont été bloqués par les autorités israéliennes - et que d'autres obstacles sont attendus à l'avenir. En plus de l'interdiction des rénovations à Bab Al-Rahmeh, Israël a également empêché toute tentative d'éclairer le sommet du Dôme du Rocher.

«Même avant la controverse sur la réparation de Bab Al-Rahmeh, Israël avait interdit certains travaux, tels que l'éclairage du dôme doré et le système d'extinction d'incendie à l'intérieur de la mosquée Al-Aqsa», a-t-il ajouté.
«Nous avons remarqué que l'éclairage actuel du Dôme du Rocher n'atteint pas les zones supérieures. Nous avons l'argent et les plans pour construire un système d'éclairage qui permettra l'illumination de tout le Dôme du Rocher, mais Israël nous interdit l'érection de toutes les tours nécessaires pour éclairer le dôme.
Al-Hallaq soutient que surmonter ces obstacles est une partie importante du devoir historique et religieux des musulmans en vue de défendre leurs lieux saints.
«Lorsque vous travaillez comme ingénieur ou artisan ici, vous travaillez toujours à vos risque à cause d’Israël. Mais malgré tout cela, tandis que nous souffrons de ces interventions, nous sommes déterminés et insistons pour poursuivre les efforts de restauration», a-t-il avoué.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com