LONDRES: Le directeur d’Amnesty International pour l’Europe a appelé les pays européens à adopter une ligne plus dure face aux violations des droits humains par la Turquie. Il affirme en effet que «le temps des attentes et des hésitations est révolu», et qu’il est indispensable de mettre le pays face à ses responsabilités.
«Le mépris de la Turquie à l’égard des droits humains est encore nettement monté d’un cran», a déclaré Nils Muiznieks.
«La Turquie ne se contente pas d’incarcérer des journalistes innocents, des défenseurs des droits humains, des étudiants qui manifestent et des personnes militants sur les droits sociaux, elle intensifie également les persécutions politiques et fait fi des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en faveur de la libération de personnes injustement emprisonnées», a-t-il expliqué.
«Il est temps que les gouvernements européens augmentent la pression pour exiger que la Turquie s’acquitte de ses obligations, et ne se laissent pas berner par les belles paroles dans le cadre du plan d’action en faveur des droits humains annoncé – enfin – par le président Recep Tayyip Erdogan le 2 mars. La forte érosion du système judiciaire ne peut être endiguée qu’en menant une réforme de fond», a-t-il poursuivi.
«La Turquie est membre du Conseil de l'Europe, et a longtemps prétendu coopérer avec la CEDH», a-t-il déclaré, ajoutant que le refus d'Ankara d’agir à propos de deux cas très médiatisés de violations des droits humains, qui sont parvenus jusqu’au système judiciaire européen, a creusé un fossé diplomatique entre le pays et ses voisins européens.
«Un signe fort du désengagement de la ʺpolitique habituelleʺ de la Turquie est son refus de libérer deux personnalités emblématiques incarcérées à tort. Osman Kavala, philanthrope et pilier de la société civile turque, est incarcéré depuis plus de trois ans; et Selahattin Demirtas, leader politique de l’opposition, depuis quatre ans. Je les connais personnellement», a ajouté Nils Muiznieks, qui a précisé que la CEDH avait conclu que ces deux détentions «étaient des cas de persécution politique».
Des organisations paneuropéennes telles que le Comité des ministres – un organisme composé des ministres des Affaires étrangères de tous les États membres de l’UE – ont déjà appelé à plusieurs reprises à la libération de Kavala.
«La Turquie a réagi en crachant au visage du reste de l’Europe: elle a lancé de nouvelles accusations infondées contre les deux hommes, démontrant le caractère nettement politique de ces affaires», a affirmé Muiznieks. «Ces accusations ʺfantastiquesʺ contre Kavala seraient risibles si leur exploitation pour le priver de sa liberté n'était pas aussi injuste.»
Le directeur d’Amnesty International pour l’Europe a précisé que l’UE devrait lancer une «procédure d’infraction» contre la Turquie et mener une enquête sur l’incapacité d’Ankara à mettre en application les décisions juridiquement contraignantes de la CEDH. «Les autorités turques ont montré qu'aucun dialogue ne libérera ces hommes. Il est impossible de prétendre que la Turquie continue de coopérer et de remplir ses obligations de bonne foi», a-t-il conclu.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com